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2.3 Données épidémiologiques et modèles de risque

2.3.2 Données épidémiologiques

2.3.2.2 Évaluation du risque sur des cohortes de patients en scanographie

Pearce et al., ont publiés en 2012 une étude portant sur une cohorte de 180 000 individus ayant eu au moins un examen par scanographie avant l'âge de 22 ans entre 1985 et 200215. Au total, 74 patients ont eu une leucémie et 135 une tumeur cérébrale après leur examen. Les auteurs ont calculé que le risque relatif de leucémie augmentait de 3,6 % par mGy supplémentaire reçu et celui d’un cancer cérébral de 2,3 % par mGy supplémentaire. Comparativement aux patients recevant une dose inférieure à 5 mGy, les patients recevant une dose moyenne cumulative de 50 mGy présentaient environ 3

Une autre étude publiée en 2013 par l’équipe australienne de Mathews, comparait l'incidence de cancer parmi 680 000 individus ayant bénéficié́ d'au moins un acte de scanographie avant l'âge de 20 ans entre 1985 et 2005, à celle observée parmi 11 millions d'individus n'ayant eu aucun acte de scanographie17. L'étude concluait à une augmentation significative de 24 % de l'incidence de cancers (quelle que soit leur nature), parmi les individus ayant eu au moins un acte de scanographie. Des excès de risque significatifs étaient cependant observés pour de nombreuses localisations tumorales (système nerveux central, système digestif, peau (mélanome), tissus mous, organes génitaux féminins, voies urinaires, thyroïde, leucémies, myélodysplasies, lymphomes). Pour les leucémies et les myélodysplasies, le taux d'excès estimé par mGy était de 3,9 et de 2,1% pour le cancer du cerveau. Ces deux taux sont comparables aux estimations de Pearce et al., 201215. Cette étude est la plus vaste menée à ce jour sur l'exposition aux rayonnements médicaux à des fins diagnostiques et elle suggère des signes d'augmentation d'autres cancers en plus des leucémies, des myélodysplasies et des cancers du cerveau après une exposition aux rayonnements ionisants en scanner. Une troisième étude, réalisée à Taiwan et publiée en 2014, comparait le risque de cancer parmi plus de 24 000 patients de moins de 18 ans ayant eu un scanner du crâne entre 1998 et 2006, à celui de 98 000 individus affiliés au même régime d'assurance-maladie n'ayant pas eu ce type d'examen pendant la même période13. Les individus qui souffraient de syndromes de prédisposition au cancer étaient exclus de l'étude. L'incidence tous cancers confondus, de tumeurs malignes du système nerveux central et de leucémies, ne différait pas entre les deux populations mais les auteurs concluaient à un risque de tumeurs cérébrales 3 fois supérieur pour les individus ayant eu un examen scanographique de la tête par rapport aux individus non exposés.

Journy et al ont publié en 2015 une étude réalisée en France portant sur 70 000 enfants exposés au scanner avant l'âge de 10 ans sur la période 2000-201025. Cette étude bénéficiait d'une estimation dosimétrique à partir des protocoles radiologiques utilisés dans les services durant la période d'étude ainsi que d'informations cliniques sur des facteurs de prédisposition au cancer (facteur génétique ou immunodéficience acquise). La disponibilité de données cliniques à partir des bases PMSI avait permis d'identifier que 3 % des enfants inclus dans la cohorte présentaient un facteur de prédisposition. Le suivi

moyen était de 4 ans. Les cancers incidents les plus fréquents étaient les tumeurs du système nerveux central (27 cas), les leucémies (25 cas) et les lymphomes (21 cas). Les enfants ayant un facteur de prédisposition au cancer représentaient 32 % des cas diagnostiqués. Le risque de tumeurs du système nerveux central et de tumeurs hématopoïétiques n'était pas significativement augmenté en fonction de la dose cumulée reçue, respectivement, au cerveau et à la moelle osseuse. Les coefficients de risque estimés étaient cependant tout-à-fait compatibles avec les estimations obtenues dans les précédentes études. Dans cette étude une augmentation du risque radioinduit, bien que non statistiquement significative, était suggérée chez les enfants sans facteur de prédisposition, alors que le risque était proche de zéro chez les enfants avec facteur de prédisposition.

En 2015, une étude réalisée en Allemagne, portait sur une cohorte de 45 000 enfants ayant été exposés au scanner avant l'âge de 15 ans sur la période 1980-201011. Le suivi moyen était de 4 années. Au total, 46 cas de cancer survenus avant l'âge de 15 ans ont été identifiés : 12 leucémies, 13 lymphomes, 8 tumeurs du système nerveux central, 13 cancers solides (autres que les tumeurs cérébrales). Les auteurs retrouvaient une augmentation significative de l'incidence de cancer « toutes localisations confondues » dans la cohorte par rapport à l'incidence observée dans la population générale avec un nombre de cancers multiplié par 2. Ce doublement du risque de cancers « toutes localisations confondues » serait principalement dû à une augmentation du risque de lymphome, sans augmentation significative du risque de leucémies et de tumeurs du système nerveux central. Une augmentation significative du risque de tumeurs du système nerveux central avec la dose cumulée au cerveau était observée mais ces résultats reposaient sur un nombre très faible de cas.

En 2019, une étude a été réalisée aux pays bas sur 168 394 enfants ayant reçus un scanner ou plus entre 1979 et 2012 avant l’âge de 18 ans dans 42 hôpitaux9. Les auteurs retrouvaient, pour une dose cumulée au cerveau de 38.5mGy, une augmentation

En résumé, l'ensemble des résultats publiés à ce jour suggère une augmentation du risque de cancer radioinduit après examen par scanographie dans l'enfance, en particulier de tumeurs du système nerveux central et de leucémies. Ces estimations correspondent néanmoins à des risques absolus faibles compte-tenu de la rareté des cancers chez les jeunes enfants : de l'ordre de 1 cas de tumeur du système nerveux central et 1 cas de leucémie pour 10 000 examens de la tête avant 10 ans dans les 10 années suivant l'exposition15.

En comparaison des résultats issus des calculs effectués sur la cohorte des survivants d'Hiroshima et de Nagasaki, les excès de risque estimés par unité́ de dose sont très similaires pour les leucémies mais beaucoup plus élevés pour les tumeurs cérébrales. Rappelons d’ailleurs la spécificité de ces 2 localisations. Les explosions des bombes de Hiroshima et Nagasaki ont provoqué une exposition non-ciblée et peuvent être modélisées comme des expositions « corps entier », ce qui peut expliquer le cas particulier des leucémies et lymphomes, issus du système vasculaire qui domine en surface et en volume d’interaction avec le rayonnement. A travers un examen scanographique qui est basé sur une irradiation volumique et qui en plus, est souvent associé à l’injection intraveineuse de produit de contraste, cette prédominance des effets radioinduits sur le système vasculaire reste toujours valable. A l’inverse, l’incidence des cancers du système nerveux central radioinduits pour les survivants de Hiroshima et Nagasaki est comparable à celle d’autres cancers solides radioinduits. L’incidence observée sur des enfants ayant subi un scanner ne peut s’expliquer ici que par une irradiation sélective de l’encéphale, ce qui est le cas puisque la plupart des études précitées se sont focalisées sur le suivi de patients ayant subi un scanner de la tête. Ainsi, on peut comprendre les différences « qualitatives » qui peuvent exister entre les survivants de Hiroshima et Nagasaki et les patients ayant subi un scanner. Toutefois, cette discussion ne nous éclaire pas sur les excès de risque observé après de telles faibles doses.

A l’évidence, des biais méthodologiques liés à la prise en compte de l'indication des examens, à l'évaluation rétrospective des doses reçues, à la non-connaissance du statut génétique du patient et/ou à un manque de puissance statistique limitent la portée des résultats obtenus

2.3.2.3 Limite de la portée des études épidémiologiques publiées