• Aucun résultat trouvé

La naissance de l’insight (conscience du trouble mental)

Dans le document tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013 (Page 37-41)

Partie Introduction Théorique

2. De la Conscience à l’Insight

2.2. La naissance de l’insight (conscience du trouble mental)

L’insight dans la pratique clinique est un phénomène complexe, ayant fait l’objet de nombreuses définitions et intégrant un modèle multidimensionnel ôtant ainsi la place à une vision dichotomique et trop réductrice du concept. Lewis définit l’insight en 1934 comme une

« attitude adaptée face à un changement morbide de soi ». Il souligne l’utilisation fréquente du terme insight en psychiatrie, accompagnée de l’absence d’une définition et d’une évaluation bien établies.

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

Dans une revue de la littérature, soixante-douze ans après la première définition de l’insight, Amador et David constatent (2004), que le concept d’insightreste toujours obscur et se questionnent sur l’utilité et la pertinence de son utilisation. Cette confusion conceptuelle tiendrait à la notion elle-même, car elle touche à la conscience de soi, à la nature de la réalité, au rapport à la réalité, mais aussi aux différentes variétés cliniques comme l’insight actuel, l’insightrétrospectif ou le faux insight(Allilaire, 2006).

2.2.1. La conception de l’insight chez les aliénistes

Bourgeois, Haustgen, Géraud et Jaïs (2000) soulignent chez les aliénistes du 19 ème l’importance et la fréquence de l’évaluation de l’insight, considéré comme caractéristique sémiologique importante du tableau clinique. Le terme, trouble de la conscience, utilisé à cette époque se rapporte à des états psychiques comme la dépression, le post-partum, la mélancolie ou la manie. Il concerne des manifestations différentes, comme la conscience des prodromes d’un accès maniaque ou délirant, de l’affectation mentale, des conséquences de la maladie mentale sur soi ou sur autrui et des conséquences socio-professionnelles.

Dans les premières visions de l’insightle concept est conçu comme dichotomique, en d’autres termes le patient est soit conscient, soit inconscient de son état. Par exemple pour Morel (1869, 1875), les affections mentales dans lesquelles l’anéantissement de la conscience semble inévitable (aliénés par persécutions, alcoolisé) sont différentes des délires émotifs, dans lesquels la conscience est présente, mais le patient reste témoin de ses propres actes et ne peut nullement les modifier. Dans la même perspective Ritti (1879) introduit la notion de

« folie avec conscience » distinguant ainsi, la conscience du trouble de la responsabilité des actes. L’aliéné bien que conscient, reste impuissant devant ces mêmes actes, sentiments ou pensées délirantes qui s’imposent à lui et le rende complétement irresponsable.

L’insight toujours apprécié comme phénomène dichotomique apparait selon Marandon de Montyel (1882 ; 1884) comme un facteur de pronostic. Dans cette nouvelle optique la prise

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

de conscience du trouble mental devient un facteur aggravant le diagnostic et augmentant le risque suicidaire planifié et réfléchi. La personne consciente de son état, selon cet auteur, est peu curable, ce qui est accompagné de beaucoup de souffrance et d’une anxiété accentuée.

L’aliéniste Parant (1888) conçoit l’insight non plus comme un phénomène à deux dimensions, mais plus comme une entité évolutive liée au développement de la maladie et donc au pronostique. Cet auteur propose une classification de la conscience de soi, encore appelée conscience de son état au cours de l’avancement de la maladie mentale (folie). La conscience de soi serait ainsi une unité maniable, pouvant exister au début du trouble, au coursde son évolution et une fois que la guérison est effective. La conscience de soi en début de la maladie, serait liée aux capacités intellectuelles, aux capacités d’introspection et à l’importance de l’expérience (nombre de rechutes). L’auteur définit la conscience de soi en cinq catégories : aliéné conscient de ses actes, sans aucune conscience de son état; aliéné conscient de son état morbide, sans pouvoir ou vouloir l’admettre; aliéné conscient de façon partielle de son état ou de ses actes, mais pas pleinement conscient; aliéné conscient de son état mais dont la volonté ou l’anéantissement physique et psychique l’empêche de s’en échapper; et finalement aliéné pleinement conscient de son état, mais prisonnier d’une force intérieure qui le pousse à commettre des actes que lui-même condamne. La conscience de soi après guérison est pour Parant le meilleur critère de guérison. Le patient capable d’introspection rétrospective en lien avec son état d’aliénation, témoignerait de l’« intégrité de jugement ».

Au cours du 19ème siècle, le terme conscience du trouble se traduit à travers une conception clinique par l’observation dans laquelle la subjectivité du patient prend progressivement place. La personne atteinte de maladie psychique peut être perçue par le corps médical comme consciente ou peu consciente de son état général, de certaines manifestations symptomatiques ou des conséquences que cet état entraine. Il est important de

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

noter, que pour le patient la perception et l’appropriation psychique des phénomènes induits par la maladie mentale peuvent êtres intactes, alors que leurs critères pathologiques peuvent être méconnus. En dernier lieu intervient la notion de conscience partielle, la personne souffrante est ainsi consciente d’une partie de l’affection et ignore l’existence d’autres éléments qui la constitue.

2.2.2. La conception de l’insight au cours du 20ème siècle

Au début du 20èmesiècle la prise de conscience du critère morbide du trouble devient le signe d’une guérison certaine. L’insightest considéré comme partie intégrante d’un nombre conséquent de troubles psychiques aussi bien névrotique, que psychotique. Comme exemple Logre (1921) insiste sur la thérapeutique de la psychopathie à travers l’incitation de prise de conscience de leur pathologie. Il conçoit cette prise de conscience comme le critère d’un pronostic favorable (Bourgeois, Haustgen, Géraud et Jaïs, 2000).

La première classification de la conscience du trouble mental est proposée par Michel (1982). Dans le but de constituer une évaluation plus objective de l’insight, cet auteur confronte les deux observations, celle de l’examinateur (dite objective) et celle de la personne souffrant de trouble psychique (dite subjective). Il définit ainsi, 6 types ou niveaux de conscience (Tableau 1) qui sont différenciés les uns des autres par l’intermédiaire de quatre critères : perception des phénomènes inhabituels, attribution à l’état pathologique, réévaluation du point de vue du patient en fonction de celui fourni par l’examinateur, et enfin perception du caractère unique des symptômes. Cette première classification définit différents niveaux de conscience en fonction de plusieurs critères, mais n’intègre pas la notion évolutive de l’insight au cours de la maladie. Parmi les critiques de ce modèle peuvent être citées l’absence d’outils évaluant l’objectivité des avancées théoriques, la non-prise en compte des différences entre la perception, le comportement et la verbalisation du critère pathologique fourni par le patient. Une autre critique pouvant être soulignée est l’absence de différenciation

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

entre conscience actuelle, conscience rétrospective et fausse conscience du trouble mental. En effet ces trois dimensions peuvent être présentes chez un même individu de façon équivalente.

Une dernière critique pouvant être soulevée est l’absence de prise en compte des différentes dimensions de l’insight: la conscience de la maladie, du bénéfice du traitement, et des conséquences sociales, ainsi que l’attribution symptomatique causale.

Dans le document tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013 (Page 37-41)