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PRATIQUE CONTEMPORAINE EN SANTÉ PUBLIQUE

LE CONSTRUCTIVISME : EXPLICITATION ET PERTINENCE POUR LA PRATIQUE EN SANTÉ PUBLIQUE

PRATIQUE CONTEMPORAINE EN SANTÉ PUBLIQUE

Ailleurs, j’ai déjà suggéré (Gendron, 1996) que le paradigme constructiviste est un cadre conceptuel général légitime pour concevoir et soutenir la pratique contemporaine de la santé publique qui intègre l’idéologie de la promotion de la santé ; et je ne suis évidemment pas la seule à tenir cette position (Labonté & Robertson, 1996 ; Levy, 1997 ; Lincoln, 1992 ; Sieppert, 1998). Considérant le chapitre précédent, je tiens cependant à souligner que ce paradigme constitue, en outre, un appui théorique pertinent pour composer avec quatre défis majeurs qu’impose, à l’heure actuelle, une pratique qui se veut davantage participative en santé publique, soit :

le défi de concevoir la nature complexe du monde vécu ;

le défi de la construction de connaissances valables pour les acteurs interpellés ; le défi de la gestion de la pluralité ;

et le défi inhérent à la poursuite de la mission transformatrice de la santé publique. Il va sans dire que ces défis sont interdépendants. Par exemple, la gestion de la pluralité et la nature complexe du monde vécu sont nécessairement évoquées lorsqu’une diversité d’acteurs collaborent à la construction de connaissances et à la transformation afférente des réalités qui les entourent. Toutefois, chaque défi est également envisageable en fonction d’un des quatre fondements du paradigme constructiviste, lequel fondement implique, par ailleurs, les trois autres.

Premièrement, l’articulation d’une véritable et durable pratique participative ne saurait prendre forme sans la reconnaissance de la nature complexe du monde vécu que sous-tend

1 Le lecteur ou la lectrice avisé(e) aura noté la mise entre parenthèses du terme « projectif ». Il s’agit pour moi

de rappeler explicitement l’importance accordée ici à la notion d’intentionnalité inscrite dans le processus de développement des connaissances. Cependant, afin d’alléger le texte, j’emploierai désormais les termes de « paradigme constructiviste » ou de « constructivisme », avec l’assurance, toutefois, que la variété des constructivismes apparentés ainsi que l’orientation particulière que je privilégie, aient été spécifiées.

la participation. En effet, l’ouverture à une pratique participative suscite le dévoilement, la rencontre et la conjonction d’une pluralité de systèmes de sens, de réalités locales et de projets relevant d’une diversité d’acteurs. Dans ce contexte, l’ontologie pluraliste du

paradigme constructiviste s’avère tout à fait pertinente pour concevoir et légitimer la nature complexe du monde vécu émergeant d’une dynamique participative en santé publique. Deuxièmement, l’épistémologie subjectiviste et pragmatiste du paradigme constructiviste s’avère un point d’ancrage pertinent pour relever le défi de la construction de connaissances valables à l’intérieur d’un cadre faisant appel à un engagement accru des acteurs de la santé publique auprès des citoyens. D’une part, puisqu’elle reconnaît la centralité du sujet dans le processus de construction de connaissances, cette épistémologie invoque la contribution et le respect des apports particuliers de tous les partis impliqués. Les connaissances produites ont donc davantage le potentiel d’être considérées valables par les divers partis dans la mesure où elles intègrent, en quelque sorte, une part des subjectivités, des réalités et des projets de tous les partenaires concernés, à travers leurs (inter)actions dans le monde. D’autre part, puisque cette épistémologie valorise la production de connaissances permettant aux acteurs interpellés de transiger de manière plus intelligible et donc plus efficacement dans le monde, les connaissances émergeantes seront d’autant plus valables pour les individus et les collectivités, notamment ceux en quête de savoirs leur permettant de juguler les multiples déterminants ayant une incidence sur leur santé.

Troisièmement, la construction de connaissances dans un monde complexe, pluriel et participatif soulève inévitablement le défi de la gestion de la pluralité. En fait, il importe de gérer la supplétion et l’articulation d’une pluralité de réalités, de projets et de connaissances disponibles et en construction, en plus de conjuguer une diversité de savoirs faire. À cet effet, et à l’insigne du concept de pluralisme discordant présenté plus tôt (Gregory, 1996), la méthodologie dialogique et réflexive du paradigme constructiviste favorisant la

(co)création, voire la (co)construction, dans l’(inter)action trouve tout son sens. Qui plus est, la gestion de la pluralité donnant lieu, à travers le dialogue et la réflexivité, au développement de compréhensions nouvelles et à la formulation de solutions novatrices pour faire face à des problèmes communs, cette méthodologie favorise également l’imbrication des fonctions de construction de connaissances et d’intervention laquelle s’avère indispensable à la poursuite de la mission transformatrice de la santé publique. Finalement, dans la mesure où une pratique participative invoque la centralité du sujet dans le processus de construction des connaissances, la volonté de produire des connaissances intelligibles et utiles à l’élaboration d’actions efficaces dans un monde complexe, ainsi que

la gestion de la pluralité qui facilite la réciprocité des processus de développement de savoirs et de transformation des pratiques ; cela implique la nécessité d’une téléologie signifiée afin d’assurer que le processus de développement des savoirs s’inscrit dans un projet explicite et pertinent de transformation du monde vécu des acteurs concernés. Dès lors, la poursuite de la mission transformatrice de la santé publique, en collaboration avec de multiples acteurs, constitue un défi envisageable dans le cadre du paradigme

constructiviste. Ce défi est d’autant plus concevable que l’orientation téléologique engagée du constructivisme va dans le sens du parti pris interventionniste qu’évoque l’idéologie émancipatrice véhiculée par la Charte d’Ottawa, sise au cœur de la santé publique contemporaine.

En somme, le paradigme constructiviste s’avère fort pertinent pour relever les défis d’une pratique qui se veut davantage participative en santé publique. Il reste maintenant à

indiquer comment ce paradigme est utile pour aborder la conception d’éléments de théorie et de méthode dans l’élaboration du cadre conceptuel que projette cette thèse.

LE PARADIGME CONSTRUCTIVISTE POUR ABORDER LE

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