• Aucun résultat trouvé

2.4 Rappels de radiobiologie

2.4.3 La survie cellulaire

2.4.3.3 Les trois types de morts de cellulaire

La perte de capacité de division est la conséquence de plusieurs types de réponses aux radiations ionisantes. En effet, trois types de morts radioinduites définies

fonctionnellement ont été répertoriés: la mort mitotique, la mort par sénescence et la

mort apoptotique. On peut ajouter à cette liste un quatrième type de mort, l’intercinèse, qui décrit la disparition physique quasi-immédiate de la cellule après des doses de radiations de plusieurs milliers de Gy, doses à partir desquelles l’effet thermique des radiations devient dominant. D’autres termes de mort cellulaire (comme par exemple l’oncose ou la pyknose) ont été définis après observation au microscope et correspondent plutôt à des états particuliers des morts précédentes, notamment au niveau des tissus plutôt qu'au niveau de cellules individuelles. L’autophagie206 ainsi que l’ontose207 sont également citées mais la fréquence de ces types de mort pour des doses de radiations « raisonnables » semble bien inférieure aux trois types de morts précitées. Nous n’aborderons ici que les trois morts radioinduites précitées.

La mort mitotique : Le fragment chromosomique issu d’une cassure de l’ADN est soumis aux mêmes phénomènes d’aspiration que les chromosomes entiers. Cependant, si le fragment ne porte pas de centromère (il est dit acentrique), il est expulsé du noyau sous la forme d’un micronoyau (c’est l’exonucléose). Il peut rester dans le cytoplasme un certain temps, voire pendant un ou deux cycles et subir, comme le noyau principal, les condensations/décondensations de la chromatine suivant les phases du cycle. L’exocytose du micronoyau est la dernière étape de ce phénomène appelé mort mitotique. La mort mitotique est considérée comme le type de mort radioinduite le plus répandu. Le nombre de micronoyaux augmente linéairement avec la dose. Il a été corrélé à l'effet létal des radiations ionisantes 49 et 133 (figure 19).

La sénescence : Plus récemment encore, l’arrêt irréversible en G1 a été décrit lui aussi comme une cause de mort radiobiologique212. L’arrêt irréversible en G1 est également associé à une CDB non réparée et dépend de p53 mais surtout de p21213. A l’inverse de l’apoptose, il est abondant chez les fibroblastes témoins (en moyenne, 67% de cellules sont définitivement arrêtées avec une dose de 4 Gy) et il est compatible avec une existence prolongée de la cellule (on l’a même comparé à une forme de vieillissement, la sénescence) (figure 19).

Figure 19 : Représentation schématique de la contribution relative des différents types

de mort cellulaire dans une population de cellules non-lymphocytaires et en croissance exponentielle après irradiation. La mort par sénescence serait majoritaire si les cellules étaient irradiées en quiescence.

2.4.4 L’approche générale du laboratoire d’accueil. 2.4.4.1 Justification des choix techniques

2.4.4.1.1 Choix des tests fonctionnels de la réparation des CDB

Depuis les années 90, trois grandes approches ont été adoptées pour déterminer les bases moléculaires de la radiosensibilité166 :

- L’approche génomique, qui consiste à déterminer, par la connaissance des

séquences des gènes, certaines mutations qui seraient la cause de la

radiosensibilité. C’est le cas de la recherche des polymorphismes nucléotidiques simples (SNP).

- L’approche protéomique, qui consiste à déterminer, par la connaissance de

l’expression des gènes, des protéines dont la régulation conditionnerait la

réponse aux radiations

sont pas réparées - et à l'instabilité génomique et au risque de cancer - si elles sont mal réparées214,215. A l’origine établie pour les CDB radioinduites, une telle conclusion semble être valable aussi pour tous les agents cassants de l’ADN. Dès lors, une évaluation du risque toxique et cancérogène basée sur la quantification des CDB et des fonctionnalités de leur voie de réparation apparaît donc comme logique. Outre les conclusions de la littérature, ces constats se basent sur trois constats essentiels :

- La très grande majorité des syndromes associés à une radiosensibilité significative sont causés par la mutation de de protéines impliquées dans la réparation et la signalisation des CDB

- Les CDB sont à l’origine des cassures chromosomiques, événement cytogénétique dont l’implication dans la létalité ou la transformation cellulaire fait consensus216.

- De tous les dommages radioinduits de l’ADN, les CDB sont les seules dont l’induction et/ou le rythme de réparation est modulé, comme la radiosensibilité, par l’oxygénation, l’hyperthermie, ou le transfert linéique d’énergie153.

En dépit de ces arguments, la popularité des expériences de génomique ou de protéomique (notamment expliquée par leur rapidité et leur simplicité) a occulté l’intérêt des tests fonctionnels concernant les CDB dans la détection de la radiosensibilité. D’ailleurs, ces derniers devenaient de moins en moins accessibles car leur mise en place fait souvent appel à un « savoir-faire » technique important. En parallèle, en ne suivant toujours aucune logique les tests apoptotiques à partir de lymphocytes devenaient également populaires en débit d’artéfacts techniques qui ne se révélèrent que très récemment166,215,217. L’approche du laboratoire, délibérément basée sur des tests fonctionnels de la réparation et de la signalisation des CDB ne pouvait apparaitre que comme une démarche à contre-courant.

2.4.4.1.2 Choix des modèles cellulaires

Les données radiobiologiques (non-épidémiologiques) qui constituent la base des règles de radioprotection sont issues de modèles animaux. Les modèles moléculaires mécanistiques de la réparation des dommages radioinduits, du contrôle du cycle ou de la mort cellulaire sont essentiellement étayés par des données issues de modèle animaux et le développement des recherches depuis ces 20 dernières années n’a pas démenti ce constat. Pourtant, l’usage de de modèles animaux en radiobiologie peut être facilement contesté par au moins deux arguments :

- L’homologie de séquence et encore moins l’homologie fonctionnelle des gènes des espèces animales sont loin d’être vérifiée avec les gènes humains correspondants. D’ailleurs, l’homologie des gènes entre espèces est généralement basée sur une simple affirmation d’un groupe d’auteurs sur l’existence de certains domaines en commun voire identique. L’exemple représentatif est le gène brca1 du rongeur qui n’a que 58% d’identité avec le gène humain BRCA1. La mutation de brca1 chez le rongeur ne conduit à aucune prédisposition au cancer du sein alors que chez l’homme, les mutations hétérozygotes BRCA1+/- augmentent d’un facteur 6 à 10 le risque de cancer du sein166,218.

- La taille du noyau des modèles animaux est généralement inférieure à la taille d’un noyau humain. Par voie de conséquence, la cible étant plus petite, les animaux sont plus radiorésistants que l’homme (ex : la dose létale moyenne est de 15 Gy chez le rat alors qu’elle est de 4,5 Gy chez l’homme). Ainsi, toutes les courbes effet-dose et les valeurs de seuil sont différentes suivant les espèces et le passage de l’une à l’autre ne suit pas une loi forcément linéaire.

Ainsi, en dépit des difficultés pratiques de culture cellulaire, le laboratoire d’accueil a délibérément choisi de n’utiliser que des cellules humaines non-transformées. Par contre, le choix pouvait se porter sur les lymphocytes ou les fibroblastes de peau. Là

Epstein-Barr (EBV) dont l’effet peut conduire à une modification drastique d’un grand nombre de fonctions géniques et à une plus grande radiorésistance. A l’inverse, les fibroblastes de peau sont plus résistants en culture (une vingtaine de passages sont possibles) et ils supportent mieux la conservation dans l’azote liquide.

- Contribution de la mort par apoptose : Comme on l’a dit plus haut, l’apoptose n’est pas la mort prépondérante en radiobiologie. Par contre, c’est la mort majoritaire pour le cas particulier des lymphocytes. C’est pourquoi ce type particulier de cellules peut ne pas être représentatif de la réponse aux radiations, avec en plus, le risque d’artéfact technique potentiel dû à la production de CDB au cours du processus apoptotique et non immédiatement après l’irradiation. - Cycle cellulaire : les fibroblastes se mettent naturellement en phase de plateau

(quiescence ou G0/G1) grâce à la propriété d’inhibition de contact qui garantit l’homéostasie. Ce n’est pas le cas des lymphocytes qui peuvent évoluer dans le cycle et donc ne pas offrir une population homogène de cellules.

- Représentativité : en plus des spécificités évoquées ci-dessus, on peut s’interroger sur la vraie représentativité des lymphocytes pour une réponse aux radiations qui va surtout provoquer l’inflammation du tissu conjonctif. En effet, dermites et rectites peuvent-elles être fidèlement prédites par l’analyse de la réponse des lymphocytes qui, par la taille de leur noyau et de leur cytoplasme, non pas la même radiosensibilité que des fibroblastes.

Là encore, cette démarche qui a beaucoup de contraintes, est à contre-courant de la pratique d’autres laboratoires qui favorisent l’utilisation de lignées qui poussent très rapidement mais sans s’assurer des artéfacts causés par les facteurs évoqués ici166.