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Roussillon et la théorie du traumatisme primaire

Chapitre 2 : Cadre et références théoriques

III. Roussillon et la théorie du traumatisme primaire

Dans la suite des travaux de Winnicott, mais aussi de Freud, nous trouvons les travaux de R.

Roussillon qui a proposé un modèle de compréhension des pathologies du narcissisme.

Roussillon a isolé des séquences de processus psychique typique des souffrances identitaires

narcissiques. Son hypothèse reprend celle de Freud : un traumatisme primaire clivé serait à

l’origine de la mise en place d’une défense contre la menace subie par la psyché via la

contrainte de répétition.

Roussillon, de par l’expérience du transfert avec des patients présentant des pathologies

narcissique-identitaires fait donc l’hypothèse éthologique d’un traumatisme primaire.

Traumatisme survenu pendant la prime enfance ou plus tard. Ce traumatisme primaire affecte

les processus de symbolisation chez le sujet. Sur le modèle de Winnicott, Roussillon va

identifier trois temps de naissance de ce traumatisme primaire.

Le temps X où l’appareil psychique est menacé de débordement par un afflux massif

d’excitations. Les ressources internes du sujet, mobilisées pour lier ou décharger cette

excitation, s’épuisent. Il y a un basculement dans le temps X+Y.

Le temps X+Y consiste en un état de détresse : « un état de tension et de déplaisir intense sans

issue interne, sans fin et sans représentations » (Roussillon 2012). Deux issues sont possibles

à cette situation : si l‘état de tension s’accompagne de traces mnésiques d’expériences

satisfaisantes, il y a transformation en un état de manque, « c'est-à-dire un état d’espoir en

relation avec la représentation d’un objet de recours » (Roussillon 2012). Si l’objet de recours

apporte à temps la satisfaction, il apaise la tension et s’installe un contrat narcissique. L’objet

est investi comme palliatif au manque. Il sera aimé pour sa présence et haï pour son absence.

Il sera l’objet d’un conflit d’ambivalence. La seconde issue consiste en l’échec du contrat

narcissique. L’objet ne se présente pas ou sa réponse ne répond pas au besoin du sujet. Il y a

un état de manque amplifié sous l’effet d’une rage d’impuissance et l’on passe au temps

X+Y+Z.

Si l’état de détresse et de manque de l’objet se prolonge jusqu'à un temps Z, l’état de manque

se dégrade, il dégénère en un état traumatique primaire. La souffrance peut produire un état

d’agonie et/ou une terreur sans nom. Cet état de terreur engendre donc, pour Roussillon, un

désespoir existentiel touchant la subjectivité et l’organisation psychique de l’individu. La

culpabilité de ne rien avoir pu faire et la blessure narcissique-identitaire primaire risquent de

le faire mourir de honte. Roussillon reprend les mots de Bettelheim et décrit ici une

« situation extrême » de la subjectivité. Ainsi le sujet pour survivre se coupe de sa

subjectivité. Comme l’a décrit Férenczi dans le psychotraumatisme, le moi se clive d’un

éprouvé non représenté qui pour autant s’inscrit à travers des traces mnésiques.

« Le clivage que nous décrivons déchire la subjectivité entre une partie représentée et une

partie non représentable, c’est plus un clivage « au » moi qu’un clivage « du » moi.

Cependant c’est un clivage de la subjectivité, et la partie non représentée est néanmoins

« psychiquement » et « subjectivement » et comme telle elle « devrait » appartenir au moi »

(Roussillon 2012).

Pour autant le fait de se cliver des traces mnésiques de ce traumatisme primaire tient de la

défense. En ce sens le clivage ne fait pas disparaitre les traces traumatiques primaires. Ces

traces traumatiques primaires sont au de-là du principe de plaisir, et les traces perceptives sont

soumises à la contrainte de répétition. Elles vont donc être régulièrement réactivées,

régulièrement hallucinatoirement réinvesties. Ce réinvestissement va menacer la subjectivité

et le moi d’un retour de l’expérience traumatique. Le clivage va donc tendre lui aussi à faire

retour et, de par la nature non représentative de ces processus, l’état traumatique primaire

risque de se reproduire. Face à ce retour le clivage ne suffit pas et de nouvelles défenses vont

se mettre en place.

La première solution de métabolisation du traumatisme et un retour à l’état X+Y. C’est la

recherche d’un contrat narcissique aliénant.

« le sujet opère une reddition secondaire aux conditions d’un contrat narcissique[…] Pour

maintenir l’alliance avec l’objet il accepte de s’amputer d’une partie de lui-même qui reste

alors en « souffrance » errant dans la psyché non avenue à soi […] sur cette base une

certaine symbolisation peut se développer, mais dans la zone concernée par la proximité avec

la zone traumatique, elle restera relativement rigide et fixée, toujours potentiellement

concernée par un retour de l’agonie dès qu’une séparation d’avec l’objet se présentera, dès

que les conditions du « pacte» avec l’objet seront en péril. »(Roussillon 2012).

La seconde solution réside dans une symbolisation secondaire, après coup de cette expérience

traumatique primaire. Cette expérience traumatique peut venir s’infiltrer, se lier à des

expériences postérieures et ainsi se symboliser. Un refoulement peut venir masquer un

clivage. Mais bien souvent, plus que le refoulement, le clivage produit un fueros (Freud,

1896).

Une solution psychosomatique peut être trouvée pour neutraliser l’énergie liée au traumatisme

primaire et pour palier à la pauvreté du moi liée au clivage. Une forme de liaison non

symbolique du retour du clivé consiste en l’apparition d’une somatose ou d’une lésion

biologique. Tout comme la blessure physique protège du psychotromatisme, la solution

psychosomatique protège du retour du clivé. A travers la somatose ou à travers

l’investissement d’une pathologie biologique le sujet vient remanier l’énergie générée par le

traumatisme primaire. L’une des assises narcissiques majeure, le corps, est alors sacrifié dans

l’une de ses parties ou dans l’une de ses fonctions pour réussir là où la psyché échoue : la

liaison de l’énergie traumatique primaire.

« Le processus de la « solution » somatique peut jouer à deux niveaux. Soit il peut se

contenter de maintenir une maladie somatique en activité en lui conférant une fonction

hallucinatoirement des perceptions traumatiques antérieures aux perceptions et sensations

actuelles du soma » (Roussillon 2012).

Maintenant que nous venons de voir la solution psychosomatique à travers les travaux de

Roussillon, nous proposons en dernière partie de ces réflexions théoriques, de faire le chemin

inverse et de comprendre comment le geste s’inscrit dans le psychisme et comment il est

représenté par ce dernier.