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Trous de poteau et petit empierrement

?Chemin foncier

4.2.5.1 Trous de poteau et petit empierrement

Une concentration de fosses d’implantation de poteau (dia-mètre : 20-65 cm) et de trous de piquet (dia(dia-mètre : 10-12 cm) s’observe surtout à l’est des trois édifices successifs (fig. 174.3-4, 6-17). Certaines de ces structures comportent dans leur rem-plissage des blocs calcaires et des fragments de tuile, utilisés comme calage (fig. 174.3-4,9,12-14,16).

Les structures proches des murs orientaux des bâtiments 2 et 3 sont recouvertes par la couche de destruction du premier édi-fice puis scellées par des niveaux de construction du second ; un trou de poteau (fig. 174.16) est même recoupé par un contre-fort appartenant au bâtiment 3 (phase 3). Ces constatations laissent supposer que tous les poteaux de cette zone orientale du site ont été implantés lors des deux premières phases de son occupation. Quoiqu’il en soit, leur répartition ne révèle pas d’organisation compréhensible ; on peut tout aussi bien sup-poser l’existence d’un bâtiment, d’une clôture ou d’une autre construction. Dans l’éventualité d’une appartenance de cer-tains de ces poteaux ou piquets à la phase 1, ils ne constituent pas les restes d’une palissade en relation avec le tronçon de fossé détecté à l’est du bâtiment 1 (chap. 3.5.3, fig. 86.A2). Un poteau double (fig. 174.19) appartenait soit à la façade sud du bâtiment léger D5a, soit à la paroi nord de l’édifice D5b, lors de la phase 4. On constate d’ailleurs dans ces portions des deux constructions des lacunes de structures (fig. 140, D5a et D5b). L’oubli du positionnement exact de cet aménagement lors de la fouille est responsable de cette imprécision.

Piste de chantier M1 M2 M3 M4 1 4 2 VP 3b 3a M5 M6 M7 Route VP 462,00 461,00 1 0 50 m N Fragments de tuiles

Fig. 173. Alle, Pré au Prince 2. Coupe de la via privata (VP). En noir, le lit de tuiles.

316 Lenz-Bernhard 1988, fig. 1. 317 Lhomme et al. 2007, p. 78-79.

Il faut encore mentionner quelques cas isolés. La base d’un poteau au sud du site (fig. 174.20) est peut-être attribuable à la phase 1 ; un piquet (fig. 174.5), peut-être relatif aux phases 1 à 3, a été relevé dans la partie ouest du bâtiment 3 alors qu’un autre poteau (fig. 174.18) occupe l’angle sud-est du même édifice ; cette structure a dû être implantée lors des phases 3 ou 4. Enfin, au nord-ouest du site (fig. 174.2), les fouilleurs ont mis en évidence une petite accumulation de cailloux calcaires (certains étant marqués par le feu) et de fragments de tuiles, mêlés à quelques charbons de bois et graines carbonisées (non déterminées). Tous ces éléments ont été déposés à même le sol de l’époque, formant une figure au contour cruciforme (fig. 175). La raison d’être de cet aménagement reste inexpliquée ; peut-être s’agit-il d’une sole destinée à recevoir un poteau ? Les matériaux en grande partie altérés par le feu ont

0 10 m N Bâtiment 2 Bâtiment 3 Bâtiment 1 1 Carrière 3 4 5 12 18 16 1514 11 17 13 10 6 8 7 9 20 19 F2 F1 F1 2 Empierrement F1

Fig. 174. Alle, Les Aiges, « phase » 1 à 4. Situation de la carrière (F2.1), de l’empierrement (F1.2) et des trous de poteau ou de piquet (F1.3-20). En fili-grane : bâtiments des phases 1 à 4.

vraisemblablement été prélevés dans les décombres d’un des greniers incendiés, celui de la phase 2 ou l’édifice de la phase 3. Cette structure a donc pu être construite entre les phases 3 et 4.

4.2.5.2 Carrière

A l’extrémité nord du site archéologique, à 50 m du bâtiment 3, on retrouve la pente déjà accentuée de l’extrémité orientale de l’anticlinal du Banné. Dans une tranchée de prospection est apparue une dépression à peu près semi-circulaire (env. 4,5-5 m de rayon) entaillant les bancs calcaires sur une épais-seur variant de 0,8 à 1,5 m. Cette anomalie est apparue sous une faible épaisseur de sédiments (0,30-0,40 m), stériles en vestiges archéologiques (fig. 174.1).

Cette structure est une petite carrière en front de taille enta-mant vers le haut les bancs calcaires du versant de la colline. Ceux-ci se superposent en strates régulières et épaisses de 0,1 à 0,3 m, marquant un faible pendage vers le nord-est (fig. 176). L’extraction du calcaire n’a pas laissé de traces dans la roche car outre les joints de stratification, des fissures verticales permettaient d’extraire des blocs assez réguliers sans effort particulier.

Ce creux a ensuite été remblayé avec divers matériaux, for-mant des lentilles (calcaires, rognons de silex, sédiments du site et même résidus de bois en décomposition). Des tuiles gallo-romaines fragmentées ont été prélevées dans ce comblement, mais mêlées de haut en bas avec des artefacts plus récents, d’époque moderne et contemporaine, tels que des morceaux de briques, de tuiles, des tessons de verre ou de la céramique gla-çurée en usage au XIXe siècle.

La dépression a sans doute été rebouchée en totalité dans les premières décennies du XXe siècle. Les travaux archéologiques effectués dans les environs ont par ailleurs mis en évidence des décharges de matériaux de construction ou d’autres objets, cer-tains datant même de la seconde moitié du XXe siècle, colma-tant des dépressions naturelles (dolines). Les agriculteurs ont par ailleurs confirmé ces pratiques récentes, effectuées dans le but d’aplanir et de viabiliser les terrains agricoles, modelés par un substrat karstique très irrégulier.

La stratigraphie et la typologie n’apportent donc aucun élément pour dater l’exploitation de cette petite carrière. Seule sa proxi-mité à 50 m des constructions en dur de l’établissement rural des Aiges, mais aussi à 150 m de la route romaine (fig. 172), rend vraisemblable une extraction de blocs calcaires à l’Epoque romaine. En effet, les constructions plus récentes dans les-quelles des éléments calcaires ont été utilisés, comme les fermes des environs, se trouvent à plus de 300 m de là. Il est toutefois difficile de savoir pour lequel de ces ouvrages de l’Antiquité les matériaux ont été extraits, le calibre des blocs convenant autant aux murs des édifices des Aiges qu’au hérisson constituant le corps de la route de Noir Bois.

La totalité de la dépression formée par la carrière n’a pas été entièrement vidée lors de la fouille, mais selon les limites per-çues de cette structure, on peut estimer le volume de calcaire extrait entre 35 et 45 m3. En considérant l’approximation maxi-male, cette quantité de matériau ne suffit même pas à ériger l’élévation d’un mur latéral du bâtiment 3 ; en considérant le mur 3, long de 17 m, large de 0,7 m et d’une hauteur supposée de 4 m, on atteint déjà un volume dépassant 47 m3. De même pour le hérisson de blocs de la route romaine, large de 6,5 m et d’une épaisseur de 0,25 m, le matériau extrait aurait permis de construire un tronçon de 27 m seulement. Il est donc certain que les ouvriers gallo-romains ont exploité les bancs calcaires de l’anticlinal du Banné à d’autres emplacements sur ses ver-sants nord et oriental, cette roche y étant le plus souvent acces-sible sous une faible épaisseur de sédiment.

Le calcaire constitue à l’évidence un matériau de construction abondant et accessible dans tout l’Arc jurassien. Son emploi dans les édifices privés et publics gallo-romains de cette contrée est généralisé ; la transformation de cette roche en chaux pour élaborer du mortier est bien attestée dans le canton du Jura par la découverte de nombreux fours, datés de l’Epoque romaine 318.

De manière générale en Suisse, l’exploitation antique de car-rières est peu documentée, en raison de la difficulté de dater ce type d’activité lorsque l’extraction s’est prolongée au-delà de l’Epoque romaine, effaçant tout ou partie des traces des travaux antérieurs 319. Bien que pressentie comme une activité économique importante des villas, les fouilles archéologiques n’ont que rarement mis en évidence les vestiges d’extraction de roches sur l’établissement même ou son fundus, comme cela est pressenti à Chavannes-le-Chêne (VD) pour la production de meules en grès, à proximité de la villa d’Yvonand, La Baume 320. En Picardie 321, des carrières de calcaire dolomitique sous forme de dépressions multi-alvéolaires sont toutefois men-tionnées dans la partie rurale de la villa de Verneuil-en-Halatte, Le Bufosse ; une carrière de plan ovale à irrégulier apparaît dans celle de Béhen-Huchenneville, Les Grands Riots (Somme, F), probablement pour la production de craie.

Fig. 176. Alle, Les Aiges, « phase » 1 à 4. Vue de la petite carrière (F2.1) entamant les bancs calcaires en front de taille.

318 Othenin-Girard 2007, p. 229-237 ; Légeret 2005, p. 364. 319 Peter et al. 2002, p. 212.

320 Ibid., p. 174.

Le coût assez élevé que devait malgré tout représenter le transport terrestre de matériaux pondéreux dans l’Anti-quité 322 rend logique une extraction des roches destinées à la construction au plus près de leur lieu d’utilisation, a for-tiori lorsqu’elles sont disponibles sur place. La petite carrière d’Alle en est une illustration, que les blocs calcaires produits aient été utilisés pour les édifices de l’établissement rural ou pour la route romaine.

4.2.6 Phase 5

(390-570 ap. J.-C.)