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?Chemin foncier

4.2.2.4 Constructions sur poteaux

A quelques mètres au sud et au sud-ouest du bâtiment 2, sur une zone assez plate (fig. 98, B3), on retrouve dans une situation stratigraphique identique la couche archéologique déjà perçue dans cet édifice. Ce niveau (fig. 157, B3) est en effet inséré entre les limons naturels à charbons de bois (couche 3) et, au-dessus, les terrassements relatifs aux aménagements gallo-romains ultérieurs des phases 3 et 4 (fig. 157, C4 et D4). Il faut noter qu’avant l’installation, le sol a été aplani par l’enlèvement de sédiment dans la partie haute. La nature du niveau archéolo-gique est assez semblable à celle du bâtiment 2, puisque dans une matrice limoneuse à charbons de bois, on constate la pré-sence de tessons de céramique, de tuiles altérées par le feu, de clous de construction, de graines carbonisées et d’ossements de faune ; quelques scories ferreuses sont en outre disséminées au nord de cette surface. Cette couche se prolonge vers le sud, où l’on retrouve encore du mobilier, jusqu’au-delà des limites de fouille.

Dans cette zone aplanie, neuf trous de poteau et de piquet ont été détectés au contact inférieur de l’horizon archéologique (fig. 98.21-24,26-30). Tout au sud, quelques-uns d’entre eux montrent un semblant d’organisation ; on y décèle notamment trois poteaux ordonnés de manière rectiligne et un quatrième en retrait, perpendiculaire à l’alignement (fig. 98.23,24,26,29). Le diamètre des fosses atteint 40, 50 et 80 cm mais les empreintes de ces supports ne sont pas perceptibles, certains étant toutefois calés par des cailloux calcaires (fig. 106.23,26). Fig. 107. Alle, Les Aiges, phase 2. Vue du trou de poteau 10, recoupant le

solin S3 du bâtiment 2. Les pierres de calage du poteau ont été récupérées dans les assises du solin.

Une réfection identique a aussi été effectuée sur la paroi est de l’appentis B2. Quelques poteaux appartenant à cette construc-tion ont été appuyés à l’origine contre la façade sud du bâti-ment principal B1 (fig. 106.11,12,13,15). Celui disposé à l’est (fig. 106.15) a été arraché et, après comblement de sa fosse, remplacé par un nouveau support (fig. 106.14), constituant à la fois l’angle sud-est de la bâtisse B1 et un appui pour la paroi orientale de l’appentis B2. Plus au sud, une opération semblable a été effectuée ; un autre poteau de cette paroi de l’appentis a été enlevé (fig. 106.19) et remplacé par un autre de dimensions plus importantes (fig. 106.20 et 108).

La cause de ce réaménagement s’explique sans doute par la position de cette façade orientale du bâtiment et de son appentis dans la reprise de la pente. La stabilité du bâtiment étant menacée par un affaissement de cette paroi, il a été décidé de lui assurer une meilleure assise en remplaçant un solin par des poteaux de grandes dimensions, solidement calés dans des fosses.

Il n’y a aucun élément concret qui permette d’assurer la data-tion absolue de ce troisième état du bâtiment 2. Seule la per-ception de la surimposition des réaménagements qu’a connus cette bâtisse démontre que cette réparation a été la dernière avant sa destruction, provoquée par un incendie dévastateur dans le dernier quart du IIe siècle.

Fig. 108. Alle, Les Aiges, phase 2. Vue en plan et vidange des trous de poteau

19 et 20, apparte-nant à l’appentis B2 du bâtiment 2. Le poteau 20 recoupe le 19. 10 S3 19 20 19 20

Dans l’aire occupée par ces quatre poteaux se trouvent encore le négatif d’un piquet ainsi qu’un aménagement particulier. Il s’agit d’un agencement rectiligne, conservé sur une longueur de 2,7 m, composé de couples de tuiles fragmentaires enfoncées dans le terrain et espacés entre eux ; parfois, un caillou calcaire remplace une tuile (fig. 109). La fonction de ce dispositif reste hypothétique (chap. 4.2.2.5), mais il est probable que ces tuiles enserraient et calaient au sol une planche mise sur chant ou du moins un élément en matière organique, dont la décomposition a donné au sédiment une coloration gris verdâtre.

A la périphérie de cet ensemble de structures, on observe quatre autres empreintes de poteaux dont la situation ne permet pas de reconstituer une quelconque construction (fig. 98.21,22,27,28) ; de surcroît, leurs dimensions apparaissent assez disparates puisqu’on observe au sud-est deux fosses d’implantation d’un diamètre de 0,7 et 1,1 m et au nord, deux autres structures dont l’emprise au sol mesure de 20 à 25 cm.

L’agencement de poteaux de la zone sud (fig. 98.23,24,26,29) désigne l’emplacement d’un édifice dont les autres compo-santes se situent hors de l’emprise de la fouille. Parmi les poteaux résiduels, les deux exemplaires les plus grands positionnés plus à l’est (fig. 98.27-28) font peut-être partie d’un second bâtiment dont la majeure partie de l’emprise s’étendrait elle aussi au-delà de la limite du chantier.

La chronologie des activités de cet espace B3 concerne à l’évi-dence l’ensemble de la phase 2, soit de 50/75 à 180/200 ap. J.-C. Ce constat repose sur les éléments typologiques recueillis dans ce contexte ainsi que sur un résultat 14C (chap. 4.4.3). Comme dans le bâtiment 2, quelques objets épars relatifs à l’occupation de la phase 1 figurent dans la même position stratigraphique que ceux de la phase 2, mais en nombre beaucoup plus res-treint. La partie nord de cette surface a été recouverte par le bâtiment 3 de la phase 3, au plus tôt à la fin du IIe siècle (fig. 98). Au sud, le terrain est resté à découvert jusqu’à l’installation d’un terrassement formé de matériaux de construction réutilisés, une opération réalisée lors de la phase 4, dans la seconde moitié du IIIe siècle (chap. 4.2.4.3, fig. 140, D4).

La prise en compte de l’ensemble des données archéologiques laisse entrevoir que cette surface B3 devait être davantage des-tinée à l’habitat que le bâtiment 2 contemporain, plutôt voué au stockage (chap. 4.2.2.5).

4.2.2.5 Interprétation

Le contenu archéologique des aménagements de cette phase 2 est assez explicite pour déterminer la fonction principale et les autres activités qui se sont déroulées dans le bâtiment 2 (B1) et son appentis (B2), ainsi que, plus au sud, dans un, voire deux édifices en bois (B3).

Grenier

Le bâtiment 2 a manifestement été utilisé comme grenier (chap. 6.2) ; les nombreux restes de plantes conservés grâce à un incendie attestent cette fonction de stockage, du moins dans les derniers temps précédant cet événement dramatique. Son mode de construction, avec des parois à claire-voie, devait assurer une bonne ventilation des récoltes stockées, mais de ce fait ne convenait pas à un local destiné à l’habitat. On retrouve aussi des restes de récoltes entreposées dans l’appentis, en par-ticulier dans sa partie est, la partie occidentale étant un espace permettant l’accès au bâtiment.

Ces deux pièces ont surtout servi au stockage de grains à même le sol naturel, composé de limons. L’incendie qui a permis leur conservation révèle avant tout les stocks existant peu avant cette destruction. Les récoltes identifiées comptaient d’abord (en nombre de restes) des céréales (98,2 %), puis des légumi-neuses (1,8 %, surtout des fèves et peu de lentilles). Parmi les céréales, l’orge domine nettement (86 % des restes), suivie par l’avoine (11 %), le blé (1,7 %, surtout du blé nu et de l’épeautre), le seigle (1 %) et enfin, de manière très discrète, par le millet (moins de 1 %).

A l’intérieur du bâtiment 2, au nord-ouest, se trouvent trois concentrations très denses de céréales, piégées dans des cuvettes circulaires à ovales aménagées dans le sol (fig. 98, 106.2,3,5 et 110). La raison d’être de ces dépressions peu profondes n’est Fig. 109. Alle, Les Aiges, phase 2. Construction sur poteaux B3. Vue d’un

agencement rectiligne formé de couples de fragments de tuile et de pla-quettes calcaires (25), servant probablement à caler verticalement un élé-ment en bois ; à côté, apparition du trou de poteau 26.

Fig. 110. Alle, Les Aiges, phase 2. Vue au premier plan du solin S2 du bâtiment 2, puis des fosses 2, 3 et 5, contenant de très nombreuses graines carbonisées, et du foyer 1. A l’arrière-plan, traces de paroi à claire-voie effondrée du bâtiment 2. 26 25 S2 3 5 2 1

pas claire ; peut-être existaient-elles déjà quand le grenier a été construit. Le stockage des céréales en tas, à même le sol, expli-querait ainsi pourquoi des végétaux se sont retrouvés piégés dans ces cuvettes (chap. 11.2.3.4).

La composition de deux de ces trois accumulations a été ana-lysée. Il s’agit de stocks nettoyés (peu d’adventices des cultures et de restes de battage), mais qui contiennent pourtant une grande proportion de grains carbonisés et agglomérés, non déterminables, appelés OCNI (objets carbonisés non identi-fiés). Ces derniers peuvent témoigner de restes de préparations culinaires, mais aussi de résidus du séchage et du nettoyage de céréales vêtues (chap. 6.2.3.3 et 6.2.4.2). A proximité immé-diate se trouve un foyer (fig. 98 et 106.1) ; cette structure et les trois concentrations de céréales appartiennent à une aire où les récoltes ont pu être ponctuellement séchées et nettoyées, la plu-part des éléments non désirés (tiges, balles) étant brûlés dans le foyer, certains grains trop carbonisés (OCNI) se retrouvant dans le stock de manière accidentelle. La cuisson de céréales en vue d’une consommation occasionnelle serait aussi envisageable. La présence d’un foyer proche d’une paroi de bois du bâtiment n’a pas été jugée dangereuse par les ouvriers ; mais on peut ima-giner une inattention, une mauvaise manipulation à cet endroit qui a peut-être provoqué l’incendie de l’édifice.

Les trois accumulations piégées dans des creux reflètent une réserve telle qu’elle était avant l’incendie ; elle n’a pas été per-turbée et n’a pas subi le mélange d’autres espèces végétales entreposées dans le voisinage. La composition similaire des deux plus grandes concentrations souligne une forte prédo-minance de l’orge (env. 80 %), associée à l’avoine (env. 19 %), le reste comprenant du froment, du seigle et des légumineuses. L’orge et l’avoine étant, sous nos climats, plutôt des semences d’hiver, il se peut que l’on soit en présence de réserves alimen-taires volontairement mêlées dans les champs (sorte de méteil), ou après la récolte. Cette association a peut-être été utilisée pour préparer des bouillies. Il faut aussi noter que les deux autres prélèvements localisés dans l’angle nord-ouest du bâti-ment 2 (chap. 6.2, fig. 269, 3a1 et 3a2) montrent une composi-tion et une proporcomposi-tion comparables de céréales, avec environ 90 % d’orge et 7 % d’avoine, le blé constituant les 3 % résiduels (chap. 6.2, fig. 272, 3a1 et 3a2).

Il est aussi probable qu’un stockage différencié ait été effectué dans ce grenier ; en effet dans l’angle sud-ouest de l’édifice ainsi qu’au milieu de l’appentis, on note une prédominance de fèves (chap. 6.2, fig. 280.264 et 454). A l’angle sud-est du bâtiment, c’est le seigle qui domine. Dans le local annexe, les stocks appa-raissent régulièrement bien nettoyés, avec une proportion de grains proche de 90 %, bien que là, la composition en espèces cultivées ne soit pas homogène d’un échantillon à l’autre. Activités de boucherie

A côté de cette fonction principale de grenier, d’autres opé-rations se sont déroulées ponctuellement pendant la longue durée de service de ce bâtiment et de son annexe (105-150 ans). Dans les angles sud-est des deux locaux, mais plus en particulier dans l’appentis, on remarque la présence de fragments osseux appartenant à la triade domestique (bœuf, porc, caprinés)

dont l’analyse démontre qu’il s’agit surtout de restes de bou-cherie ou de découpe de carcasses (chap. 7.2.2, fig. 294). Malgré l’incendie qui a complètement détruit ces deux locaux, peu d’ossements montraient des traces de carbonisation, ce qui suggère qu’ils ont été enfouis après leur rejet.

Activités de forge

Une petite quantité de déchets (calottes, scories, battitures) résultant d’activités de forge d’objets en fer provient du sol du grenier et de son annexe, mais aussi de la périphérie de ces constructions (chap. 9.2, fig. 347). L’étude de ces déchets démontre qu’une partie d’entre eux se distribue autour du foyer bordé des deux trous de poteau 8 et 9, au sud de l’édifice (fig. 98 ; chap. 9.2, fig. 347, Fy). Cette structure a pu être utilisée pour forger de petits objets à partir d’un fer déjà élaboré, mais cela sur une très courte durée. Le foyer à l’angle nord-ouest de la bâtisse comporte bien à sa périphérie des scories et des calottes, mais très peu de battitures. Dans ce cas également, on peut sug-gérer une utilisation comme foyer de forge, mais de manière opportuniste, voire unique.

La répartition des clous de construction découverts dans l’édi-fice montre qu’ils se concentrent en majorité vers les parois qu’ils ont servi à assembler ; on en retrouve toutefois autour des deux foyers, mais en faible quantité (fig. 111).

En définitive, il est certain que le bâtiment 2 n’était pas le siège d’une forge permanente ; il est par contre raisonnable d’en-visager l’utilisation des foyers pour la fabrication ponctuelle d’une série de clous, par exemple lors de la construction de l’édifice et de son appentis ou durant la réfection plus tardive de la façade orientale. S2 S4 S3 S1 B2 B1 SE B3 0 5 m Erodé Clou de construction Clou de chaussure Foyer

Trou de poteau, fosse

N

Fig. 111. Alle, Les Aiges, phase 2. Répartition des clous dans la couche archéologique des constructions B1, B2 et B3.

Autres activités ?

L’édifice a-t-il été un lieu d’habitat à un moment de son exis-tence ? Peu d’indices vont dans ce sens ; il faut mentionner en premier lieu son mode de construction, avec des parois à claire-voie et l’absence de compartimentage interne, mais aussi la prévalence partout des restes de récoltes. Dans le grenier établi sur solins, la céramique apparaît peu nombreuse et disséminée. Elle montre cependant une relative densité autour du foyer au nord-ouest du local (fig. 112, B1), peut-être utilisé quelques fois pour la préparation de repas, des restes agglomérés de céréales carbonisés (OCNI) se retrouvant dans les trois stocks très denses à proximité immédiate. Ceci serait cependant curieux dans un grenier, à cause des risques de propagation du feu aux récoltes. Les OCNI sont peut-être à mettre en relation avec l’incendie. Par contre, tout à l’est de l’appentis, on constate une quantité importante de céramique, constituée en grande majorité par des tessons de cruches : les ouvriers travaillant dans le grenier devaient parfois ressentir le besoin d’étancher leur soif dans une atmosphère très chargée en poussières d’origine végétale.

Habitat

Au sud du site, les vestiges de la phase 2, bien que perçus de manière incomplète, témoignent d’activités liées à l’habitat. En premier lieu, on perçoit en partie un édifice sur poteaux qui se prolonge à l’évidence au-delà de la limite des fouilles ; une autre construction a pu exister un peu plus à l’est, matérialisée par quelques trous de poteau.

Ensuite, la répartition de la céramique révèle une densité assez forte à l’emplacement du bâtiment en bois le plus pro-bable (fig. 112). Toutes les catégories principales de poterie s’y retrouvent (cruches, pâtes claires, pâtes sombres, pâtes sombres de tradition La Tène, terres sigillées), les récipients en sigillée y sont aussi plus nombreux que dans le bâtiment 2 et son appentis. Une autre concentration de tessons se marque en aval (au nord) de ce probable édifice ainsi qu’à l’est de la zone B3. Ce dernier dépôt représente peut-être un rejet pro-venant d’une construction établie plus haut, hors de la limite du chantier. F F F S2 S4 S3 S1 B2 B1 SE B3 Terre sigillée

Céramique à revêtement argileux Cruche

Pâte claire, sombre et tradition La Tène

Erodé

0 5 m

N

F Fibule Foyer

Trou de poteau, fosse

Fig. 112. Alle, Les Aiges, phase 2. Répartition des tessons de céramique et des fibules dans la couche archéo-logique des constructions B1, B2 et B3.

D’autres faits suggèrent que cette zone B3 était surtout vouée à des activités domestiques. Les restes osseux analysés démon-trent qu’il s’agit de déchets culinaires d’espèces de la triade domestique (chap. 7.2.2) ; on y retrouve aussi des restes de castor, de chien et d’équidés.

Des restes de céréales ont également été mis en évidence dans l’aire couverte par l’édifice, non pas sur l’ensemble de sa surface comme dans le grenier voisin, mais sous forme de trois ou quatre petites concentrations réparties de part et d’autre d’une struc-ture rectiligne formée par des tuiles sur chant (fig. 98.25). Deux des trois échantillons analysés comprennent 90 % de grains (orge, avoine et épeautre) alors que le troisième recèle plus de 80 % de restes de battage. Cette configuration correspond cer-tainement à une aire où les céréales ont été nettoyées, en parti-culier celles vêtues (orge et épeautre). L’aménagement de tuiles, qui devait caler un élément vertical rectiligne (planche ?), faisait peut-être partie d’un dispositif lié à cette opération de net-toyage. Il s’agit là sans doute de réserves de céréales préparées peu avant leur consommation.

Aménagements de la pars rustica d’un domaine rural

Les vestiges attribués à la phase 2, entre 50/75 et 180/200 ap. J.-C., appartiennent à un secteur seulement de la pars rustica d’un domaine agricole. En effet, en raison de la faible étendue de la surface décapée (env. 2800 m2), l’organisation générale de cette exploitation reste inconnue, de même que l’emplacement de la partie résidentielle. Le fait qu’aucun dispositif de clôture ne se trouve à l’arrière de la construction principale constituée par le grenier incite à envisager une villa dont les bâtiments se répartissent selon un plan éparpillé plutôt qu’axial. Cette pers-pective se trouve confortée par la proximité d’un ou de deux édifices à 10 m à peine à l’avant de l’entrée du grenier.

Ce dernier bâtiment se caractérise par un plan simple, qui voit un local rectangulaire (fig. 98, B1), non compartimenté, pro-longé d’un appentis sur sa façade principale (fig. 98, B2). De telles constructions sont fréquentes autour ou dans les cours de la partie d’exploitation des villas, sans qu’une fonction unique puisse leur être attribuée. Un exemplaire identique se retrouve ainsi sur la villa à plan épars de Laufon, Müschhag (BL) 259 ; sa surface est supérieure à celle d’Alle et sa fonction envisagée est celle d’étable ou de grange, depuis le troisième quart du Ier siècle au milieu du IV e siècle. Dans la partie rurale de la villa à plan axial de Neftenbach, Steinmöri (ZH), proche de l’entrée du domaine, on relève un petit édifice qui a connu plusieurs réaménagements de la fin du Ier siècle à la seconde moitié du IIIe siècle. Un état intermédiaire de cette bâtisse montre un plan semblable au grenier d’Alle ; à Neftenbach, on y suppose une uti-lisation à la fois comme étable et comme grenier 260. Des édifices à fonction économique de configuration identique à celui d’Alle peuvent aussi être observés dans la pars rustica de grandes villas à organisation axiale, comme c’est le cas à Orbe, Boscéaz (VD), occupée de la fin du Ier au IIIe siècle 261 et à Oberentfelden, Mura-cher (AG), en activité entre la fin du Ier et le IV e siècle 262.

Quant au bâtiment en bois voué à l’habitat localisé au sud du site (fig. 98, B3), sa perception trop partielle rend toute comparaison inutile. Toutefois, quelques observations d’ordre architectural

méritent d’être relevées dans cette partie d’exploitation du domaine à la phase 2 (50/75 - 180/200 ap. J.-C.). Jusqu’à la fin du IIe siècle, on constate la coexistence d’édifices de conception mixte, associant techniques indigènes et romaines ; en effet, le grenier et son appentis comportent des parois de bois et une toiture de tuiles. Dans le premier local (état 1), la superstructure repose sur des solins assemblés au mortier, alors que dans l’annexe (état 2), ce sont des poteaux implantés qui forment l’ossature d’une façade et qui soutiennent la toiture. Dans le troisième état d’aménagement de ce grenier, le plus tardif, on n’hésite pas à démolir un solin pour le remplacer par des poteaux enfoncés dans le sol. Le bâtiment identifié au sud comporte un toit recouvert de tuiles, mais les éléments porteurs sont toujours des poteaux.

Des édifices sur poteaux de conception similaire se retrouvent non loin des Aiges (fig. 172) dans le relais routier d’Alle, Noir Bois, 700 m au nord-ouest, en fonction de Claude à Vespasien 263. Dans la pars rustica des villas, la persistance de constructions en bois après la fin du Ier siècle est un fait constaté sur plu-sieurs sites ruraux. C’est notamment le cas dans le canton du Jura à Boécourt, Les Montoyes 264 où la partie résidentielle est réaménagée en dur dans le courant de la seconde moitié du Ier siècle, alors que la partie d’exploitation conserve un carac-tère indigène marqué jusqu’au IIIe siècle, ce qui reste cepen-dant exceptionnel en Suisse à une date aussi basse. On constate