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?Chemin foncier

4.2.4.2 Bâtiment 3, état 3

Aménagements de la halle principale (D1)

Après la destruction soudaine du deuxième état du grenier dans le troisième quart du IIIe siècle, le bâtiment 3 va être réoccupé pour la dernière fois jusque vers 350 (3e état, phase 4). L’espace interne de l’édifice, du moins dans sa partie ouest préservée (fig. 140, D1), va être réaménagé de manière plutôt opportu-niste pour y poser un nouveau plancher. Les ouvriers ont ins-tallé cette surface de circulation sur un terrassement constitué en grande partie de moellons calcaires provenant des murs de la bâtisse incendiée de la phase 3 (fig. 143 et 144) ; certains de ces moellons en remploi étaient d’ailleurs rougis par la chaleur de cet événement dévastateur. A côté de ces matériaux, on retrouve en quantité moindre des morceaux de mortier et des fragments de tuile dans une matrice composée des limons du site. L’épaisseur de ce remblai atteint en général une trentaine de centimètres ; à l’est, il s’amenuise peu à peu pour disparaître complètement, victime de l’érosion et de la récupération de matériaux (fig. 116 et 140). Vers le nord, ce terrassement a été l’objet de prélèvements de moellons après l’abandon du site, créant des différences de densité dans la répartition de ces élé-ments calcaires (fig. 143).

Fig. 141. Alle, Les Aiges, phases 3 et 4. Vue détaillée de la coupe 6, dans la halle ouest du bâtiment 3. De bas en haut, restes du plancher carbonisé et de la couverture de l’édifice après l’incendie (fin de la phase 3), puis remblai de moellons pour aménager le sol de circulation (phase 4).

M2 M3 M4 473,00 472,00 M1 D1 C1 1 2 3 4 Phase 4 Phase 3 Phases 3 et 4 M4 Tuiles fragmentées Bois carbonisé, plancher Fig. 142. Alle, Les Aiges, phases 3 et 4.

Coupe 6. Situation des couches archéolo-giques dans la halle ouest du bâtiment 3. Phase 3, C1 : restes d’éléments car-bonisés du plancher, surmontés de la couche de destruction (tuiles). Sur le sol, contre le bord interne du mur M4, dalle calcaire pour caler une lambourde du plancher. Phase 4, D1 : remblai de moellons et de mortier utilisé comme nouveau sol de circulation. 1 : humus ;

2 : limons de colluvions ; 3 : limons de

colluvions brunifiés à charbons de bois, creusés vers le haut de pente ; 4 : lœss du Pléistocène supérieur.

Pour les structures périphériques, leur attribution à cette phase 4 est plus délicate à établir. Certaines (fig. 140, D4, D6 et D7) sont en relation stratigraphique avec les murs externes du bâtiment 3 contre lesquels elles s’appuient, ce qui n’exclut toutefois pas une construction au plus tôt lors de la phase 3, après l’édification du bâtiment 3 et de ses deux dépendances. D’autres ne révèlent pas de lien direct avec l’édifice principal (D5a-b, D8).

L’appartenance à la phase 4 de l’ensemble des structures péri-phériques se fonde en partie sur le mobilier daté qu’elles rece-laient ainsi que, dans un cas, sur une datation 14C (chap. 4.4.5). Mais c’est aussi la composition de ces constructions annexes qui a été déterminante pour cette attribution. En effet, à une exception près (D5a-b), toutes possèdent un dénominateur commun représenté par les éléments qui constituent leur sol de circulation, à savoir un terrassement fait de matériaux de récupération comme des moellons calcaires, des fragments de tuiles et des morceaux de mortier. Selon toute vraisemblance, ceux-ci ont été prélevés pour la plupart dans la destruction du

En direction de l’est, le terrain sur lequel le bâtiment a été construit se caractérise par une accentuation de la pente natu-relle. Lors de la phase précédente, les constructeurs avaient aménagé les sols de la halle principale en trois terrasses étagées pour compenser cette déclivité : le sol de l’aile occidentale était plus haut que celui du passage central, lui-même plus élevé que celui de l’aile orientale (fig. 128). Dans la quatrième phase d’oc-cupation, cette disposition de l’espace principal en trois paliers n’a pas été reprise et il est possible que l’horizontalité de la sur-face de circulation ait plutôt été rétablie par un remblaiement de plus en plus important vers la partie basse. Toutefois, l’éro-sion et la récupération de matériaux intervenues dans la partie orientale du bâtiment rendent hypothétique la perception de l’aménagement du sol à cet endroit. Si la surface de circulation avait consisté en un unique plan horizontal, l’épaisseur des remblais dans la partie basse aurait atteint près de 2 m (fig. 115). Il se peut aussi que le sol de la partie orientale ait été disposé un peu plus bas, formant dans cette éventualité deux paliers dans l’aire de l’édifice. Une troisième possibilité peut être évoquée : seule la partie occidentale de la bâtisse, dans le haut de la pente, a été réaménagée. Cette proposition reste cependant peu pro-bable car l’annexe D3, au sud-est, est localisée en position basse et a été réoccupée lors de cette phase 4.

Dans le remblai, les ouvriers ont ensuite installé plusieurs ran-gées rectilignes formées de piles ou murets rectangulaires de longueur variable (entre 0,7 et 5,5 m) et disposés de manière plus ou moins parallèle dans l’axe transversal du bâtiment (fig. 140, M11 à M18). Le mode de construction de ces aménagements est assez simple et ressemble à celui des murs de l’édifice. Des moellons équarris forment des parements réguliers – larges de 0,65 à 0,8 m – entourant un blocage central constitué d’éléments de dimensions variées (fig. 145). Mais contrairement aux murs du bâtiment, ces aménagements sont en pierres sèches, aucun ciment n’a été utilisé pour en assembler les constituants. Cer-taines de ces piles ont été implantées plus ou moins profondé-ment dans les remblais déposés au préalable, parfois dans la couche de tuiles résultant de l’incendie survenu au terme de la phase précédente. Dans quelques cas, la base de ces construc-tions a même traversé le plancher carbonisé de cette occupation antérieure ; on constate ici que les parements des murets ont été calés dans des sillons creusés dans le sol naturel (fig. 146). Fig. 143. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue de la surface du sol réaménagé

dans la halle à l’ouest du bâtiment 3. A l’apparition, seules deux piles de pierres sèches sont décelables (M13) ; elles étaient destinées à recevoir un plancher.

Fig. 145. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue d’une pile de pierres sèches (M13) aménagée dans la halle ouest du bâtiment 3, constituant le support d’un plancher. Structure implantée dans les tuiles correspondant à la destruction par incendie du bâtiment 3 lors de la phase précédente.

Fig. 144. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue d’ensemble de la coupe 6, dans la halle ouest du bâtiment 3. Remblai de moellons calcaires sur la destruction des aménagements de la phase précédente.

Fig. 146. Alle, Les Aiges, phase 4. Sillons creusés dans le sol naturel, destinés à recevoir la base des piles de pierres sèches, reposant ici sur le sol du bâtiment 3 de la phase précé-dente. M13 M4 M3 M2 M13 M13

Il faut signaler qu’un certain nombre de ces piles étaient en partie détruites et très difficiles à mettre en évidence, puisque les moellons calcaires qui les constituaient se retrouvaient plus ou moins organisés dans un remblai constitué des mêmes éléments. Une fouille minutieuse a permis néanmoins de constater que ces murets comportaient plusieurs assises (jusqu’à 3 ou 4 constatées) dont les éléments se retrouvaient étalés latéralement (fig. 147). Les décapages ont aussi montré au moins deux temps dans l’implantation de ces structures, certaines se superposant en partie (fig. 140, M16 recouvrant M15) ou étant juxtaposées (M12 et M13) ; il faut aussi relever que certaines de ces rangées de piles ne sont pas parallèles. Il reste toutefois difficile de proposer des plans distincts pour chacun des stades de ce dispositif, d’autant plus que des ran-gées ont pu être réutilisées lors des deux étapes et que les des-tructions postromaines ont sans doute oblitéré plusieurs de ces structures.

Le but de ces murets en pierres sèches était de supporter un plancher, dont les éléments n’ont pas été conservés, au-dessus d’un vide sanitaire. L’existence d’un sol d’une autre nature

doit être écartée ; aucun élément de dalle de suspensura n’a par exemple été mis en évidence. A la phase 4, le principe de construction de ce sol en bois ne varie pas beaucoup de celui de la phase précédente, la nouveauté étant constituée par les piles. Sur chaque rangée de ces structures, les ouvriers ont calé des lambourdes, recouvertes ensuite de manière perpendiculaire par les madriers du plancher. Par rapport à la phase antérieure, l’avantage de ce nouvel aménagement est que les lambourdes ne reposent plus sur le sol naturel et restent donc mieux préservées de l’humidité et des ravageurs du bois. L’horizontalité de la surface de circulation peut aussi être réglée en jouant sur le nombre d’assises des murets.

Ce type particulier d’aménagement de plancher a été reconnu dans plusieurs édifices de la parties rurale d’autres établisse-ments agricoles, parfois dans des bâtisses qui présentent un plan semblable à celui des Aiges. Ces bâtiments sont sou-vent interprétés comme greniers ou granges (chap. 4.2.4.8 et 4.2.3.3).

Une structure singulière a été établie en travers du mur 3 dont elle recouvre les fondations au niveau du sol de l’époque (fig. 140.3). Il s’agit d’un foyer en cuvette creusé contre le bord externe du mur 3, prolongé par un canal traversant ce mur et qui aboutit à l’intérieur de l’édifice sous forme d’une autre dépression ovale creusée dans les remblais (fig. 148 et 160.3). Cette structure fait penser à une installation de type

prae-furnium. Les utilisateurs cherchaient sans doute à amener

de la chaleur dans le local pour y assécher l’atmosphère (chap. 4.2.4.8).

Enfin, les fouilleurs ont observé deux trous de poteau creusés contre la face interne du mur 3, distants de 2,3 m (fig. 140.1-2 et 160.1-2). Ce sont les seuls témoins de la superstructure de la halle principale de l’édifice. Quelle était sa conception ? D’après les observations de terrain, rien n’indique que les murs détruits suite à l’incendie de la phase 3 ont été reconstruits en dur. En effet, les occupants du site ont réutilisé la majeure partie des moellons pour aménager des terrassements. De surcroît, les piles en pierres sèches du plancher affleuraient presque sous les colluvions qui scellaient les vestiges. Malgré la récupération de matériaux effectuée par endroits sur le bâtiment, il ne se trou-vait pas de véritable couche de destruction attestant la réalité de murs édifiés en dur ou de toiture recouverte de tuiles. Il est vraisemblable que les façades de l’édifice ont été construites en bois et en terre et que du chaume ou des bardeaux assuraient l’étanchéité du toit.

Les annexes (D2 et D3)

De même que l’espace principal de la bâtisse, les deux dépen-dances accolées à sa façade méridionale ont été réoccupées à la phase 4 (fig. 140, D2 et D3). Les ouvriers y ont établis de nou-veaux sols de circulation dont la pose a provoqué la destruction de celui installé dans ces deux locaux à la phase 3.

Après des creusements effectués surtout au pied de la face interne du mur 4, le terrain limoneux naturel a été recouvert par un remblai constitué de matériaux de construction recyclés. Ce dépôt apparaît plus régulier dans le local D3 avec l’étalement Fig. 147. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue d’une autre pile de pierres sèches

(M13) aménagée dans la halle ouest du bâtiment 3. Les moellons de trois

ou quatre assises se retrouvent étalés latéralement.

Fig. 148. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue en cours de fouille de la structure de combustion 3, probablement destinée à assécher l’air de la halle ouest du bâtiment 3. A droite : foyer externe contre le mur M3. Au milieu : conduit à travers le mur M3. A gauche : cuvette aboutissant dans la halle.

M13

Foyer M3

d’un lit de cailloutis calcaire surmonté d’une couche très com-pactée comprenant de petits fragments de tuiles et des mor-ceaux de mortier (fig. 149 et 151). Dans le local D2 en revanche, on observe une recharge hétéroclite composée de niveaux inter-calés et tassés, constitués de fragments de tuiles, de cailloutis, de morceaux de mortier et de sédiments argileux du site (fig. 150 et 152). Parmi ces matériaux étalés sans organisation, les déca-pages ont toutefois révélé des alignements de blocs calcaires le long des bords internes des murs 5 et 6 (fig. 153). Les fouilleurs ont aussi observé par endroits des empreintes rectilignes de sédiment limoneux se démarquant dans les remblais, parfois avec des blocs de calage sur les bords (fig. 154) ; ces marques étant disposées de manière parallèle et perpendiculaire. Dans l’annexe D2, ces aménagements témoignent de l’implantation de lambourdes destinées à supporter un plancher. Dans l’an-nexe D3 par contre, aucun élément n’indique la présence d’une telle installation de sol ; il est probable que le niveau très com-pacté de fragments de tuiles et de mortier ait servi de surface de circulation.

En ce qui concerne l’élévation et la couverture de ces deux locaux, on retrouve une situation identique à celle relevée dans la halle principale. Pour la restitution des parois de ces deux dépendances, la solution proposée est aussi l’utilisation de bois et de terre alors que du chaume ou des bardeaux ont pu garantir l’étanchéité de la toiture. Les seuls éléments concrets de la superstructure de ces pièces sont représentés par trois et deux trous de poteau mis en évidence respectivement dans les annexes D2 et D3 (fig. 140.4-8 et 160.4-8). Peu implantés dans les remblais (fig. 155), ils devaient fournir un soutien à la char-pente. Leur répartition ne révèle pas d’organisation régulière, mais la présence d’un dé formé de plaquettes calcaires dans l’annexe D2 (fig. 140, Pi et fig. 156) laisse supposer d’autres sup-ports verticaux. De surcroît, certaines de ces structures ont pu échapper à l’attention des fouilleurs du fait de leur faible pro-fondeur et de la difficulté à les repérer dans un terrassement de nature hétéroclite. Dans le local D3, l’érosion et des perturba-tions récentes dues à des travaux de génie civil ont effacé tout aménagement superficiel.

Phase 4 Phase 3 Phases 3 et 4

Bois carbonisé, plancher Récupération de mur M2 M3 M4 M1 471,00 470,00 472,00 M6 M5 3 4 D3 1 C3 C5 M4

Fig. 149. Alle, Les Aiges, phase 4. Coupe 2. Situation des couches archéologiques dans l’annexe D3 du bâtiment 3. D3 : niveau de cailloutis calcaire surmonté de fragments de tuiles ; C5 : remblai résultant du creusement des fondations du mur M4, surmonté de cailloutis (niveau de travail du mur) (phase 3) ; C3 : remblai, puis niveau de travail du mur M4, surmontés d’un résidu de plancher et de tuiles (phase 3). La partie supérieure du mur M4 a fait l’objet de récupération de blocs. 1 : humus ; 3 : limons de colluvions brunifiés à charbons de bois ; 4 : lœss du Pléistocène supérieur ; socle calcaire.

Phase 4 Phase 3 Phase 2 Phases 3 et 4 472,00 473,00 M2 M3 M4 M1 M5 M4 2 3 1 4 D2 C4 C4 B3 D2

Fig. 150. Alle, Les Aiges, phase 4. Coupe 7. Situation des couches archéo-logiques dans l’annexe D2 du bâtiment 3. D2 : remblai formé de matériaux divers (limons argileux, fragments de tuiles, cailloutis calcaire), surmonté d’une couche de destruction (limons, fragments de tuiles et éléments cal-caires) ; C4 : remblai résultant du creu-sement du mur M4 (limons argileux) puis cailloutis calcaire (niveau de travail du mur) (phase 3) ; B3 : reste de couche archéologique (phase 2). 1 : humus ; 2 : limons de colluvions ; 3 : limons de col-luvions brunifiés à charbons de bois ; 4 : lœss du Pléistocène supérieur.

Fig. 151. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue détaillée de l’aménagement de sol de l’annexe D3 du bâtiment 3. A la base : blocs et cailloutis calcaire, puis fragments de tuiles et morceaux de mortier compactés.

Fig. 154. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue d’une empreinte de lambourde dans le sol de l’annexe D2 du bâtiment 3, destinée à recevoir un plancher.

Fig. 152. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue de la coupe 7 avec la couche

archéo-logique dans l’annexe D2 du bâtiment 3. Fig. 155. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue des trous de poteau 5 et 6 dans l’annexe D2 du bâtiment 3.

Fig. 153. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue de l’annexe D2 du bâtiment 3. Le long du bord interne des murs M5 et M6 : alignements discontinus de

blocs calcaire (flèches), destinés à caler les lambourdes d’un plancher. Fig. 156. Alle, Les Aiges, phase 4. Vue d’un dé formé de plaquettes cal-caires dans l’annexe D2 du bâtiment 3. M4 M6 M5 M3 M7 6 5 M4