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?Chemin foncier

4.2.3.2 Bâtiment 3, état 2

Le deuxième état du bâtiment 3 est caractérisé par l’adjonction de deux annexes contre la façade méridionale (fig. 118, C4 et C5). Les murs latéraux externes de chaque annexe (M5 et M9) ont été tracés dans le même axe que ceux de l’édifice qu’ils

prolongent, respectant de ce fait son plan en parallélogramme. Mais leurs murs latéraux internes (M7 et M10) rejoignent cette fois perpendiculairement le mur sud de la bâtisse (M4), aboutis-sant aux extrémités du seuil aménagé à cet emplacement (SE1). Cette disposition a permis de respecter l’orientation du passage qui traverse l’édifice de manière perpendiculaire dans son axe transversal, entre les deux seuils.

La surface totale couverte par ces deux locaux annexes de plan trapézoïdal représente respectivement 76 m2 (surface interne : 61,5 m2) pour celui à l’ouest et 90 m2 (surface interne : 73 m2) pour celui édifié à l’est. Ce déséquilibre résulte du fait que le seuil dans la façade sud du bâtiment (SE1) a été décalé vers l’ouest pour inscrire le passage transversal de façon perpendi-culaire (C2) dans le plan parallélogramme de l’édifice. Le seuil opposé a quant à lui été placé au milieu du mur longitudinal nord (SE2).

Les observations faites en fouille démontrent que les murs laté-raux de ces pièces additionnelles ont été appuyés contre celui constituant la façade méridionale du bâtiment. Cette disposi-tion apparaît clairement pour l’annexe C4 (fig. 125, 133 et 134) Fig. 130. Alle, Les

Aiges, phase 3. Vue des lambourdes dis-posées parallèlement sur le sol naturel et destinées à recevoir les madriers du plan-cher, dans la halle C1 du bâtiment 3.

Fig. 131. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue de planches carbo-nisées du plancher dans la halle C1 du bâtiment 3.

Fig. 132. Alle, Les Aiges, phase 3. Reconstitution en coupe de l’aménage-ment du plancher dans la halle C1 du bâtiment 3, contre le mur M2. 1 : niveau de sol d’Epoque romaine ; 2 : sablière basse ; 3 : plancher ; 4 : bloc de calage ;

5 : fondations ; 6 : assises de réglage des

fondations ; 7 : assises d’élévation.

2 4 6 7 5 M2 3 1 0 50cm M2 N 0 10m

et, pour l’annexe C5, de manière moins démonstrative en raison de la récupération de matériaux, ainsi que de la construction d’une piste de chantier récente (fig. 135 et 136).

Les fondations des murs de ces annexes sont du même type que celles du bâtiment 3. Etablies en tranchées aux parois verticales, elles comprennent un blocage d’éléments calcaires surmonté de deux assises de réglage en opus caementicum au niveau du sol (fig. 137). Le mur latéral disposé dans la pente de l’annexe C4 (fig. 118, M7), ainsi que l’angle qu’il forme avec le mur longitudinal de ce local (M6), a été renforcé par des blocs d’assez grandes dimensions. Ces blocs équarris forment le pare-ment externe des assises de réglage alors que ceux disposés à l’intérieur sont de taille plus restreinte (fig. 138). Ce soutien s’apparente à celui aménagé sur le mur 2 longitudinal nord de l’édifice, aussi établi face à la pente, alors que le mur 1, qui devait supporter un maximum de charge, a lui été consolidé par trois contreforts. En ce qui concerne l’élévation, il n’en reste au mieux que deux assises.

Toutefois, quelques différences apparaissent dans la concep-tion des murs des deux annexes par rapport à ceux de la bâtisse principale. En premier lieu, le blocage de leurs fondations est

disposé sans ordre apparent. Ensuite, la largeur des assises de réglage (0,95-1 m) est presque identique à celle des fondations (1 m), ne formant presque pas de ressaut par rapport à ces der-nières. Enfin, la largeur des niveaux en élévation (0,62-0,66 m) est inférieure à la largeur relevée sur les assises du bâtiment (0,7-0,75 m).

Il se dégage ainsi l’impression que ces deux locaux n’ont pas été édifiés dans la même étape de construction que l’édifice qu’ils complètent. Le mobilier céramique recueilli dans le contexte des deux annexes ne fournit pas d’indication assez précise pour déterminer le moment de cette extension (chap. 4.4.4). Elle a dû intervenir un certain temps après l’édification du corps de la bâtisse, en fonction de 180/200 à 250/275.

Fig. 133. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue de la face externe du mur M3 (à gauche) avec ajout ultérieur du mur M5 (à droite) de l’annexe C4 du bâti-ment 3.

Fig. 134. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue du mur M4 et du seuil SE1, partiel-lement préservés et à l’arrière, ajout ultérieur du mur M7 de l’annexe C4 du bâtiment 3.

Fig. 135. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue du mur M10 de l’annexe C5 au bâti-ment 3, complète-ment récupéré après abandon du site.

Fig. 136. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue de l’intersection des murs M1 et M4 du bâtiment 3 et d’un petit tronçon du mur

M9 de l’annexe C5,

presque totalement détruit par les rem-blais d’une piste de chantier. M3 M5 M7 M4 SE1 M10 M1 M9 M4

Il n’est pas non plus possible de déterminer le type de sol sur lequel les utilisateurs des annexes ont circulé (plancher, terre battue ?). Celui-ci a en effet été complètement effacé (creusements et remblais) par l’aménagement de nouvelles surfaces de circulation lors de la phase d’occupation ultérieure (chap. 4.2.4). Cette intervention tardive a aussi entraîné un mélange important du mobilier des quatre phases qui se sont succédé à cet emplacement, déplaçant les objets de leur position stratigraphique originelle. Quelque soit leur nature, les surfaces de circulation de ces locaux additionnels forment aussi des paliers adaptés à la configuration pentue du terrain ; le sol du local C4, en haut de pente, est le plus élevé de l’ensemble du bâtiment, surplombant de plus d’un mètre le plancher établi dans la partie orientale de l’édifice. Les sols des cinq espaces composant le bâtiment 3 de la phase 3 se situent ainsi tous à une altitude différente (fig. 128).

4.2.3.3 Interprétation

La réunion de l’ensemble des informations archéologiques fait ressortir une fonction dominante à ce grand bâtiment : le stoc-kage des récoltes. Son plan et ses différents espaces internes, aménagés en terrasses, ont dû être adaptés à la déclivité du ter-rain. En comptant les dépendances, la surface totale de cette construction atteint 710 m2 (C1-C3 : 544 m2 ; C4 : 76 m2 et C5 : 90 m2). Les produits des cultures ont été entreposés dans les deux ailes réparties de part et d’autre d’un passage central ; le rôle des deux annexes construites plus tard devait être différent. Lors de cette troisième phase d’occupation, entre 180/200 et 250/275, l’édifice constitue la seule construction mise au jour d’un domaine agricole dont les autres composantes sont sans doute localisées au-delà de l’aire fouillée.

Grenier

Les témoins attestant un stockage de récoltes sur un plancher avec vide sanitaire proviennent de la partie occidentale de la bâtisse (chap. 6.2, fig. 270), car le sol de la partie orientale a été presque totalement détruit par l’érosion. Par chance, une petite surface préservée a révélé qu’un plancher y avait été aménagé, lui aussi destiné à l’entreposage des récoltes. Quant aux deux annexes, leur surface de circulation a été remaniée en profon-deur par l’occupation ultérieure.

En considérant le nombre de restes déterminés (chap. 6.2, fig. 272), les céréales constituent 90 % des réserves, les 10 % res-tant sont représentés par les légumineuses (surtout des lentilles, puis des fèves). Au sein des céréales, l’orge apparaît de manière prépondérante (55 %), suivie du blé (20 %, parmi lequel se dis-tingue le blé nu et l’épeautre), puis du millet commun (12 %), de l’avoine (11 %) et enfin du seigle (2 %). Des espèces comme l’engrain, l’amidonnier et le millet des oiseaux sont ici absentes. Lors de l’incendie qui a causé la destruction du bâtiment de la phase 3, la toiture s’est effondrée, scellant en quelque sorte ce qui était stocké. Les aménagements ultérieurs du bâtiment 3 (état 3, lors de la phase 4 ; dépliant) n’ont que peu altéré le plan-cher de la phase 3 et les grains qui y étaient entreposés. De ce fait, la position du matériel archéologique reflète sa situation réelle peu avant cet événement tragique. Toutefois, avant l’ef-fondrement du toit, une bonne partie des récoltes stockées sur le plancher a dû partir en fumée.

Certains des échantillons analysés révèlent un entreposage différencié des espèces cultivées ; on distingue en particulier l’échantillon 73 (chap. 6.2, fig. 270) au nord de l’édifice, com-posé avant tout de millet et d’un peu de légumineuses. Au sud, vers le passage central, deux prélèvements proches (chap. 6.2, fig. 270.320 et 374) montrent une composition assez homogène, avec une prépondérance de l’orge (respectivement 79 % et 67 %), suivie de l’avoine (11 % et 10 %) et de légumineuses (9 % et 19 %). Autre caractéristique, ces deux échantillons contiennent une part importante d’objets carbonisés non identifiés (OCNI), pou-vant résulter de préparations culinaires ou de nettoyage par le feu de céréales, cette dernière possibilité étant la plus vraisem-blable dans le contexte d’un grenier. Il est intéressant de noter que ces caractéristiques ressemblent à celles relevées en par-ticulier dans deux stocks juxtaposés et bien préservés issus du grenier de la phase précédente, dont la composition associant, outre ces OCNI, principalement de l’orge et de l’avoine, avec des légumineuses ou d’autres céréales en part moindre, résulte sans doute d’un acte délibéré (chap. 4.2.2.5).

Entre ces deux édifices de stockage successifs, on constate quelques variations dans les proportions des espèces végé-tales entreposées (en pourcentages selon le nombre de restes) ; Fig. 137. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue de la face interne du mur M6, dans

l’annexe C4 du bâtiment 3. Fig. 138. Alle, Les Aiges, phase 3. Vue des murs M6 et M7 de l’annexe C4 du bâtiment 3. De gros blocs de soutien ont été disposés à la base du bord externe de ces murs vers le bas de pente.

M7

la part des légumineuses par rapport aux céréales est plus importante à la phase 3 (10 %) que précédemment (1,8 %). Lors de la phase 2, l’orge dominait nettement (86 %) les stocks avec l’avoine (11 %), laissant loin derrière le blé et le seigle (2,7 % ensemble). Lors de la phase 3, l’orge reste la céréale la plus représentée (55 %) mais de façon moins nette qu’auparavant ; le blé (blé nu et épeautre : 20 %) et le millet cultivé (12 %), une espèce très discrète en phase 2, prennent la place au préalable occupée par l’avoine qui reste cependant toujours présente (10 %). Une autre petite différence se marque, puisqu’en phase 3 les stocks entreposés paraissent dans leur ensemble un peu moins bien nettoyés ; l’échantillon 55, avec une part de 68 % de mauvaises herbes, est à ce titre démonstratif (chap. 6.2, fig. 283). Autres activités ?

Hormis la fonction évidente de stockage des récoltes, les autres catégories de mobilier reflètent-elles des activités différentes dans l’ensemble de l’édifice ? Dans le local C1 du bâtiment 3, on retrouve, concentrés sur une surface restreinte, les tessons de quelques récipients, en bordure du passage central (fig. 139). Ces quelques vases (fig. 207.262,264 ; fig. 211.308 ; fig. 217.381) étaient peut-être rangés sur une étagère et ont pu servir de temps à autre à étancher la soif et à sustenter les ouvriers tra-vaillant dans le grenier.

Pour le reste, on ne relève que très peu d’ossements (36 frag-ments) attribués à la phase 3 (chap. 7.2.3), concentrés au sud du local C1, vers le passage central (chap. 7.2.3, fig. 302). Ces restes se rapportent à trois individus de la triade domestique (bœuf, porc, caprinés).

L’incendie qui a ravagé le bâtiment 3 s’est manifesté de manière moins violente dans les deux dépendances. Malgré des placages de charbons de bois constatés par endroits dans ces pièces, les fouilleurs n’y ont pas observé la moindre trace de graines carbo-nisées : cela est sans doute lié au fait que le local ne servait pas à l’entreposage des récoltes. L’annexe disposée à l’ouest (C4) n’a pas trop été affectée par les destructions postromaines, mais le mobilier relatif à la troisième phase a été remanié par des travaux à la phase suivante, de sorte que seuls quelques vases datés dans la plage chronologique de cette étape d’occupation peuvent être retenus ; ils appartiennent au service de table et dénotent la consommation de boissons et d’aliments (fig. 207.265,267; fig. 211.309 ; fig. 220.415).

Ces quelques éléments plaident en faveur d’une utilisation de ces locaux complémentaires comme remises ou abris provi-soires du personnel, mais rien n’indique qu’ils aient été le siège d’une résidence permanente des ouvriers du domaine.

Chronologie

De manière générale, le peu de mobilier disponible (quelques récipients) ainsi qu’une datation 14C (UA-33154, calibrée à 1 : 230-350 ap. J.-C.) placent cette troisième occupation des Aiges entre 180/200 et 250/275 (chap. 4.4.4) ; ce résultat s’appuie également sur les repères chronologiques plus nombreux mar-quant la fin de la phase antérieure et le début de l’étape sui-vante. De surcroît, le moment de l’édification des deux dépen-dances sur la façade sud du bâtiment 3, marquant le deuxième état de l’édifice, ne peut pas être défini de manière précise ; des observations indiquent toutefois que cette adjonction est intervenue dans un second temps au cours de la phase 3 et qu’elle n’a pas été réalisée lors de l’étape initiale de construc-tion de l’édifice.

Bâtiment de stockage d’un établissement rural

Le plan en parallélogramme du bâtiment 3 représente une adaptation particulière et locale par rapport à un problème de déclivité du terrain. De manière courante, ce type de construc-tion avec deux annexes latérales délimitant un passage central montre une configuration carrée ou rectangulaire. L’espace entre les dépendances a pu être surmonté d’un toit, constituant un porche d’accès couvert 274. Dans le centre de la France, ou dans les Ardennes belges, par exemple, il est intéressant de noter que ce modèle courant d’édifice agricole gallo-romain a perduré jusqu’à l’époque contemporaine 275. Ce type de bâtisse est en effet très répandu, parfois en plusieurs exemplaires, dans les parties d’exploitation des établissements ruraux de Gaule, y compris sur territoire helvète 276, qu’ils soient de plan axial

C4 C1 C2 Erodé Erodé 0 10 m Terre sigillée

Céramique à revêtement argileux Cruche

Pâte claire, sombre et tradition La Tène

Trou de poteau, fosse 0 5m

N

N C3

C5

Fig. 139. Alle, Les Aiges, phase 3. Répartition des tessons de céramique dans la halle ouest (C1) du bâtiment 3. Dans la halle C3 à l’est, le niveau archéologique était presque totalement érodé ; le sol des annexes C4 et C5 a été profondément bouleversé par les aménagements de la phase 4.

274 Gaston 2008.

275 Pilon 2003, p. 179 ; Ferdière 1988, p. 72 ; dans les Ardennes : Matthys 1974. 276 Ferdière 1988, p. 72.

ou dispersé ; on en retrouve aussi en zone rhénane dans des villas du sud-ouest de l’Allemagne, voire plus au nord. A titre d’exemple, on peut mentionner sur le territoire français les villas de Paudy (Indre, F) 277, et de Noyers-sur-Serein (Yonne, F) 278, au Luxembourg celle d’Echternach 279 et en Suisse, celle d’Obe-rentfelden, Muracher (AG) 280. En Allemagne, dans le Bade-Wurtemberg, on retrouve des édifices similaires notamment à Reutlingen, Burg bei Altenburg 281, à Sachsenheim-Grosssach-senheim, Holderbüschle (Ludwigsburg, D) 282 et de même en Rhénanie du Nord-Westphalie sur deux établissements ruraux, à Niederzier V et VIII 283.

Pour ce type de bâtisse de plan plutôt standardisé et largement répandu, comprenant un grand local flanqué de deux pièces – parfois davantage – sur la façade principale, la fonction la plus souvent évoquée est celle de grange ou de grenier. Toutefois, il est parfois fait mention d’autres activités comme la boucherie, le fumage ou le travail de forge 284. L’entreposage de grains n’est attesté que dans quelques cas seulement, par exemple à Selongey, Les Tuillières (Côte-d’Or, F) 285 ou à Mamirolles, Sur Chêne (Doubs, F) 286 par des restes de céréales, de foin ou de paille, conservés par carbonisation lors d’un incendie de l’édi-fice. Il en va de même à Crain (Yonne, F) 287, mais ce cas est différent, la présence d’un foyer et de nombreux objets domes-tiques, ainsi que celle d’une étable dans une partie de la pièce principale, en faisant un bâtiment multifonctionnel et non une structure uniquement destinée au stockage.

Il s’agit en fait d’un type de bâtiment que C. Gaston appelle la grange normalisée et que l’on retrouve un peu partout avec des constantes architecturales. En tant que construction standar-disée, elle n’a pas de fonction unique 288.

L’entreposage de récoltes est aussi fréquemment évoqué lorsqu’on retrouve dans le local principal des murets ou dés de pierres, espacés de manière rectiligne et parallèle, inter-prétés comme supports d’un plancher sur vide sanitaire, sur lequel on a entreposé les grains. Ce mode d’aménagement de sol a par ailleurs été mis en place dans le bâtiment 3 des Aiges (état 3) lors de la quatrième phase d’occupation des lieux (chap. 4.2.4).

Lors de la phase 3 des Aiges, la conception du plancher suré-levé de la grande halle du bâtiment 3 est cependant assez simple et consiste en planches ajustées sur des lambourdes ou madriers posés au sol. Ce type d’aménagement a dû être mis en œuvre fréquemment dans des édifices de plan similaire utilisés comme greniers, mais en l’absence d’un incendie provoquant une carbonisation, puis un scellement rapide du plancher par les tuiles de la toiture, les chances que cette structure fragile se conserve et puisse être repérée sont minces. Une autre possi-bilité de conservation peut être assurée lorsque le plancher est recouvert d’eau peu après l’abandon du bâtiment. C’est le cas à Strasbourg, Rue de la Mésange 289, dans un contexte d’habitat civil de terre et de bois édifié à proximité d’un camp militaire vers la fin du Ier siècle et le début du IIe siècle ap. J.-C. Dans cer-taines pièces d’habitations rectangulaires, les archéologues ont dégagé des portions de plancher en tout point identique à celui mis en évidence aux Aiges.

Le grenier d’Alle de la phase 3 se distingue de la majorité des édifices de configuration similaire repérés sur d’autres éta-blissements ruraux par des dimensions plus importantes. En comptant les annexes, les façades du bâtiment des Aiges mesu-rent hors-tout 33 x 23,5 m, alors qu’en général, on observe des bâtisses de 10 et 20 m de côté, en particulier celles reconnues en France 290. Cependant, quelques exemplaires s’apparentent davantage au grenier des Aiges de la phase 3 par leurs mesures plus grandes (entre 20 et plus de 30 m de côté). Ces cas se retrou-vent plutôt en Allemagne, par exemple à Reutlingen, Burg bei Altenburg 291 ou à Bietigheim-Bissingen, Weilerlen (Ludwigs-burg, D) 292 ainsi qu’au Luxembourg, sur la villa d’Echternach 293. Aux Aiges, le bâtiment 3 avait une capacité de stockage impor-tante ; mais dans d’autres établissements ruraux, si les édifices du même type sont plus modestes, il s’en trouve parfois en plu-sieurs exemplaires (p. ex. à Noyers-sur-Serein 294 et à Oberent-felden 295). La vision trop partielle du domaine agricole d’Alle ne permet pas de savoir si d’autres bâtiments de stockage exis-taient sur le domaine.

Organisation de l’établissement rural : hypothèses

Difficile aussi, à partir d’une seule construction appartenant à la pars rustica d’un établissement rural, de définir l’organisation spatiale de ce dernier. Mais comme constaté au préalable pour les aménagements de la phase 2, aucun dispositif de clôture n’a été relevé à l’arrière du bâtiment 3 (façade au nord), ce qui laisse envisager que les édifices composant la villa de la phase 3 res-tent disposés selon un plan dispersé. Ce type d’établissement rural, par rapport à ceux de plan axial, correspondrait en Gaule nord-occidentale plutôt à des exploitations agricoles petites ou moyennes 296 ; dans l’est de la Gaule et dans les Germanies, la plupart des villas petites et moyennes se caractérisent plutôt par une répartition hétérogène et éparpillée de leurs construc-tions dans un enclos, alors que les plus grandes se signalent en général par une organisation axiale homogène autour d’une cour rectangulaire 297. 277 Ferdière 1988, p. 167. 278 Ibid., p. 178. 279 Metzler et al. 1981, p. 161-167. 280 Drack 1975, fig. 1, p. 50. 281 Wilhelm et al. 1994, p. 194. 282 Stork 2005, p. 303. 283 Van Ossel 1992, p. 210 et 215. 284 Gaston 2008.

285 Olivier et Reymondon 1990, p. 124; Ruellet 1990. 286 Joan 2003, p. 328. 287 Bonneau 1977, p. 118-120. 288 Gaston 2008. 289 Baudoux et Cantrelle 2006, p. 67 sq. 290 Ferdière 1988, p. 73. 291 Wilhelm et al. 1994, p. 194. 292 Balle 2005, p. 42. 293 Metzler et al. 1981. 294 Ibid., p. 178.3. 295 Drack 1975, p. 50. 296 Ebnöther et Monnier 2002, p. 143. 297 Collart 1996, p. 152.

L’emplacement des autres bâtisses du domaine peut être sup-posé notamment d’après la situation topographique des lieux. Une implantation de bâtiments dans un quadrant allant du nord-ouest au sud-est du site est improbable car ce secteur est marqué par la pente assez prononcée de l’extrémité orien-tale de l’anticlinal du Banné. Au-delà se trouvent l’autoroute et la route cantonale dont les travaux ont fait l’objet d’une surveillance archéologique, qui n’ont pas permis la décou-verte d’autres édifices gallo-romains (fig. 97). En revanche, la zone localisée au sud et au sud-ouest du bâtiment 3 et de son prédécesseur le bâtiment 2 est marquée par un replat. Les constructeurs de ces greniers successifs n’ont pas profité de