Chapitre 3 : Cadre méthodologique
II. Le choix du bilan psychologique approfondi pour valider les hypothèses
II.2. L’UDN II
Le troisième test que nous avons choisi pour apprécier le fonctionnement psychologique de
l’enfant présentant une dyspraxie est l’UDN II. L’UDN II est un test créé à partir des théories
piagétiennes du développement de l'intelligence chez l'enfant. Le développement de
l’intelligence sera donc à travers l’UDN II, étudié dans une vision chronologique : la
succession de stades de développement de l’intelligence, de structure de pensées logiques,
chaque domaine devant s’équilibrer avant d’accéder au stade suivant.
L’UDN II comprend 5 familles d’épreuves inspirées des expériences de Piaget. Nous
reprenons leur présentation des travaux de Meljac,C et Lemmel, G 2007.
Conservation : Les épreuves de cette famille permettent de mettre en évidence la genèse des
invariants. Dans Conservation on invite l’enfant à se détacher du recours direct aux
impressions perceptives pour se référer, si il les possède, à des convictions rationnelles (on se
situe dans la période des opérations concrètes) .
Logique élémentaire : Les opérations de logique élémentaire vont être appréciées grâce à la
pensée de l’enfantvis-à-vis de la constitution de classes et de séries. Nous apprécions donc les
notions de ressemblances (la classe) et de différences (la série).
Utilisation du nombre : Dans cette famille d’épreuves il s’agit d’apprécier le processus
amenant les nombres comme partie intégrante du fonctionnement de l’enfant : à partir de
quelles contraintes le nombre devient opérant pour l’enfant.
Origine spatiale : on appréciera ici le raisonnement infra logique de l’enfant, c’est-à-dire la
qualité des opérations faisant appel à l’espace, au temps et à la vitesse, donc aux qualités de
l’objet. Ici la notion de nombre est remplacée par celle de mesure. Cette famille d’épreuves
permet d’apprécier la complexité d’un tableau dyspraxique.
Connaissances scolaires et mathématiques : Cette famille d’épreuves nous permet d’apprécier
la qualité des savoirs transmis par les apprentissages scolaires.
L’appréciation de l’expertise de l’enfant à chacune des épreuves nous permettra de déterminer
dans quel stade se situe sa pensée. Ainsi nous pourrons grâce à l’UDN II répondre à
l’hypothèse opérationnelle H2.2 : la présence d’un trouble des contenants de pensées
cognitif. L’UDN II nous permettra d’apprécier les différents registres de sa pensée permettant
d’organiser les emboitements successifs et progressifs qui rendent compte de sa production
(Meljac,C et Lemmel, G 2007)
Effectivement l’évaluation des différentes capacités cognitives de l’enfant dyspraxique nous
permettra de mettre en évidence une dysharmonie cognitive, c'est-à-dire un fonctionnement
cognitif sur plusieurs niveaux de pensées d’élaboration différente, une pensée se situant sur
plusieurs marches de l’escalier piagétien. Cette dernière se traduira par des réussites dans
certaines épreuves et des échecs dans d’autres. En fonction du matériel et des épreuves
l’enfant pourra développer et exprimer une pensée complexe alors qu’il sera en échec sur une
pensée plus simple, pourtant pré requis d’une pensée complexe.
De même en fonction des réussites et des échecs de l’enfant on pourra mettre en évidence une
pensée ne correspondant pas à l’âge réel de l’enfant. Le retard d’organisation du raisonnement
se traduira par des échecs aux épreuves mettant en jeu une pensée correspondante à l’âge de
l’enfant ou correspondante à un âge supérieur.
Outre l’épistémologie piagétienne, L’UDN II emprunte à Piaget sa méthode clinique
d’investigation : méthode basée sur la mise en place d’interactions riches avec l‘enfant dans le
but d’apprécier ses conceptions et son raisonnement. On invite l‘enfant à réfléchir face à des
problèmes, créant des dissonances cognitives, et on interagit sur un mode de conversation
libre permettant à l’enfant de verbaliser ses actions, ses choix, ses stratégies et justifications.
L’UDN II permettra d’accéder à une autre clinique que celle développée par les projectifs. Le
dialogue avec les relances du clinicien permettra une investigation poussée de la pensée de
l’enfant et de l’infiltration de cette dernière par les fantasmes. Nous pourrons répondre à
l’hypothèse opérationnelle H2.1 : un trouble des contenants de pensées fantasmatiques.
Nous nous inscrivons ici dans une lecture clinique du test. Les opérations logico-
mathématiques comprennent les épreuves de sériation de 5 ou 10 baguettes, de classification
de 27 ou 9 cartes, d’inclusion et de transitivité. D’un point de vue clinique C. Weismann
-Arcache explique que :
« Les soubassements émotionnels et affectifs du raisonnement sont ici sollicités dans la
mesure où les opérations de classification et de sériation renvoient respectivement aux
ressemblances et aux différences, et mobilisent les investissements identificatoires, œdipiens :
être « comme » ou être « différent de », premières catégorisations du monde qui s’opèrent à
partir de la différence des générations et des sexes. À partir de ces différenciations
élémentaires s’organise la pensée catégorielle avec l’accès à des discriminations de plus en
plus fines, nécessaires aux apprentissages et surtout ici à la construction du nombre.
Accepter les différences suppose de tolérer le manque et la perte : renoncer à avoir les deux
sexes, remettre à plus tard le bénéfice des prérogatives des adultes. Est-ce la grande
sensibilité au manque, à l’incomplétude, des enfants à haut potentiel, qui fait que leurs
résultats les plus élevés sont obtenus à ce type d’épreuves ? Le maniement aisé des nombres
permet à la fois un raisonnement cartésien, du côté des certitudes, et un accès à la notion
d’infini, d’illimité. » (Weismann-Arcache, 2006b p 176).
Les opérations infra-logiques regroupent les épreuves de quantités discontinues, de substance,
de longueurs, de poids et dissociation poids-volume. C. Weismann-Arcache en propose la
lecture clinique suivante :
« Il s’agit de déterminer si un objet qui change de forme ou de place garde son identité et ses
propriétés. Cette construction d’invariants nécessite l’accès aux notions de réversibilité et de
permanence de l’objet au sens piagétien du terme. En termes psychanalytiques, c’est la
stabilité et la cohérence de l’environnement maternel qui assure à l’enfant sa propre
continuité, grâce à deux types de certitudes : l’assurance que sa mère continue d’exister
même pendant ses absences, et la certitude qu’il ne peut la détruire avec son agressivité, tout
comme elle ne peut exercer d’agressivité destructrice à son égard, car les bonnes expériences
l’ont emporté sur les mauvaises. L’enfant a ainsi développé une vision du monde stable et
relativement positive, qui va influencer son jugement. Les perceptions sont intériorisées sous
forme de représentations, et l’enfant peut faire preuve de jugement. Ces opérations sont
souvent révélatrices d’une fragilité affective car elles nécessitent des repères bien
intériorisés, une sécurité interne qui peut faire défaut à certains enfants. » (ibid, p 177).
Grace à la clinique de la passation lors de ces deux familles d’épreuves on pourra mettre en
évidence des illusions perceptives et des difficultés d’abstraction dans les épreuves logico
mathématiques. Les enfants ne pourront pas se détacher du visuel et ainsi mettre en place des
activités de sériation, classification. Leur pensée restera une pensée en tout ou rien, par
couple, où la notion d’identique ne laissera pas place à celle de semblable. Les enfants
présenteront une pensée basée sur l’assimilation.
De même la clinique recueillie lors de la passation des épreuves infra logiques permettra de
mettre en évidence une inhibition de la pensée. Cette inhibition sera due à des fantasmes
sexuels ou agressifs. L’angoisse de perte, la peur de détruire l’objet, les problématiques de
perte de l’objet vont entraver l’enfant dans ses capacités d’acquissions des conservations. Les
changements visuels de l’objet ne pourront pas être surmontés et l’enfant sera entravé dans
l’acquisition des invariants de conservation. 1kg de plomb sera toujours plus lourd que 1Kg
de plume.
Dans le document
Étude clinique et psychopathologique de la dyspraxie développementale chez l'enfant
(Page 114-117)