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Besoins et difficultés évoqués dans le suivi palliatif

5 Quatrième phase : le vécu de l’entourage du patient

5.3.6 Besoins et difficultés évoqués dans le suivi palliatif

C’est souvent le médecin traitant, ou plus rarement l’infirmière, qui fournit les informations dont l’entourage a besoin. Ces informations concernent les aides financières, la maladie et son évolution et le temps qu’il reste à vivre au patient. Ces informations ne suffisent pas toujours à la famille. Le délai de mise en place des soins palliatifs est perçu de manière variable. La charge administrative est aussi un élément pesant sur l’aidant proche, déjà fort occupé. La question de l’euthanasie a été évoquée occasionnellement.

5.3.6.1 Information du malade et de son entourage

Un autre point d’intérêt concernant l’épisode des soins palliatifs tel qu’il est vécu par l’entourage du malade renvoie au niveau d’information dont il a pu bénéficier de la part des soignants. Là non plus, il n’y a pas vraiment de consensus en la matière.

Ainsi, les aides financières dont pouvait bénéficier le patient à chaque nouvelle étape du suivi palliatif étaient expliquées à l’entourage par un ou plusieurs soignants. Le médecin traitant est l’acteur principal, même si, parfois, une infirmière peut également jouer ce rôle.

Comme elle venait régulièrement, c’est un peu elle [l’infirmière] qui nous a expliqué les possibilités qu’il y avait de, d’avoir des soins à la maison.

Le médecin venait systématiquement tous les mercredi après-midi lorsque j’étais là pour justement m’expliquer ce qui allait arriver ou les changements aussi, il me faisait comprendre les changements.

Quand il y avait un changement de médicaments, par exemple

Toutefois, les informations transmises concernent principalement la maladie et son évolution potentielle, qui font partie des informations principalement recherchées par l’entourage du malade, au même titre que les traitements possibles face à la pathologie en question.

On en parlé avec le Dr G, parce que, au départ, on avait peur, parce que comme c’est un cancer des os, c’est très douloureux. Donc, on hésitait entre le fait de le mettre dans un hôpital qui s’occupait des

soins palliatifs… […] Oui, je pense, c’est le Dr G qui nous l’a dit, et alors de le faire à la maison. Il était clair qu’on avait demandé qu’on nous explique, disons, les tenants et les aboutissants de cette maladie. Donc on ne tenait pas à avoir un …, une …, on voulait disons, être informés correctement de

la maladie, des possibilités de traitements, et de ce qui pouvait tourner autour de cette maladie. À partir de là, elle [l’infirmière] m’a dit qu’il ne saurait plus se lever, qu’on ne pouvait plus continuer

comme ça, et qu’il faudrait faire venir un lit d’hôpital parce que mon lit est trop bas. On a fait des séjours de nouveau à l’hôpital puis, à un moment, ils nous ont dit qu’il était inutile de

poursuivre… […] Tout. Tout ce qu’on demandait, on avait une réponse immédiatement. Quand j’ai parlé avec le médecin, donc le docteur N, il m’a dit : « bon écoutez, votre papa, avec les problèmes d’apnée qu’il a actuellement, il peut partir d’un moment à l’autre ». […] Oui, donc écoutez,

89 ans, on ne va pas le faire souffrir pour le réanimer, on le laissera partir tranquillement. Donc tout ça, moi j’étais mis au courant à chaque jour que j’y allais…

147 J’ai eu le… un coup de fil du cardiologue qui m’a dit : « est-ce que je peux passer dire bonjour ? » Je

dis : « oui, tu viens quand tu veux ». Il est venu le lundi, lundi soir. Et mon mari n’était déjà plus conscient. Il a essayé de lui parler, il a senti son pouls et tout ça. Il m’a dit : « écoute, il faut t’attendre,

c’est dans la semaine, il ne tiendra pas la semaine qu’il m’a dit ». J’ai dit : « ça va ».

En lien avec l’évolution de la maladie, la question du temps qu’il reste à vivre au malade est un autre thème récurrent concernant l’information donnée.

On avait besoin d’informations par rapport à « qu’est ce que vous croyez qu’il reste comme temps, quand vous le voyez comme ça? » et la personne nous a aidés par son…avec délicatesse hein, nous a préparés quelque part hein, heu. […] nous disant vraiment les, les… « Il change, on voit bien que son

visage et son état montrent qu’il est en train de partir, … ». Donc, quelque part, c’était comme une personne heu… elle était en éclaireur quoi, par rapport à nous.

Les deux derniers jours, il me disait « oh j’ai mal à la tête, j’ai mal à la tête » et je crois qu’il était dans le coma quoi, je crois qu’il était déjà dans le coma parce que…il ne réagissait plus à rien et heu…Et alors à ce moment-là le docteur m’a dit heu « n’allez plus travailler, prenez congé ». Voilà donc heu,

on savait bien que c’était fatal quoi.

Pour ma femme on m’a dit, le médecin m’avait dit « arrêtez de travailler » parce que votre femme elle a besoin de vous, comme il faut en profiter au maximum. […] C’est là que j’ai compris et j’ai arrêté.

On nous a dit « voilà, il y a 70% de chance qu’elle ne passe pas les trois mois ». Ca vous met le couperet.

En outre, les informations données par l’équipe soignante peuvent l’être à destination de l’ensemble de l’entourage proche du malade, qui cherche lui-même comment se comporter face au malade.

Même mes filles hein, on a eu des réunions que les deux filles étaient là aussi. […] Tous ensemble. […] Avec mon mari aussi, hein. Elle lui expliquait un peu toutes sortes de choses.

Je ne sais pas comment on fait dans ces moments-là. On était un peu tous mal à l’aise aussi de lui dire « voilà, c’est la fin », on ne savait pas comment s’y prendre non plus. Je ne l’ai pas fait. […] Oui, pour

voir s’il faut en parler avec le malade ou pas, si…

Concernant, à présent, les personnes interrogées qui se déclaraient insatisfaites quant à l’information reçue, leurs griefs reprennent point par point les mêmes thèmes que précédemment, en commençant par les possibilités de prise en charge palliative, qui n’ont, semble-t-il, pas été exprimées clairement ou explicitement par le personnel soignant

Et là, on est resté pendant 3 semaines, en attente des rendez vous chez le docteur H pour pouvoir, disons, se mettre, enfin pour nous expliquer un peu comment l’opération allait se passer et comment,

enfin finalement comment ça allait se passer. Et ces trois semaines ont vraiment été pour moi difficiles.

Je ne trouve pas ça facile parce qu’on ne sait pas quoi faire. […] Enfin ça, ce n’est pas encore vraiment en phase de soins palliatifs, mais je trouve que, parfois, ce n’est pas toujours évident au cours de

l’évolution de la maladie, de savoir à qui s’adresser quoi.

Donc c’est parce que j’ai été, heu j’avais des besoins, et je n’ai pas toujours trouvé… […] l’écoute, enfin l’écoute et, même quand je téléphonais à la mutuelle, ça dépendait de nouveau sur qui on tombait,

148 heu je n’ai pas toujours été informée convenablement et parfois c’est même moi qui ai provoqué la discussion, ou j’ai tellement cherché à ce que ça se passe bien que j’ai trouvé des solutions. Mais c’est

parce que, moi, j’avais envie de trouver que j’ai trouvé des solutions.

Pour le reste, les manques ressentis en termes d’information de la part de l’entourage renvoient à la question de la maladie, de son évolution et du temps qu’il reste potentiellement à vivre au malade. La complexité de l’évolution des maladies explique probablement l’impuissance des soignants à prédire les événements.

Moi, à mon avis, je suis certaine, persuadée, ils ne me l’ont jamais dit, les médecins, mais que c’était son cancer hein qui reprenait.

Alors, finalement, mon épouse a été à l’hôpital et quelques jours après on m’annonce que c’était la fin. [vous avez eu des explications ?] Aucune. Parait-il qu’elle avait attrapé un microbe.

J’étais sur l’angoisse constante parce que je ne savais pas quand il allait décéder.

Toutefois, il arrive que le problème ne réside pas tant dans un manque d’informations que dans une information inappropriée, soit par le manque de tact avec lequel cela a été annoncé soit parce que le malade ou son entourage ne souhaitaient pas nécessairement connaître ces éléments.

Enfin, nous, c’était notre souhait de ne pas… […] anticiper, de ne pas faire de plans. On lui avait dit … à lui-même, qu’il n’en avait plus pour très longtemps ; et ça, c’est une chose qu’il

faut toujours demander, moi, je trouve, au malade, parce que mon mari a, a mal supporté la nouvelle. […] Il tenait terriblement à la vie et… […] Et il n’aurait pas fallu lui dire, […] lui dire la vérité

voilà.

Il faut dire au médecin qu’il faut employer les mots qu’il faut et pas claquer cela comme ça. On savait que ça n’allait pas bien…on savait que c’était le cancer, mais on

ne dit pas « dans trois mois vous serez parti » hein. Et c’est ça qu’il nous a dit. « Dépêchez-vous de faire ce qu’il faut, parce que dans trois mois vous serez parti ». […] Tellement j’étais outrée. Et mes

enfants, pire que moi hein ! Pire !

5.3.6.2 Délai de mise en place des soins palliatifs

Certains répondants ont fait part d’une lenteur dans la mise en place du suivi du malade, en raison de problèmes d’effectifs dans les structures contactées.

Tout le monde m’a dit : « écoutez… ». De toute façon, je dis, je ne demande rien, ce n’est pas moi qui décide, mais partout c’était le même problème, ils étaient en insuffisance de personnel. Par contre l’élément défavorable c’est que pendant les vacances, les aides familiales et les soins à domicile sont beaucoup moins faciles à trouver et donc il a fallu faire appel à deux organismes pour

pouvoir arriver à faire quelque chose.

Par contre, d’autres mentionnent le faible laps de temps séparant la demande de la mise en place effective des services.

149 Je dois dire que tout cela s’est très bien et très vite mis en place. […] Cela s’est vraiment très très bien

passé, et que je n’ai pas dû m’occuper de grand-chose, ça s’est mis en place tout seul. Le système a été rapidement mis en place quoi !

5.3.6.3 Charge administrative

Plusieurs répondants évoquent la lourdeur des démarches administratives à mener, et notamment la quantité de papiers à remplir, ou bien encore celle de la complexité du parcours de soins.

Quand je pense toutes les paperasses que ça leur demande et encore qu’un certain temps après elles doivent rentrer des dossiers et des histoires comme ça heu pff alors qu’il y a des choses plus

importantes quoi heu…à faire que toutes les paperasseries.

Les papiers ! C’est ce qui m’a tuée ! Ce n’est pas la maladie de mon mari, c’est les papiers. Ça, c’est évidemment le revers de la médaille quand on est avec une espèce d’hospitalisation à domicile, si, dès qu’on doit avoir un examen complémentaire, hormis une prise de sang, une analyse d’urine qu’on peut faire sans problème, le reste c’est une complication sans nom parce qu’il faut une

ambulance, il faut transporter, il faut faire la radio, revenir, c’est un peu plus compliqué.

5.3.6.4 Demande d’euthanasie

Dans deux ou trois entretiens, le malade avait également fait une demande d’euthanasie. La procédure s’est avérée fort longue.

À partir du moment où il faut passer par X spécialistes avec des avis contradictoires, de X médecins, etc., et que dans sa situation, il fallait prouver qu’elle était saine d’esprit alors que c’était une maladie

dégénérative, etc., ça a pris des mois. Donc pour moi, ce sont des mois de souffrance inutile, parce que sa demande était très claire et dans sa tête c’était très clair que la demande n’était pas une

demande de soins palliatifs.

En raison même de la longueur des démarches, une prise en charge palliative à domicile avait été entreprise, soit en attendant la réponse concernant la demande effectuée, soit tant que l’état de santé du malade ne nécessitait pas encore la réalisation de cet acte.

À un moment donné, elle a souhaité faire une procédure d’euthanasie, qui a pris du temps, et donc, pour pouvoir permettre d’aller au bout de cette procédure, on a mis en place des soins palliatifs.

Voilà. Pour l’accompagner.

Je comprends que le système ait besoin de baliser les conditions éthiques d’une euthanasie, mais c’était particulièrement pénible, parce que voilà… Quelqu’un qui a décidé en toute lucidité et qui a des

raisons de le faire, de devoir attendre six mois pour pouvoir le faire, c’est vraiment extrêmement pénible.

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