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Justification, optimisation et limitation de dose et augmentation des expositions liées au scanner

2.2 Doses et principes de radioprotection liés au scanner .1 Rappels des bases réglementaires

2.2.4 Justification, optimisation et limitation de dose et augmentation des expositions liées au scanner

Dans le cadre de l’augmentation significative des examens par scanner et de la dose cumulée, comment appréhender les principes de justification, optimisation et limitation de la dose ?

2.2.4.1 Justification de la dose et scanner

Le principe de justification est le premier et le plus critique des principes de la radioprotection pour les examens de scanographiques67. La justification est de la responsabilité du demandeur et du praticien qui effectue l'examen de scanographie (réglementairement parlant, la responsabilité incombe au praticien qui réalise l’examen) et le processus doit être appliqué individuellement à chaque demande61. Selon la CIPR, la justification doit se faire à trois niveaux : de manière globale pour la modalité choisie, de manière spécifique en fonction du tableau clinique, et de manière personnalisée au patient, à sa situation médicale, psychologique et sociale67. La justification doit être effectuée par un personnel ayant une connaissance et une expérience adéquates de l'examen et disposant d'informations suffisantes et correctes sur les demandes, de sorte qu'un jugement pleinement éclairé puisse être rendu pour chaque cas individuel. La justification doit répondre à la question de savoir si l'investigation est nécessaire, si le scanner est la modalité la plus appropriée, si le patient a besoin de l’exploration du volume demandé et si une exposition réduite serait suffisante pour l'investigation. Il existe des lignes directrices cliniques qui donnent des conseils sur la voie d'investigation pertinente pour différentes maladies. La Société Française de Radiologie (SFR) a créé pour cela un outil informatique en ligne, le « guide du bon usage des examens d’imagerie médicale », qui oriente les professionnels de santé amenés à prescrire ou à réaliser des examens d’imagerie médicale. Il combine les indications pour des cas cliniques précis, le grade de preuves scientifiques lié à ces indications et le niveau de dose de l’examen (http://gbu.radiologie.fr). Toutefois, la recommandation d'utiliser le scanner pour une circonstance particulière ne signifie pas nécessairement que son utilisation est justifiée au niveau individuel61. Malgré ces outils mis à la disposition des praticiens, Bouette et al68 ont montré que la pertinence des prescriptions d’imagerie n’est pas satisfaisante, en particulier dans le cas du scanner. En effet, 39 % des demandes étaient inappropriées et

dans 67 % des cas, un autre examen aurait été plus justifié. Dans 47 % des cas, il s'agissait d'une IRM. Compte-tenu du fait que l'étude portait sur des demandes d'examens déjà effectués, ce chiffre soulève de vives inquiétudes quant à l'exposition potentielle non justifiée des patients aux rayonnements ionisants.

Brenner et al, estime en 2007 que 20 millions d'adultes et surtout plus d'un million d'enfants par an aux États-Unis subissent des examens médicaux irradiant inutilement69. Comme le rappelle l’ASN, le scanner doit être remplacé dès que possible par des examens non-ionisants comme l’IRM. Cependant, le parc d’IRM étant plus faible que celui des scanners, les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous sont encore trop longs70. D’autre part, de nombreuses enquêtes scientifiques ont clairement montré un déficit de connaissances chez les professionnels de santé tant sur le niveau de dose reçue en scanographie que sur les risques de l'imagerie diagnostique à long terme71–77. Lumbreras et al75 rapportent en effet que près de 80 % des cliniciens interrogés n'avaient jamais entendu parler des recommandations européennes et que seulement 31,7% d'entre eux informent les patients sur les risques potentiels des rayonnements ionisants à long terme75. Une des explications les plus courantes est que les médecins considèrent souvent les scanners sous le même angle que les autres procédures radiologiques, même si les doses de rayonnement sont généralement plus élevées qu'avec les autres procédures radiologiques. Dans une étude menée auprès de radiologues et de médecins urgentistes, environ 75 % de l'ensemble du groupe ont sous-estimé de façon significative la dose de rayonnement provenant d'un scanner, et 53 % des radiologues et 91 % des médecins urgentistes ne croient pas que la scanographie augmente le risque de cancer77. Présenter l’information sous forme de tableau d’équivalence de doses en termes de radiographie pulmonaires et d’exposition naturelle pour chaque type d’examen donnerait une meilleure perception de l’exposition aux praticiens et aux patients75 (Tableau 5). L’absence fréquente d’informations sur la dose reçue dans les comptes-rendus radiologiques (pourtant réglementaires en France) et l’absence de suivi de doses pour les patients participent également à ce manque d’information.

l’irradiation est d'une importance minime pour l'espérance de vie. Cependant, d'autres types de cancers ont de meilleurs pronostics. Chez ces patients, bien qu'il y ait peu de difficulté à justifier un scanner initial, de multiples examens de suivi peuvent augmenter la dose de radiation et donc le risque associé, ce qui nécessite un examen attentif, surtout s'il y a une perspective de guérison. Le tout est de déterminer si l'information supplémentaire fournie par le scanner est pertinente pour la prise en charge de ces patients61. Un examen n’est finalement justifié que s’il modifie la prise en charge du patient.

2.2.4.2 Optimisation de la dose et scanner

La base du processus d’optimisation est à la charge du radiologue. Le but est d’obtenir une qualité d’image acceptable en vue d’un diagnostic fiable sans dose de rayonnement excessive. Cependant, il n’y a pas de définition ni de paramètre reflétant objectif de qualité diagnostique et d’image adéquate. Cela dépend de la tâche clinique (l’organe critique à investiguer), de la formation, des préférences et de la culture radiologique de chaque praticien, faisant de l’optimisation un réel défi pour chaque service de radiologie.

Le type d’intervention à réaliser, la zone du corps à balayer, le volume à explorer influencent l’exposition et l’optimisation à mettre en place. Ainsi, pour un même type d’examen, on observe une grande disparité des doses délivrées entre différents pays, hôpitaux et même parfois au sein du même service5,32,78,79. Le PDL médian varie d’un

facteur 1,2 à 5 entre les différentes installations même si récemment ces différences se sont atténuées en France80. Ceci est principalement dû à la manière d’utiliser les machines (haute tension, charge, pitch, répétition d’acquisition moyen…), plutôt qu’au patient, au fabricant ou au modèle de scanner32,81. De plus, il y a une tendance à étendre la zone d'imagerie au-delà de la zone d’intérêt avec la conséquence d'une dose supplémentaire associée. Des études ont démontré que dans environ 98 % des examens de tomodensitométrie thoracique, abdominale ou pelvienne, le volume imagé est plus grand que le volume d'intérêt réel, avec une dose supplémentaire associée82–84. Même si on note une amélioration récente, une dose supplémentaire non négligeable reste systématiquement associée à cette pratique d’ « over scanning »85,86.

Depuis le début du siècle, les fabricants mettent au point des technologies de réduction des doses. La modulation automatique du tube (modification de mAs) en fonction du patient, la sélection automatique du potentiel du tube en fonction de l’examen réalisé et de la région corporelle explorée ainsi que les algorithmes de reconstructions itératifs sont des outils efficaces quand ils sont disponibles87. Il convient toutefois de noter que certaines de ces caractéristiques de réduction de la dose ne sont disponibles que sur les scanners plus récents et que l'utilisation d'anciens appareils peut entraîner une dose beaucoup plus élevée pour le patient61.

D’autres initiatives comme les déploiements de système DACS (Dosimetry Archiving and

Communication System) peuvent aider les services de radiologie pour l’optimisation. Le

DACS est présenté comme le pendant du PACS (Picture Archiving and Communication System) pour la gestion de la dose reçue par les patients. Ce système collecte et analyse les données dosimétriques en obtenant un échantillon significatif de patients dans le but d’améliorer la force des statistiques de dosimétrie, pour un examen, un protocole, ou l’ensemble de l’activité d’une modalité d’imagerie. Il guide les acteurs de la radioprotection dans l’optimisation de la dose, en étudiant, par exemple, un compromis entre la qualité de l’image et la dose utilisée. Le DACS est également un outil d’aide pour les équipes médicales, à travers l’automatisation du transfert des doses vers le compte rendu de l’examen, voire le dossier du patient et ainsi compenser le manque d’informations évoqué dans le paragraphe concernant la justification. En pratique, une solution logicielle de ce type permet aux radiologues d’obtenir des données pour comparer l’utilisation de leurs machines. Ils peuvent ainsi adapter leurs protocoles d'acquisition de l'image pour chaque machine et obtenir une meilleure optimisation de dose sur un même scanner en une année. Il permettra, à terme, de réduire significativement les doses reçues par la population concernée par l’irradiation dans le domaine médical. Son déploiement est d’ailleurs recommandé par l’ASN48 car l’optimisation des protocoles est souvent considérée comme l’un des besoins les plus urgents dans la pratique moderne du scanner.

Enfin, un plan de formation continue est impératif pour assurer une optimisation continue, non seulement pour l'optimisation des images, mais aussi pour l'optimisation des doses. Cette approche devrait être appliquée pendant toute la durée de vie de l'équipement.

2.2.4.3 Limitation de la dose en scanner

La limitation réglementaire des doses existant pour les travailleurs exposés (20 mSv/an) et les individus du public (1 mSv/an) ne s’applique normalement pas aux rayonnements ionisants à des fins médicales. De plus, aucun outil ne permet actuellement de suivre les doses reçues dans le cadre du radiodiagnostic comme c’est le cas pour les travailleurs avec notamment le système d’information pour la surveillance de l’exposition aux rayonnements ionisants (SISERI). Le déploiement d’un tel système serait compliqué à mettre en place mais c’est une des recommandations de l’Académie Nationale de Médecine, qui suggère un suivi des doses tout au long de la vie des patients via un dossier lié à la Carte Vitale65.

Cependant, afin de renforcer le principe d’optimisation, des niveaux de référence diagnostique (NRD) ont été introduits dans la publication 73 « protection et sûreté radiologique en médecine »88 de la CIPR et appliqués en France par l’arrêté du 24 octobre 2011. Cet arrêté oblige les chefs des services de radiologie et de médecine nucléaire à procéder à des évaluations dosimétriques périodiques et de transmettre ces résultats à l’IRSN. Les NRD constituent un outil mais ne doivent pas être assimilés à des « limites de dose » ou des doses optimales ». Ils sont établis pour des examens standardisés et des patients-types et ne devraient pas être dépassés sans justification pour des procédures courantes. Les NRD, fixés au 75ème percentile de la distribution des doses, sont des indicateurs dosimétriques de la qualité des pratiques destinés à identifier les situations nécessitant une action corrective en cas de dépassement (www.irsn.fr).

L’Arrêté du 23 mai 2019 portant homologation de la décision n°2019-DC-0667 de l’ASN du 18 avril 2019 relative aux modalités d’évaluation des doses de rayonnements ionisants délivrées aux patients lors d’un acte de radiologie, de pratiques interventionnelles radioguidées ou de médecine nucléaire a mis à jour les NRD (NOR : SSAP1915191A). Cet arrêté du ministre chargé de la santé du 2 mai 2019 a été publié au Journal Officiel de la République Française. Il est entré en vigueur le 1er juillet 2019.

Tableau 6 : NRD et VGD en scanographie chez l’adulte pour une acquisition entrés en vigueur au 1er Juillet 2019. Le VGD est une valeur repère servant d’objectif pour l’optimisation.

Tableau 7 : NRD en scanographie pédiatrique, selon les catégories de poids (kg), pour une acquisition entrée en vigueur au 1er Juillet 2019. L’âge est donné à titre indicatif.

Actuellement en scanographie, le taux de participation à la transmission des NRD est de 80%89. Cependant, on peut considérer que les établissements qui transmettent leurs données NRD sont parmi les plus sensibilisés à la radioprotection des patients alors que

un même patient90–92. Cela peut atteindre 10 examens au cours d’une seule maladie90. De plus, dans la configuration actuelle des NRD, un service peut avoir des pratiques qui soient en accord avec les valeurs de dose de référence mais réaliser un nombre d’acquisitions non optimisées. Même si le nombre moyen d’acquisitions varie entre 1 et 2,6 au sein du même examen, il peut atteindre 9 hélices dans certains cas32. C’est pourquoi, le Produit Dose Surface (PDS) en radiologie ou le Produit Dose Longueur (PDL) en scanographie pour les examens complets devraient être proposés en complément des NRD48. Seuls les NRD pourraient permettre une optimisation des doses délivrées aux patients. Cependant, ces NRD devraient alors être établis par indication clinique et non par zone anatomique. En effet, de nombreux protocoles existent en fonction de la prescription et les doses délivrées peuvent varier pour une même région corporelle32.

Certains travaux récents proposent de nouveaux indicateurs en prenant en compte ces paramètres et en ajoutant également la morphologie du patient93.

Plusieurs axes d’amélioration sont nécessaires pour chacun des principes de radioprotection en scanographie. L’évolution des pratiques passe par une analyse et une uniformisation de ces dernières. L’enseignement de la radioprotection doit être renforcé grâce à une meilleure formation, que ce soit pour les professionnels de santé mais aussi pour le grand public afin de responsabiliser les demandeurs d’examens et obtenir une adhésion volontaire de tous les acteurs48,65.