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Troubles de la conscience et critères actuels de schizophrénie

Dans le document tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013 (Page 50-54)

Niveau de conscience Critères de définition

3. Les troubles de la conscience dans la schizophrénie

3.1. Troubles de la conscience et critères actuels de schizophrénie

Les classifications internationales actuelles (CIM-10, 2000; DSM-IV-TR, 2002) ne retiennent plus le(s) trouble(s) de la conscience en tant que tels, comme critères diagnostiques de la schizophrénie. La difficulté de définir, modéliser et objectiver les troubles de la conscience, ainsi que la complexité des perturbations qu’ils entraînent, sont les facteurs principaux ayant conduit à leur éviction des classifications actuelles, ceci au profit de

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symptômes plus objectifs et identifiables avec une meilleure fiabilité inter-examinateurs.

Cependant, des travaux actuels soulignent l’importance et l’intensité des troubles de la conscience dans la schizophrénie. Ils impliquent des domaines comme la conscience des troubles cognitifs, la conscience de soi, la conscience du corps et la conscience de la maladie mentale (l’insight,sera définit dans la partie 3.2.).

Des travaux récents (Moritz et al., 2004; Keefe et al., 2006; Chan et al., 2008; Johnson et al., 2011) mettent l’accent sur le décalage observé chez les patients entre l’évaluation subjective de leurs propres troubles cognitifs et les données obtenues par des outils objectifs de mesure. Medalia et Thysen (2008) évaluent une cohorte de 71 patients souffrant de schizophrénie, avec troubles cognitifs objectivés sur le plan attentionnel, de la mémoire et du fonctionnement exécutif. Ces auteurs rapportent l’absence de conscience de la présence des troubles cognitifs chez 52% des patients, alors que 21% sont partiellement conscients et uniquement 27% des patients sont pleinement conscients. Selon ces mêmes auteurs (Medalia

& Thysen, 2008), le faible niveau de conscience semble associé de façon fréquente aux troubles de la mémoire et de façon plus aléatoire aux troubles du fonctionnement exécutif. Il est intéressant de noter que la plainte du déficit attentionnel semble au contraire plus importante que le trouble attentionnel réellement objectivé. La prise de conscience chez le patient du dysfonctionnement cognitif lui permettra d’accéder à une démarche de soins plus active accompagnée d’une réelle demande de réhabilitation cognitive.

Les troubles de la conscience de soi sont identifiés depuis les toutes premières descriptions de la schizophrénie (Bleuler, 1911). Actuellement, l’altération de la conscience de soi apparait centrale dans l’appréhension de la symptomatologie positive et négative du tableau clinique de la schizophrénie (Sass et Parnas, 2003). Parnas et al., (2003) ont décrit des expériences anormales « en première personne », caractérisées par une altération de l’expérience en tant que sujet, lors de la réalisation d’une action ou au cours d’une situation

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donnée (Parnas et Handest, 2003). Ces expériences, dites « étranges », peuvent être déstabilisantes et perturbatrices. Cependant, quand une certaine distance entre ces expériences et le patient se crée, elles deviennent partie intégrante de son récit autobiographique et peuvent faire partie d’une description métaphorique facilitant ainsi leur verbalisation :

« comme si ce n’était plus moi », « comme si on m’avait changé un organe », « comme si mes jambes couraient toutes seules, et je n’avais pas un mot à dire ». Handest et Parnas (2005) identifient les troubles de l’expérience subjective comme spécifiques aux spectres schizophréniques.

Le concept de conscience du corps regroupe le sens du corps (body ownership) et le Soi

« agent », qui se défini comme la conscience d’être agent de l’action effectuée (agency). Si le sens du corps se réfère à la perception sensorielle de son propre corps (Tsakiris et al., 2007), contribuant au sentiment de soi et au développement de l’identité personnelle (Gallagher, 2000), le Soi « agent » contribue au sentiment d’être initiateur de ses propres actions. En vue d’étudier les troubles du sens du corps dans la schizophrénie, Thakkar, Nichols, McIntosh et Park (2011) ont mis en place le paradigme de l’« illusion de la main en caoutchouc » (Botvinick et Cohen, 1998). Le paradigme consiste à poser dans une boîte transparente, devant une personne, la réplique en caoutchouc d’un bras, alors que le sujet a son propre bras caché dans une boîte opaque. Une stimulation de la réplique et du bras de façon synchronisée durant quelques minutes, provoque l’illusion que la réplique devient le bras de la personne.

Thakkar et al. (2011) démontrent que les patients souffrant de schizophrénie, comparés à un groupe témoin, présentent cette illusion de façon plus fréquente, et ce lors des deux conditions expérimentales: stimulation du bras synchrone et asynchrone (Figure 2). Les auteurs stipulent que les patients ont une représentation du corps plus souple et un sens de soi affaibli ; ces anomalies pourraient être au cœur d’un sous-ensemble de délires de la passivité, comme signes pathognomoniques de la schizophrénie.

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Figure 2:Paradigme, l’illusion de la main en caoutchouc (Thakkar et al., 2011)

Les deux concepts de conscience du trouble mental et insight utilisés en psychiatrie, sont devenus, dans les travaux actuels, de véritables synonymes. Ils désignent, dans les premiers travaux sur la schizophrénie la présence ou l’absence de conscience de la maladie mentale. Cette vision dichotomique est remplacée actuellement par une approche multidimensionnelle du concept d’insight. Amador et Strauss (1990) considèrent l’insight comme un phénomène complexe comprenant plusieurs dimensions. Les dimensions de l’insight entrent plutôt dans un continuum, allant d’une conscience faible à pleinement conscient (on peut avoir un insight partiel).

Les signes et les symptômes varient largement d’une culture à une autre, où la conscience du trouble et l’attribution causale des symptômes doivent prendre en compte les croyances et l’adhésion du patient aux représentations culturelles. De plus, le niveau d’insight peut varier selon les nombreuses manifestations de la maladie mentale. Le patient pourrait ainsi être pleinement conscient de l’émoussement des affects dont il souffre et ne pas percevoir comme étrange ou inquiétante la voix d’un homme connu (ex. Al Pacino) qui commente ses actes et influence ses actions. Un autre point important, dans l’appréhension de l’insight,est la prise en compte de l’information que le patient a pu recevoir sur la nature de

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sa maladie. En France notamment, certains praticiens, par crainte des conséquences négatives de l’annonce du diagnostic, préfèrent volontiers nommer la schizophrénie comme une dépression atypique. Cette démarche, ayant pour but de protéger le patient et sa famille de la stigmatisation que représente la schizophrénie, contribue malheureusement à alimenter la crainte, la peur, et freine l’implication plus active du patient dans ses soins. Le trouble de la conscience de la maladie, n’est pas spécifique à la schizophrénie ; il a notamment été identifié dans les troubles schizoaffectifs, bipolaires et dans la dépression avec ou sans caractéristiques psychotiques. Le déficit d’insightsemble cependant plus fréquent dans la schizophrénie avec une intensité plus importante ; il est présent en tant que trait permanent de la maladie mentale (McEvoy et al., 1989) et non plus en tant qu’un état passager, comme documenté dans les autres pathologies. Pour Carpenter, Strauss et Bartko (1973), le faible niveau d’insight fait partie des signes discriminant particulièrement la schizophrénie des autres troubles psychiques.

L’utilisation du terme insight en psychiatrie est fréquente, le sens cependant de ce concept reste flou. En effet dans le terme insightsont confondu les notions d’introspection, de conscience de soi, mais aussi une bonne connaissance de la maladie mentale qui toute fois reflète que partiellement la complexité du phénomène. Dans le but de préciser ce terme nous proposons de le définir.

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