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2.4 Rappels de radiobiologie

2.4.7 Spécificités des faibles doses

2.4.7.2 L’hormésis et la réponse adaptative

2.4.7.2.5 L'hormésis chez l'homme : quelques caractéristiques quantitatives

D'après les données publiées sur les fiables doses, quelle que soit leur forme (in vitro, ex vivo, épidémiologique ou données sur la réponse adaptative), l'hormésis a été observé dans des cellules humaines à des doses spécifiques allant de 20 à 75 mGy administrées à un débit de dose élevé. En ce qui concerne les données FDD publiées, la plupart des études chez l'humain ont révélé un hormésis à un débit de dose

spécifique variant entre 0,4 et 15 mSv/an. Toutefois, il faut souligner que la robustesse statistique des données FD et FDD est inégale :

- la même gamme de doses a été obtenue dans des conditions différentes et indépendantes (données in vitro, ex vivo, épidémiologiques ou RA) dans des études portant sur différentes lignées cellulaires et sous-populations avec différents paramètres cellulaires ou épidémiologiques.

- la gamme des débits de dose n’est étayée que par quelques études épidémiologiques, fondées sur des risques calculés et dans lesquelles un certain nombre de facteurs confondants (altitude, rayonnement naturel, tabagisme, etc.) n'ont pas été pris en compte.

Dans les fibroblastes humains, une gamme de [20-75 mGy] correspond à 200-750 DB, 20-75 CSB et 0,8-3 CDB par fibroblaste et beaucoup moins par lymphocyte. À des doses inférieures à 25 mGy, on ne s'attend pas à ce qu'il y ait de CDB radioinduit. Aux doses inférieures à 1 mGy, on ne s'attend à aucune CSB radioinduites. Toutes ces valeurs sont du même ordre que les dommages spontanés à l'ADN habituellement évalués dans les cellules radiorésistances humaines dans lesquelles on observe généralement 0-2 CDB spontanées122. Inversement, dans les cellules radiosensibles, il reste plus de dommages de l'ADN et aussi quelques dommages supplémentaires de l'ADN produits pendant la réparation à cause de l’instabilité génomique216. Par conséquent, ces données suggèrent qu'un phénomène d'hormésis se produisant à 20-75 mGy devrait être :

- observé plutôt dans les cellules radiorésistantes que dans les cellules radiosensibles. - causé par un stress oxydatif qui facilite un processus biochimique ou biologique qui n'est pas nocif pour la cellule (c’est-à-dire équivalent à une dose sublétale). D'ailleurs, certains auteurs ont proposé le terme « eustress » pour décrire ce stress "positif"380. A notre connaissance, aucun modèle mécanistique reliant les aspects moléculaires, cellulaires et cliniques n'avait été proposé jusqu’à présent pour expliquer quantitativement le rôle positif d'un tel « eustress » dans les cellules radiorésistantes humaines.

faibles doses entraine, pour une seule dose dHFD située entre 1 et 800 mGy383, une réduction significative de la survie clonogénique et aboutit ainsi à un effet biologique équivalent à une dose beaucoup plus forte. La dose à laquelle on observe l’effet HFD le plus important sera nommée dHFDmax. A des doses supérieures à dHFDmax, la survie augmente progressivement et ce phénomène est appelé radiorésistance induite (ou IRR pour induced radioresistance) car de nombreux auteurs ont suggéré que cette remontée de la courbe était due à une activation des processus biologiques aboutissant à la radiorésistance. Pour décrire le phénomène HRS/IRR, Mike Joiner a proposé une modification empirique du modèle LQ pour ajuster les données expérimentales :

(4)

Joiner a ainsi considéré que le paramètre α du modèle LQ n’est pas constant mais varie en fonction de la dose D. Le paramètre αs représente la pente initiale de la courbe de survie pour les très faibles doses ; αr représente la courbe initiale de la courbe de survie décrite par le modèle LQ, donc extrapolée à des fortes doses, dc est la dose qui induit le changement entre HFD et IRR, et β la composante quadratique du modèle LQ.

Figure 29 : Représentation graphique de l’hypersensibilité aux faibles doses et du

Joiner a suggéré que ce phénomène pouvait être dû au changement de la conformation de la chromatine384. Le même groupe de recherche a également suggéré qu’il proviendrait d’un défaut des arrêts du cycle G2/M ATM-dépendants385. Enfin, d’autres études suggèrent que le phénomène dépendrait de la réparation des CDB mais sans donner de modèle mécanistique précis386,387.

L’hypersensibilité aux faibles doses n’est pas limitée à une diminution de survie cellulaire mais est également associée à une augmentation des CDB non réparées et une augmentation du nombre de micronoyaux. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les voies de mort cellulaire et de radiosensibilité. En effet, ce phénomène a également été observé à travers un excès de mutations HPRT (hypoxanthine-guanine phosphoribosyl transferase) entre 1 et 500 mGy388.

Figure 30 :. Illustration schématique de l'hypersensibilité aux faibles doses (HFD) par la différence entre radiosensibilité et radiosusceptibilité. La survie cellulaire (A) ou les cassures double-brin non réparées (DSB ; B) sont les paramètres les plus pertinents pour quantifier la radiosensibilité (risque de réactions tissulaires attribuables à la mort cellulaire). Le taux des mutations de l'hypoxanthine-guanine phosphoribosyle transférase (HPRT) (C) est l'un des paramètres les plus pertinents pour quantifier la

DSB non réparées Mutations HPRT Fraction de sruvie Dose Dose Dose A B C Radiosensibilité Radiosusceptibilité Ec h e ll e c e ll u la ir e Ec h e ll e m o c u la ir e

Absence de consensus et de test standard pour quantifier la radiosusceptibilité

La HFD ne peut pas tuer spécifiquement les cellules tumorigènes, comme certains auteurs le suggéraient pour expliquer les aspects bénéfiques des radiations167,389 : ce phénomène peut produire un excès de transformation cellulaire (radiosusceptibilité) et/ou un excès de mort cellulaire (radiosensibilité)388 (figure 30).

De plus, l'ampleur maximale de la HFD observée dans les cellules humaines est généralement limitée à 25 % de survie cellulaire : même si la HFD tuait spécifiquement les cellules tumorigènes, son action serait limitée à une minorité de cellules irradiées390.

L'ampleur maximale de la HFD a été observée à une dose de dHFDmax entre 0,1 et 0,8 Gy (la dHFDmax la plus fréquente est 0,2 Gy) correspondant à un effet biologique équivalent à une dose 5 à 10 fois plus élevée383,390. De plus, dHFDmax peut également varier en fonction du débit de dose390. Une étude récente renforce le fait que la HFD est dépendante de la radiosensibilité individuelle et pourrait être liée à la protéine ATM391. Plus intéressant encore, et de manière similaire à la réponse adaptative, la HFD a été généralement observée dans des cellules présentant une radiosensibilité intermédiaire et pas dans des cellules radiorésistantes, ni dans des cellules hyperradiosensibles330,348,392. De plus, la dHFD est du même ordre que les gammes de dose dRA décrites précédemment, mais légèrement supérieures (dRA ≤dHFD). Ryan et coll. ont signalé que, sur 7 lignées de cellules tumorales humaines testées, 4 ont été positives à la fois pour la RA et la HFD. De plus, dans le même rapport, les trois autres lignées cellulaires étaient radiorésistantes et HFD négatives, mais présentaient une RA avec des valeurs DRA élevées, ce qui suggère que les cellules peuvent être RA positives sans être nécessairement HFD positives348.

En conclusion, au début de ma thèse, les phénomènes spécifiques aux faibles doses tels que l’hormésis, la RA et la HFD restaient encore mal définis et mal compris. Pourtant ils pouvaient concerner des doses d’exposition scanographique. Il apparaissait donc nécessaire d’en tenir compte dans la caractérisation radiobiologique de l’exposition en scanographie.