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Motivations à aider le malade et temps consacré

5 Quatrième phase : le vécu de l’entourage du patient

5.3.3 L’aide apportée par le réseau familial du malade

5.3.3.2 Motivations à aider le malade et temps consacré

Dans le cadre de l’analyse des motivations à aider le malade, trois grands thèmes semblent plus particulièrement être à l’origine d’un investissement des proches auprès de la personne en fin de vie. Cet investissement servait d’abord à satisfaire la volonté du patient en fin de vie, qui avait émis le souhait de mourir chez lui, plutôt qu’à l’hôpital. Cette volonté exprimée ou supposée amenait alors l’entourage à agir en conséquence, à s’adapter. Toutefois, la volonté du malade, pour connaître une concrétisation, devait entrer en écho avec le bon vouloir des proches, qui acceptaient ce souhait, voire même qui se l’appropriaient, lorsqu’une promesse avait été faite au malade sur ce point.

Lui, il voulait rentrer. Il voulait revenir à la maison, il voulait rentrer. J’estimais que mes parents avaient quand même le droit de finir leur vie tranquille. Lui, il ne voulait pas aller à l’hôpital. Il a dit clairement : je ne veux pas aller à l’hôpital. J’avais promis que cette personne n’irait jamais ni en maison de repos, ni en hospitalisation, donc

109 Il ne voulait pas retourner à l’hôpital, il m’avait fait promettre de ne plus retourner à l’hôpital. Je désirais que maman meure chez elle, parce que maman a soigné papa, à la maison, et papa est

mort à la maison aussi. Donc c’est grâce à maman que papa est mort à la maison donc j’ai voulu rendre l’ascenseur à maman.

J’avais toujours dit : «il est sorti en ambulance une fois, c’est terminé, puisque c’est comme ça, s’il doit mourir, il meurt chez moi ! »

On m’a proposé de la placer au Val d’or ou dans une autre maison de soins palliatifs mais j’ai préféré, j’ai préféré le garder à la maison.

On en a discuté, il m’a dit « je sais que j’ai quelque chose de grave », j’ai dit oui, « tu sais ce que je veux ? », alors j’ai dit « oui, je crois », alors il m’a dit « pas d’acharnement médical, et je veux revenir

à la maison, je ne veux pas rester à l’hôpital, je ne veux pas servir de cobaye. ». J’ai dit d’accord. Outre cet aspect, une deuxième raison qui amenait les membres de la famille du malade à s’investir à ses côtés concernait la structuration affective de la famille, les liens privilégiés noués entre le malade et au moins l’un des membres de son entourage.

Mais j’ai toujours eu un lien assez particulier avec ma maman, j’étais fort proche de ma maman donc c’est ça que j’ai trouvé normal de faire les choses pour elle quoi.

C’était énorme. Puisqu’il a vécu 10 ans avec moi. C’était ma copine, mon ami, mon frère, mon père,… on était fort solidaire dans la difficulté

Ah oui, moi ma maman c’était mon dieu hein.

Enfin, le troisième domaine de motivations renvoie à la spécificité du moment vécu, à cette vie dont l’échéance est fixée à plus ou moins long terme, et qui procure donc la sensation qu’il s’agissait là des derniers instants dont il est possible de profiter, avant que la mort n’emporte le malade.

Elle s’était fait une promesse à elle-même et qu’elle l’accompagnerait jusqu’au bout et c’est vrai qu’elle l’a fait.

On a pris beaucoup de temps pour profiter quoi c’était un peu ça quoi. Nous, on préférait faire cela en famille quoi, on aimait bien de s’occuper de lui On préférait être là, c’est les derniers moments donc… On préférait être là, oui.

Afin que cette volonté d’aider le malade, de partager avec lui ses derniers moments, puisse se réaliser, il semble toutefois indispensable de tenir compte du facteur temporel, de la disponibilité de l’entourage dans ces moments. Effectivement, au regard des besoins de présence et d’aide exprimés par l’état valétudinaire du patient en fin de vie, la question du temps à consacrer au bien-être de ce dernier ne peut être éludée. Ici, nous avons une scission de notre population, qui admet la position générationnelle comme variable discriminante : effectivement, la question ne se pose pas de la même manière selon que l’on soit ou non pensionné. Ainsi, le temps consacré au malade aura d’autant plus de chances d’être un aspect problématique qu’il concernera les générations

110 descendantes du malade (ses enfants), alors que cela sera une considération moindre dans le cas d’individus appartenant à la même génération que le malade (son conjoint, le plus souvent).

Maman étant là tout le temps donc heu, donc voilà, elle n’a plus d’activité professionnelle. Dans le cas où les proches des malades étaient insérés dans des obligations sociales telles que le travail, une modification des habitudes de vie se révélait vite nécessaire. Cela pouvait d’abord passer par une adaptation du temps de travail.

Dès qu’il est entré en phase de soins palliatifs, et qu’on a commencé le système d’alimentation entérale, la je me suis organisée au travail. […] J’avais demandé pour ne plus aller à Louvain-la-Neuve

que le mercredi, et m’organiser pour mes rendez-vous… grouper tous mes rendez-vous le matin, et être à la maison l’après-midi.

Une autre possibilité, revenue de manière itérative au cours des entretiens, consistait à diminuer son temps de travail, afin d’avoir plus de temps à consacrer au malade.

J’envisageais de réduire mon horaire, de prendre un 4/5 temps pour la journée pour laquelle on n’avait trouvé personne.

Je me suis mis en quatre cinquième, de façon à pouvoir me libérer, enfin, avoir plus de temps en tous les cas, ici avec mon épouse.

J’ai toujours travaillé à temps plein mais depuis le début de sa maladie j’ai pris un mi-temps. […] Et à la rentrée de septembre 2008, donc 2 mois avant son décès, là j’ai arrêté de travailler complètement. Comme l’indique ce dernier verbatim, la solution de dernier recours, pour la population active, consistait à recourir à des jours de congés, afin de pouvoir répondre pleinement au besoin de présence auprès du malade. S’il pouvait s’agir ici de congés palliatifs, cela n’était pas systématique et les proches pouvaient ainsi décider de prendre des congés « normaux », ou bien encore des congés maladie, lorsque leur médecin traitant était disposé à le cautionner.

Avec l’accord du dr.M, j’ai pris un congé pour pouvoir rester auprès de lui, parce qu’il fallait l’accompagner pour les chimio et les rayons et tout ce qui s’ensuit.

J’ai pris un congé palliatif donc les 6 premiers mois, de juillet donc heu juillet jusque décembre j’étais en congé donc « soins palliatifs » pour mon épouse. Heu fin décembre, fin décembre à partir de la

Noël, je me suis mis en congé pour maladie.

J’étais en congé maladie parce que mon médecin traitant m’a mis en congé maladie, pour pouvoir avoir mon salaire quoi, pour pouvoir faire vivre toute la famille… d’autant plus que j’avais une

personne en plus à charge quoi.

Et alors pour finir, moi, j’ai pris un congé sans solde, pour rester avec elle. Pour l’accompagner jusqu’au bout quoi.

Si le besoin d’adapter son temps de travail se faisait aussi présent, cela est à relier à la nature de la situation engendrée par les soins palliatifs. Effectivement, l’entourage devait alors s’adapter à un nouveau rythme de vie, régulé par l’état de santé du proche malade. Ainsi, l’une des spécificités de la

111 situation vécue renvoie à l’absence de temps personnel pour le proche, peu ou prou entièrement dédié au confort du malade, et donc rythmé par les évolutions de son état de santé.

Depuis vraiment le 20 février, hospitalisé le premier jour, lui dire que sa maladie était déclarée et tout ce qui s’ensuit, jusqu’au jour où il est décédé, je suis toujours restée avec quoi. .

Mais je ne l’ai jamais quitté hein, et à la clinique non plus hein. […] Les filles m’apportaient mon nécessaire mais je suis restée nuit et jour avec.

Je n’allais plus nulle part, je ne sortais plus, j’allais plus nulle part. Non, je restais tout le temps mais ça ne me posait pas de problèmes.

Vous n’avez plus rien pendant des années ! Vous n’avez plus de promenade, vous n’avez plus un resto, vous n’avez plus de vacances, vous n’avez plus rien !

Ca m’a vraiment coupé du monde. […] Je n’allais plus en ville, je n’allais plus au cinéma, je ne voyais plus mes amis, je ne voyais plus personne. C’était nous deux.

Vous n’avez plus de vie.

Nous avons subi quelques conséquences du passage de papa ici. Bon, on était heureux de l’avoir, bien sûr, on faisait tout pour, mais je ne vous cache pas que sur le plan vie, notre mode de vie a beaucoup

changé : on vivait en fonction de lui.

Dès lors, le rythme biologique du malade tend peu à peu à devenir le métronome de la vie du proche aidant qui n’a plus de temps à soi. Il s’adapte, notamment en se reposant dans les moments où le malade dort ou ne nécessite plus une attention particulière (comme lorsqu’il est pris en charge par des professionnels), ou bien encore en profitant de ce laps de temps pour réaliser certaines activités.

Donc la journée moi je dormais et je restais éveillé la nuit.

Comme il dormait beaucoup l’après midi, je partais, je devais aller faire les courses je devais aller parce que j’avais des travaux dans la maison. […] Donc je quittais pendant les trois heures où il faisait

sa sieste.