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5.1 Vers un modèle unifié pour expliquer les phénomènes spécifiques des faibles doses ?

5.1.2 La réponse adaptative

Comme on l’a vu dans le paragraphe 2.4.7.1.1.3, la RA est observable spécifiquement dans les cellules présentant une radiosensibilité intermédiaire. Dans le cadre de la théorie du transit d’ATM, dans le cas de cellules radiorésistantes, le flux d’ATM est amplement suffisant pour que l’effet de dRA + ΔtRA soit nul, rendant donc la RA non mesurable. Pour les cellules hyperradiosensibles (pas de transit d’ATM ou ATM non fonctionnel), l’effet de dRA + ΔtRA est déjà délétère et donc s’ajoute à celui de DRA : la RA n’est pas mesurable non plus. Dans le cas de cellules modérément radiosensibles soumises à une dRA comprise entre 0,001 et 0,5 Gy, la diffusion des monomères d’ATM est environ 2 fois moins importante que dans les cellules radiorésistantes. Par exemple, environ 40 000 et 20 000 monomères d’ATM passent respectivement la membrane nucléaire après 0,2 Gy suivi de 6 heures (dRA +ΔtRA) pour les cellules radiorésistantes et modérément radiosensibles. Toutefois, une dose de 2 Gy (DRA) produit en 10 min, pour le même type de cellules respectivement, environ 30 000 et 16 000 monomères d’ATM302. Pendant ΔtRA les monomères d’ATM produits par dRA peuvent perdre leur activité en se « redimérisant ». Pourtant, même si environ 20 % de monomères d’ATM apportés par dRA restent actifs pendant ΔtRA (soit environ 4 000 monomères dans notre cas), cet apport représente environ 25 % (4 000 sur 16 000) des monomères d’ATM actifs supplémentaires pour répondre à DRA. Dans ce cas précis, un ΔtAR trop court ne permettrait pas un flux suffisant ; un ΔtAR trop long aboutirait à des monomères inactifs. Ainsi, dans les cellules radiosensibles, dAR +ΔtAR produirait donc bien une stimulation de la réparation des dommages de l’ADN par un apport supplémentaire de monomères d’ATM. L’intensité de la réponse adaptative dépendrait donc fortement de la radiosensibilité des cellules irradiées.

La réponse adaptative (c’est-à-dire la réduction de l’effet biologique d’une forte dose de radiation par une dose plus faible) est donc bien un phénomène observé de façon expérimentale. Ce n’est pas un artefact. Il survient cependant dans des conditions spécifiques :

2. Ce phénomène peut être observé sur de nombreux types cellulaires mais les cellules doivent être caractérisées par une certaine radiosensibilité ou une certaine radiosusceptibilité : la RA n’est pas mesurable sur les cellules radiorésistantes ni sur les cellules hyperradiosensibles. Elle dépend donc fortement du statut génétique.

3. Le bénéfice de ce phénomène pour l’homme reste très limité, voire inexistant, d’autant plus que la première condition rend ce scénario d’exposition réalisable quasi exclusivement en laboratoire. Toutefois, en clinique, il faudrait vérifier si un scanner de positionnement suivi d’une dose de radiothérapie peut conduire à la radioprotection de la tumeur. 4. Tout comme pour l’hypersensibilité aux faibles dose (HFD), la théorie du

transit d’ATM apporte aujourd’hui une explication moléculaire à ce phénomène. Contrairement aux hypothèses historiques et bien que la dose d’amorçage fasse penser à une vaccination, ce phénomène n’a rien à voir avec les lois de l’immunologie.

5. Après bien des dérives sémantiques et des interprétations erronées, l’existence de la RA, basée sur la succession d’une dose faible et d’une dose forte (qui est souvent elle-même toxique ou mutagène) et qui n’est observée que sur des cellules radiosensibles ou transformées, ne constitue pas une preuve que les faibles doses soient bénéfiques.

5.1.3 L’hormésis

Comme on l’a vu dans le paragraphe 2.4.7.1.6, le phénomène d'hormésis, déclenché par une dose unique dhorm appartenant à la gamme de dose [20-75 mGy], est observé préférentiellement dans les cellules radiorésistantes. La reconnaissance et la réparation des CDB radioinduites est complète pour des doses inférieures ou égales à 2 Gy dans ces cellules122. Cependant, elles peuvent présenter une instabilité génomique faible mais significative avec des taux de cassures simple-brin (CSB) spontanées dues aux espèces réactives de l’oxygène ou à une activité de nucléase467. Cette activité de nucléase spontanément élevée contribue au vieillissement et à l'instabilité génomique en augmentant les dommages de l'ADN467,468. Dans la gamme de doses où est observé l’hormésis, le nombre de CSB radioinduites ne dépasse normalement pas 75 CSB par cellule, ce qui n'est statistiquement pas suffisant pour créer une CDB supplémentaire. En revanche, même s’il y a peu ou pas de CDB

induites, un flux de plusieurs milliers de monomères d’ATM diffusent très vite dans le noyau303. Cet apport inattendu de monomères d’ATM pourrait permettre aux cellules de réparer des dommages spontanés (CDB ou CSB). Ainsi, cette « détoxification » des cellules permettrait de réduire les éventuels risques de cancer ou de vieillissement liés à ces dommages. Cet effet ne pourrait pas se produire dans les cellules radiosensibles, notamment celles issues d’individus prédisposés au cancer, puisqu’au contraire, dhorm produirait directement ou indirectement des CDB liées à l’hyper-recombinaison en plus des dommages spontanés liés à l’environnement qui peuvent être nombreux pour ce type de cellules instables génomiquement. L’apport des monomères d’ATM n’arriverait pas à compenser les dommages supplémentaires induits par dhorm. Le phénomène d’hormésis aurait donc un sens moléculaire.

Dans le cadre du modèle de transit d’ATM, dans la mesure où les paramètres choisis dépendent de l'activité de la kinase ATM dans le noyau, les conséquences biologiques de l'hormésis peuvent être d'une grande diversité. En effet, la protéine ATM s'est révélée être en amont d’une cascade de phosphorylation de ses substrats en obéissant à une hiérarchie fonctionnelle et temporelle : phosphorylation des substrats ATM impliqués dans la reconnaissance des dommages de l'ADN, puis dans la réparation de ces dommages, puis dans le contrôle du cycle cellulaire et enfin dans les voies de mort cellulaire469. Il est intéressant de noter que toutes les étapes de la réponse moléculaire et cellulaire aux radiations sont connues pour être facilitées par une activité nucléaire de la kinase ATM très élevée, ce qui rend notre modèle cohérent avec le phénomène d'hormésis. Les conséquences d'une forte activité d'ATM peuvent également être observées à l'échelle cellulaire en aval. C'est notamment le cas des caractéristiques cliniques qui se produisent à l'échelle des tissus, comme les réactions immunitaires et inflammatoires469.

Cependant, des données expérimentales supplémentaires relatives à ATM sont nécessaires pour établir un lien quantitatif et qualitatif entre l'événement cellulaire et les réactions tissulaires. De plus, tous ces paramètres ne peuvent pas décrire un phénomène d'hormésis dans la même mesure. Par exemple, la reconnaissance et la

réparation des CDB et des lésions chromosomiques est considérée comme paramètre, la réponse à la dose peut présenter un seuil mais pas une courbe en forme de J et ne peut donc pas révéler l'hormésis comme défini dans l'introduction. L'hormésis peut dépendre de l'activité nucléaire de la kinase ATM et contribuer à réduire la mort cellulaire spontanée, l'instabilité génomique et le vieillissement des cellules radiorésistantes.

5.1.4 Les contributions de l’HFD et de l'hormésis dans le débat sur les effets à