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5 Quatrième phase : le vécu de l’entourage du patient

5.3.3 L’aide apportée par le réseau familial du malade

5.3.3.1 Types d’aide apportée aux malades

Pour ce qui est du type d’aide apportée aux malades, on trouve différents éléments exprimés de manière itérative. Dans cette mesure, soulager le malade dans son quotidien, l’aider à réaliser les gestes de la vie courante apparaissent comme autant d’aspects pour lesquels l’entourage est sollicité.

106 La nécessité d’une présence auprès du malade ne signifiait pas forcément une présence continue, et une assistance d’appoint suffisait parfois à alléger le quotidien du malade, notamment en cas de difficultés survenues de manière inopinée.

Quand il y avait un souci, elle me téléphonait ; je quittais le travail.

Et nous, étant à côté, on venait le voir. Ce n’était pas vraiment une présence chez eux et on n’était pas ensemble mais proches.

J’étais ici et eux ils habitaient un petit peu plus loin donc, à chaque fois qu’ils avaient besoin de quelque chose heu… mon papa bon à ce moment-là allait quand même un petit peu mieux donc il me

téléphonait et bon automatiquement j’allais quoi.

Souvent, la présence d’un proche s’avérait nécessaire simplement en tant que telle, dans la mesure où elle permettait de prévenir certains risques tout en signalant l’attention témoignée au malade dans cette phase difficile de son existence.

Les premiers mois, ben je passais tous les jours

On se tenait la main, je regardais la TV parce que je n’avais rien d’autre à faire, et elle sentait hein, si j’étais là.

Il fallait être là tout le temps. […] J’étais toujours à l’écoute.

J’arrivais encore avec quelqu’un à la sortir, à la mettre dans la voiture pour la distraire un petit peu, pour sortir.

Il semble toutefois que ce soit la nuit que ce besoin d’une présence se faisait le plus manifeste. Les derniers moments, peut être, les derniers 15 jours, je dormais ici donc hein, mais il m’appelait

souvent, ça oui, il m’appelait souvent la nuit Je me levais parfois cinq, six fois la nuit.

De son retour de clinique, les seize jours qu’il est resté encore en vie, je me couchais sur le divan, je ne dormais pas, j’étais aux aguets tout le temps, parce qu’il avait toujours ces crises de démence qui le

prenaient pendant la nuit.

J’avais peur de dormir aussi. Je dormais d’un œil, parce qu’il y avait des fois, je la retrouvais dieu sait où.

Et chaque fois qu’il y avait quelque chose, que, qu’il ne savait pas bien respirer, toujours, ça se passait la nuit. Parce qu’à mon avis il était beaucoup plus angoissé.

En fait, moi je montais me coucher avant lui et comme ça je dormais un petit peu parce que lui, comme il avait des problèmes, qu’il toussait et tout ça, je ne dormais pas. […] Et alors la nuit je ne

dormais pas donc j’étais en éveil parce que lui-même dormait à moitié quoi.

L’aide concernait aussi les gestes et autres tâches de la vie courante, qui tendaient à devenir des obstacles au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Ainsi, la prise des repas ou bien encore la toilette corporelle étaient des domaines où l’aidant pouvait s’acquitter de la tâche.

107 Donc moi, j’allais le soir, j’allais cuisiner, leur faire leur repas.

A midi, on venait lui donner à manger et tout ça, des tartines et tout ça, parce que moi, j’avais pris l’habitude de faire à souper, donc je ne voulais pas la désorienter encore de ce côté-là. […] Je

préparais tout ce qu’il fallait pour le déjeuner, son jus de fruit et tout ça.

Je lui ai dit « tu veux que je t’aide pour prendre ta douche ? » et il a dit « oui, ça me ferait plaisir ». Donc je l’ai aidé comme je le faisais ici aussi les mois précédents.

Tant qu’il a pu se mettre debout, ça allait, je l’amenais dans la salle de bain et je lui faisais bien sa toilette moi-même

Ce dernier extrait est intéressant dans la mesure où il souligne également que certains aspects de la vie quotidienne, initialement pris en charge par un des membres de l’entourage, étaient ensuite dévolus à des professionnels, lorsque la difficulté à les réaliser s’accroissait en écho à l’évolution de la maladie.

Pour autant, l’aide familiale, loin de s’arrêter à ces deux aspects, tendait au contraire à s’insinuer dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Cela concernait donc également la réalisation d’actes domestiques courants, comme les tâches ménagères ou les courses, par exemple.

C’était moi qui faisais le linge, à manger, le ménage et tout.

Je venais le soir, après journée, tout ça, je faisais à souper, vaisselle. Elle avait soupé, elle avait mangé, je redescendais chez moi. A 9h, on se téléphonait pour se souhaiter bonsoir.

Au niveau de l’entretien c’était moi qui allais nettoyer quand j’avais fini mon travail surtout, souvent le week-end. C’était moi qui avais pris en charge le nettoyage, les courses, ce qui avait à faire quoi… Quand ma fille revenait du travail. […] elle restait avec son père et moi j’allais faire les courses ou elle

allait faire les courses.

Néanmoins, l’état déclinant du patient lors de l’évolution de la maladie et ses conséquences délétères engendraient des besoins plus spécifiques. Parmi ces besoins spécifiques, nous retrouvons notamment les problèmes d’incontinence, pour lesquels l’entourage pouvait être appelé en renfort.

À cause de sa prostate, il devait souvent aller uriner, il devait chaque fois aller à la toilette, il ne fallait pas autre chose, donc je prenais un gadot et je le conduisais à chaque fois.

Quand il déféquait sur lui … qu’il était dans le lit, qu’il fallait que j’aille mettre un Pampers. […] J’attendais, je mettais un lange et des essuies, pour contenir les selles.

C’est vrai qu’il fallait changer les langes aussi…mais ça j’ai toujours fait moi-même aussi, je le changeais trois fois le jour, je lui mettais des langes et je me débrouillais

Pendant la nuit, c’est moi qui changeais mon épouse ; je bougeais la poche, je mettais une nouvelle poche, c’est moi qui m’en occupais.

Egalement, avec le traitement médical suivi par le malade, la prise médicamenteuse constituait un autre domaine d’expression de l’aide familiale.

108 Le docteur me faisait une liste avec tout ce qu’il devait prendre quoi et alors, avec ça, ben, je

préparais au fur et à mesure ; j’avais acheté un semainier

C’était moi qui préparais automatiquement les médicaments, matin, midi et soir.

J’allais quasiment un jour sur deux à la pharmacie parce que il y avait des médicaments qu’il fallait régulièrement. […] Régulièrement ça changeait les médicaments donc il fallait que par semaine on

aille quasiment tous les deux jours au pharmacien.

Soulager le malade apparaît aussi comme un invariant des discours récoltés, et plus particulièrement face aux effets délétères de la maladie ou du traitement. Dans cette optique, les conseils prodigués aux proches par les professionnels en charge du malade pouvaient s’avérer d’une grande efficacité.

Il a eu des éruptions cutanées sur tout le corps, et je devais l’hydrater 6 fois par jour. Elle m’avait montré aussi, en appuyant ici, pour essayer de l’aider pour expectorer

Mais je ne vous cache pas que moi, j’ai pris des décisions comme si j’étais médecin, comme si j’avais été médecin. J’ai dit stop. […] Mais je téléphonais, je dis : « voilà Dr, moi j’ai arrêté ça, parce que je vois que cela ne va pas ». […] Je connaissais papa, je voyais quand cela n’allait pas, je voyais quand ça

allait mieux.

Enfin, le soulagement du malade pouvait aussi passer par un soutien financier de ses proches, même si ici, ce besoin n’était pas transversal, mais dépendait grandement de la situation sociale et financière des différents individus en question.

Au vu de la diversité des domaines requérant une aide de l’entourage, ainsi que de l’âpreté de certains des actes à réaliser, notre étude ne peut faire l’impasse ici sur les motivations ayant conduit ces proches à venir en aide à leur famille. C’est pourquoi nous allons, à présent, nous intéresser à cet aspect, tout en y joignant la question du temps consacré à cette aide par l’entourage.