• Aucun résultat trouvé

Q UELQUES TRAITS CARACTÉRISTIQUES ET POTENTIELS DISTINCTIFS DE LA RECHERCHE PARTICIPATIVE POUR LA SANTÉ PUBLIQUE

LA RECHERCHE PARTICIPATIVE D IVERSITÉ ET DÉFINITION GÉNÉRALE

Q UELQUES TRAITS CARACTÉRISTIQUES ET POTENTIELS DISTINCTIFS DE LA RECHERCHE PARTICIPATIVE POUR LA SANTÉ PUBLIQUE

Au-delà de sa dimension d’habilitation et de ses fonctions essentielles de production de savoirs et d’engagement dans l’action et la transformation du monde vécu, il importe de spécifier ici que la recherche participative se distingue par trois traits caractéristiques qui en font une méthodologie privilégiée pour la pratique contemporaine en santé publique : sa démarche empreinte de collaboration, son processus cyclique générateur et la production d’une diversité de savoirs.

UNE DÉMARCHE EMPREINTE DE COLLABORATION

La recherche participative se caractérise par une démarche où les participants sont appelés à s’engager dans toutes les étapes pour faire face à un problème jugé important par

l’ensemble des partis impliqués : la conception de la problématique et le diagnostic de la situation dans laquelle doit se dérouler le projet ; l’élaboration des objectifs à poursuivre et des questions à explorer ; la détermination de normes de fonctionnement, notamment pour la gestion de la confidentialité, de conflits potentiels, des données, des résultats, ainsi que des publications, rapports et présentations à venir ; la sélection des méthodes pour le bon fonctionnement du projet et l’attribution des rôles et responsabilités entre les divers partis ; la collecte et l’analyse des données ; l’interprétation et la présentation des résultats sous diverses formes ; et l’engagement immédiat dans l’action afférente, en fonction des priorités établies, des ressources jugées nécessaires et disponibles, et des limites des co- responsabilités engagées.

Il faut noter que les méthodes de recherche utilisées dans ce processus collaboratif sont variées et, qu’il s’agisse de techniques quantitatives ou qualitatives – voire même artistiques, créatrices ou théâtrales – l’objectif est de favoriser l’appropriation, par le

milieu, du processus et des résultats. Par ailleurs, bien que la collaboration souhaitée soit de l’ordre d’un partage de pouvoirs à toutes les étapes de la démarche, où les participants sont co-chercheurs et co-acteurs, les contributions et les responsabilités de chacun sont

nécessairement à la mesure de leurs capacités, ressources, expertises, intérêts et contextes particuliers. De plus, ces contributions et responsabilités peuvent évoluer au fil de la

progression d’un projet, selon les apprentissages réalisés, la dynamique en émergence et les possibilités qui surviennent (Cornwall & Jewkes, 1995 ; Elden & Levin, 1991 ; Greenwood & Levin, 1998 ; Karlsen, 1991 ; Reason, 1994a, 1994b).

Dès lors, il n’y a pas, au sens propre, une démarche de recherche participative typique. Il importe plutôt de veiller à la souplesse et à la flexibilité du processus. Par exemple, il n’est pas inhabituel que les experts en recherche agissent au départ comme facilitateurs et

guides1 pour démarrer l’initiative et pour aider les gens à mettre en valeur leurs ressources et expertises, tout en apprenant et en choisissant comment devenir co-chercheurs/acteurs engagés. Au fil des apprentissages individuels et collectifs, les chercheurs professionnels deviennent ensuite progressivement des participants au même titre que les autres acteurs, chacun contribuant au projet selon son expertise. À la fin, selon les circonstances, les experts peuvent même adopter un rôle plus effacé et n’offrir que des conseils techniques pour soutenir la démarche de recherche entièrement définie, organisée et dirigée par les participants (Heron, 1996).

Ce faisant, puisque cette stratégie favorise un rapprochement de divers acteurs ayant des expertises et des savoirs variés, et puisqu’elle connecte la recherche avec le concret du terrain, de l’action et des pratiques, elle comporte alors le potentiel de rendre les initiatives de recherche et d’intervention de la santé publique plus présentes auprès des citoyens, de faire face à la complexité avec plus d’efficacité, et de produire des savoirs et des actions plus pertinents aux singularités locales (Greenwood & Levin, 1998, 2000 ; Israel et al., 1998 ; Liu, 1992b). Dès lors, cette méthodologie s’inscrit tout à fait dans la volonté d’engagement de la santé publique contemporaine auprès des communautés et le projet de la collaboration/participation qui s’y dessine. De plus, cette approche correspond aux ambitions de l’institution de la santé publique d’accroître la qualité et la pertinence de ses interventions en faisant le pont entre les fonctions de développement de connaissances et d’élaboration de politiques et de pratiques d’intervention.

UN PROCESSUS CYCLIQUE GÉNÉRATEUR

La recherche participative se distingue tout particulièrement par le caractère cyclique de son processus : la construction de savoirs et l’élaboration de l’action co-évoluent à travers un cycle récursif et dialogique d’action-réflexion à l’intérieur duquel les différents partis concernés (inter)agissent, négocient leurs points de vue (spontanés et construits),

(co)produisent de nouveaux savoirs (conceptuels, expérientiels, pratiques) tant individuels que collectifs, et aiguisent leur réflexivité (par rapport à soi, au processus encouru et au monde qui les entoure). Dans les faits, les étapes de recherche, de réflexion et d’actions/ transformations personnelles et collectives se chevauchent de telle sorte que la distinction entre ces phases n’est qu’une question de degré. La nature cyclique d’un projet participatif donne néanmoins lieu à plusieurs étapes successives et itératives, d’où une potentialité continue de re-formulation de la recherche, de re-définition des rôles des co-chercheurs et

1 Greenwood et Levin (1998) parlent de friendly outsider, ce qui permet de caractériser l’esprit dans lequel

de re-configuration de la collaboration en fonction des besoins, des capacités et des savoirs en émergence, dans la poursuite de finalités transformatrices.

Ceci dit, dans la mesure où ces finalités transformatrices, à travers le processus cyclique d’action-réflexion, favorisent le renforcement des compétences des individus et des

groupes, voire l’accroissement de leurs capacités de contrôle et d’autodétermination dans la quête et l’élaboration de solutions à des problèmes vécus, la recherche participative

constitue une méthodologie génératrice de potentiel pour la pratique contemporaine de la santé publique. En effet, elle comporte la possibilité de contribuer aux agendas

d’intervention et de recherche de la promotion de la santé, qui, à l’instar de la recherche participative, reposent également sur des fondements de partenariat/collaboration et d’empowerment. D’où la proposition maintes fois répétée que cette stratégie de recherche constitue une voie privilégiée pour le domaine de la promotion de la santé (Green et al., 1995 ; Hancock, 1999 ; O’Neill Michel, 1998 ; Restepro, 2000 ; Simard et al., 1997 ; Springett, 1998).

LA PRODUCTION D’UNE DIVERSITÉ DE SAVOIRS

Enfin, étant principalement orientée vers la résolution de problèmes, l’amélioration de pratiques et l’émancipation individuelle et collective, la recherche participative met en valeur et produit de multiples savoirs dont la nature va au-delà des schèmes traditionnels d’une rationalité instrumentale. À cet égard, le paradigme participatif en émergence rend compte de plusieurs types de savoirs interdépendants dont les dénominations et les descriptions renvoient aux quatre dimensions de la connaissance inhérentes au

constructivisme et relevées au chapitre précédent (cf Figure 2, page 47) (Heron & Reason, 1997 ; Park, 2001 ; Reason, 1994b). Il est question, notamment, de savoirs propositionnels et de l’ordre de la (re)présentation qui invoquent les dimensions de l’explication et de la compréhension. Il est aussi fait mention de savoirs pratiques ancrés dans la dimension de l’action ; puis, de savoirs expérientiels, relationnels et réflexifs qui réfèrent plutôt à la construction de connaissances à travers les sens, les émotions et les perceptions – bref, des savoirs de l’ordre de la dimension de l’interprétation.

Afin de signifier la multiplicité des savoirs légitimes et enseignables que procure la recherche participative pour appréhender la complexité de l’expérience vécue dans le monde et concevoir des actions intelligibles, divers auteurs réfèrent maintenant à la notion d’extended epistemology (Heron, 1996 ; Lincoln, 2001 ; Reason & Bradbury, 2001a) ou encore d’émancipation épistémologique (Moggridge & Reason, 1996). Ce cadre

puisqu’il valorise et incorpore autant des savoirs cognitifs, expérientiels que pratiques, il ne peut qu’enrichir le potentiel de développement de connaissances et d’élaboration

d’interventions qui constituent les deux fonctions essentielles de ce champ d’action. En résumé, tant les implications méthodologiques de la collaboration et de la nature

cyclique génératrice de la recherche participative, que ses fondements épistémologiques qui renvoient à la construction de savoirs utiles à la connaissance du monde vécu et à l’action dans ce monde, en font une stratégie à privilégier pour la santé publique. Il n’en demeure pas moins que malgré ses multiples potentiels, la recherche participative présente plusieurs défis importants pour les acteurs de la santé publique.

Q

UELQUES DÉFIS QUE PRÉSENTE LA RECHERCHE PARTICIPATIVE POUR LES

Outline

Documents relatifs