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L’absence d’homogénéité entre les services et les critiques émises

4 Troisième phase : le vécu des professionnels

4.3.4 La mise en place du service de garde à domicile

4.3.4.2 Les missions des gardes à domicile

4.3.4.2.4 L’absence d’homogénéité entre les services et les critiques émises

Comme cela a été souligné précédemment, la nature des tâches autorisées et proscrites pour les gardes à domicile n’apparaît pas nécessairement clairement dans la tête des équipes de soutien ou des gardes-malades – cette idée se vérifiait moins dans le cas des coordinatrices, en raison de leur position particulière dans la prise en charge à domicile, davantage inscrite dans la sphère administrative. Cette situation n’a pas été sans soulever les critiques de la part des acteurs interrogés, et notamment des gardes-malades, qui évoquaient l’évolution de leurs attributions au cours du temps et des législations, avec des actes qui leur ont été progressivement interdits.

Il y a quand même certains actes qu’on faisait avant qu’on ne peut plus faire. Oui, tout à changé et puis moi je pense que ça va encore changer, hein.

Et c’est dommage parce qu’il y a quand même des choses qu’on a besoin de faire la nuit et qu’on ne va pas appeler une infirmière rien que pour ça, quoi.

Si une personne a une pompe à morphine la nuit et qu’elle se met à sonner, il faut quand même bien savoir ce qu’il faut faire. On ne va pas la laisser sonner pendant des heures, quoi. C’était tout bête, je

ne vois pas pourquoi maintenant on a enlevé tout ça, hein.

Moi, il y a dix ans, on ne travaillait pas comme ça, hein. On donnait les médicaments la nuit et tout ça. On donnait le Nutrison ou des … Il n’y avait pas de souci, enfin, et maintenant soudain, on se demande pourquoi on a fait une formation, hein. Si c’est pour faire à dîner, on sait le faire chez nous,

non c’est vraiment, non c’est un petit peu … moi je trouve que c’est un petit peu frustrant.

De même, les infirmières des équipes de soutien partageaient cette opinion, notamment dans le cas de patients en soins palliatifs.

Leur action est tellement limitée maintenant que c’est un petit peu dommage. Surtout en soins palliatifs où les personnes sont quand même très dépendantes, douloureuses, avec des problèmes de

symptômes … je ne sais pas. Moi je me rends compte que maintenant c’est vraiment un gros problème.

Le cas de l’attribution des médicaments concentrait l’essentiel des critiques faites par les gardes-malades, qui soulignaient que des actes possibles pour n’importe quelle personne leur étaient interdits, en raison de l’aspect assurantiel de la prise en charge pour les services.

C’est à même du règlement qu’il faut essayer de faire changer les choses parce qu’on peut veiller à la prise, oui, on peut regarder la dame, mais, c’est comme elle dit, à partir du moment où la dame elle est immobilisée, elle ne sait même plus lever une main, on doit lui donner à manger et tout, comment

voulez-vous qu’elle prenne ses médicaments ? Donc … là il y a quelque chose qui cale, quoi ! La garde-malade rentre souvent dans l’acte dit infirmier comme, ben, calculer le sucre, c’est tout bête

mais on ne peut pas le faire. Mais qu’est-ce que vous voulez faire avec quelqu’un qui ne sait plus le faire, où il n’y a pas de famille, où il n’y a personne, donc vous êtes tout seul, donc vous prenez la responsabilité sur vous et c’est là qu’il y a un petit souci. Médicaments dans les sondes aussi, il n’y a personne pour donner, il a besoin de son médicament à midi, on est là toute la journée, qu’est-ce que vous voulez faire ? Lui dire « non, vous attendez que la famille rentre à cinq heures et demi pour avoir

votre médicament de midi ! » … Je ne sais pas, il y a un souci de ce côté-là dans l’acte. C’est le fait qu’il y a certaines choses que le commun des mortels peut faire mais que, parce qu’elle a

cette qualification et qu’elle travaille dans un service de garde et tout ça, et bien non, elle ne peut pas, cet acte-là elle ne peut pas le faire. C’est là où le gros problème se pose.

72 Des bêtes choses comme les glycémies, des trucs comme ça, si notre maman est diabétique on peut le faire à domicile, alors qu’en tant que garde-malades, chez un patient, on ne peut pas, enfin c’est bête,

alors que certaines personnes le font et ils ne savent même pas lire et écrire, quoi. Ou prendre la tension, des bêtes choses comme ça. On est quand même fort limités.

Cet aspect était confirmé par les coordinatrices, qui évoquaient également ces limites dans le travail des gardes à domicile.

Les gens épileptiques avec une crise d’épilepsie où on ne sait calmer que par injection de Valium® soit en intra-rectal, comme tu parlais en venant, pour les gens de dire : ben, c’est un acte bénin, je peux le faire, mon voisin peut le faire, pourquoi vous, vous ne pouvez pas le faire ? Ben, parce qu’on ne peut

pas vous injecter du Valium®, c’est la même chose quand on vous met un suppositoire.

Du fait de cette appréhension critique de la législation, les gardes à domicile avouaient parfois aller au-delà de leurs attributions, et réaliser certains actes qu’elles n’étaient pas censées faire.

Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai une personne qui faisait une hypo, je n’ai pas attendu de téléphoner à mon service ni d’avoir, de réussir après x coups de téléphone à joindre son médecin traitant, ou euh, voilà. Mais j’ai téléphoné à mon médecin traitant que j’étais sûre de joindre et voilà,

j’ai pris son taux de glycémie et puis j’ai donné, j’ai pu rendre un médicament. Mais je l’ai fait, je ne vais pas attendre qu’elle décède là devant mes yeux et voilà. Mais on en revient toujours au même,

c'est-à-dire qu’on ne peut pas, qu’on n’est pas couvert.

Ce zèle était confirmé par les infirmières des équipes de soutien, qui côtoient les gardes à domicile dans leur travail.

Et puis on se rend compte que certaines y vont parce qu’il faut bien ; la situation est telle qu’elles prennent parfois des rôles où elles font des actes qui ne sont pas normalement dans leurs

attributions, mais ça, les aides familiales le font aussi.

Cet aspect semblait également connu des coordinatrices de services, qui étaient mises au courant par les garde-malades des actes prohibés qu’il pouvait leur arriver d’accomplir.

Parfois mieux vaut laisser un peu de souplesse aussi, même si c’est inconfortable, hein, donc c’est vrai que de se dire bon, ben, je te donne mon accord, donc pour, euh … faire un aérosol, bon on sait que bon, ben, non, normalement on ne peut pas mais qu’il faut qu’elles puissent le faire. Ben, maintenant

elles le font et je pense qu’elles le disent et puis, bon si on a une bonne relation avec elles c’est vrai qu’elles font aussi ce qu’elles ne peuvent pas faire mais moi je me rends compte qu’elles me le disent

de toute façon. Or elles disent « bon je l’ai fait, je sais bien que je ne peux pas », ben voilà.

Interroger simultanément des professionnels appartenant à différents services a également permis de faire ressortir l’absence d’uniformité entre ces services quant à la nature des actes qu’il leur était autorisé d’accomplir, provoquant parfois, au passage, l’incompréhension des gardes à domicile quant à ces différences entre services.

Et il n’y a pas longtemps qu’on commence aussi à accompagner les gens quand il fait beau pour les faire sortir un petit peu. […]

Ça dépend des secteurs, hein, ça dépend. […]

On peut aller promener dans le quartier, mais on ne pourra pas aller boire un café … boire quelque chose avec eux …

73 Je vais vous interrompre, je ne sais pas si c’est dans tout les services parce que …on ne peut pas

promener la personne.

Je vois déjà d’un service à l’autre … […] C’est différent. On ne peut pas faire de toilette, elle, elle peut faire … […]

Oui, donc ça dépend un peu les services, euh … parce que chez nous on peut le faire. Ça je ne comprends pas non plus que d’un service à l’autre on ne fasse pas la même chose …

Ça dépend un peu le règlement de chaque service, je pense…

4.3.4.3 Les rapports entretenus par les gardes à domicile avec les autres protagonistes de