• Aucun résultat trouvé

La cognitive behavioral therapy (CBT) et l’insight dans la schizophrénie

Dans le document tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013 (Page 83-87)

Niveau de conscience Critères de définition

3. Les troubles de la conscience dans la schizophrénie

3.7. Prise en charge de l’insight

3.7.2. La cognitive behavioral therapy (CBT) et l’insight dans la schizophrénie

En 2002, Turkington, Kingdon et Turner mettent en place un protocole de recherche visant à évaluer les effets de la prise en charge de type thérapie cognitive et comportementale (cognitive behavioral therapy) sur les symptomatologies positive, négative et dépressive, ainsi que sur le niveau d’insight. Pour cet effet, les auteurs ont comparé deux groupes de patients, l’un bénéficiant d’une thérapie de type CBT (n=257) et l’autre bénéficiant d’une thérapie dite usuelle (n=165). Les résultats de cette étude soulignent un bénéfice du programme CBT significativement important en comparaison au groupe usuel sur le niveau d’insight, la symptomatologie générale et la symptomatologie dépressive. L’amélioration de l’insight ne semble pas liée à une augmentation de la symptomatologie dépressive, ni à un renforcement de l’idéation suicidaire. Bien que les auteurs démontrent un effet de cette prise en charge sur le niveau de l’insight, ils définissent leurs outils de mesure et la spécificité de leurs scores avec peu de précision. Dans ces conditions, il est difficile de déduire sur quelle dimension de l’insight la CBT apporte un bénéfice significatif.

La cognitive behavioral therapy est une thérapie cognitive brève comportant 10 séances animées par des infirmières entraînées à l’administration du programme. Le programme CBT se base sur un manuel intégrant différentes stratégies thérapeutiques (Kingdon et Turkington, 1994). La prise en charge comporte des séances d’évaluation et un contrat d’engagement. L’objectif principal du thérapeute est d’apprendre au une meilleure gestion de ses symptômes, afin d’améliorer l’observance médicamenteuse et prévenir la rechute. Le matériel utilisé est composé de 5 livrets thérapeutiques portant sur la gestion de la

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

maladie et de la vie quotidienne, sur le temps de loisirs et des relations interpersonnelles, sur des conseils relatifs à la consommation d’alcool et de toxiques, sur la gestion symptomatique et sur les ressources d’aide en cas de besoin. Finalement, le programme prend en compte les différences interindividuelles d’un point de vue symptomatique et culturel, ainsi que la spécificité individuelle de l’évolution de la maladie.

Dans une deuxième étude menée par la même équipe de recherche Rathod, Kingdon, Smith et Turkington (2005), les auteurs soulignent les bénéfices de la prise en charge CBT sur différentes dimensions de l’insight. Les auteurs ont mis en place un protocole expérimental identique à leur première étude (Turkington, Kingdon et Turner, 2002). La cognitive behavioral therapy apporte un bénéfice au niveau de deux des trois dimensions de l’insight évaluées. L’outil utilisé pour évaluer l’insightest l’échelle Schedule for Assessment of Insight (SAI, David, 1990). La SAI contient trois facteurs de l’insight distincts et chevauchés entre eux. Cette échelle est basée sur la conscience d’avoir un trouble mental, l’observance du traitement et la capacité à reconnaitre le critère pathologique des évènements inhabituels comme les idées délirantes et les hallucinations. Les dimensions de l’insight,observance du traitement et capacité à nommer la symptomatologie comme pathologique, semblent significativement améliorées immédiatement après la prise en charge en comparaison au groupe contrôle. La même évaluation effectuée un an après la thérapie montre que les bénéfices de la prises en charge sur la dimension observance du traitement persistent significativement alors que les effets sur les deux autres dimensions ne sont plus significatifs en comparaison au groupe contrôle.

Ces résultats sont d’autant plus intéressants qu’ils montrent la possibilité de modifier certaines dimensions de l’insight grâce à une intervention spécifique, tout en soulignant l’insuffisance de cette prise en charge qui ne s’avère pas efficace sur certaines dimensions de l’insight multidimensionnel. Il est important de souligner que les dimensions de l’insight sont

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

sous-jacentes à différents processus cognitifs, psychologiques et sociaux, ce qui nécessiterait une prise en charge plus complexe en vue d’intégrer ces différentes dimensions. En ce qui concerne les effets de cette prise en charge sur l’insight actuel et rétrospectif, ainsi que sur la conscience spécifique des symptômes et leur attribution causale, les études précédemment citées n’évaluent pas ce type de dimensions.

Dans une étude récente et multicentrique, les auteurs proposent une nouvelle prise en charge (REFLEX) fondée sur un nouveau model intégratif de l’insight (Pijnenborg et al., 2011). Dans REFLEX, le trouble principal sous-jacent au déficit de l’insightserait la capacité d’introspection (self-reflexion). L’introspection serait impliquée, d’une part, dans la capacité de réfléchir sur ses propres sentiments et pensées (Holma et Altonen, 1998) et, d’autre part, dans la capacité de générer des récits personnels permettant de relier les évènements passés aux évènements présents, afin de se projeter dans le futur (Lysaker et al., 2010 ; Lysaker, Buck, Taylor et Roe, 2008). Ainsi, le trouble de l’insight serait la conséquence d’une difficulté chez les patients à réajuster leur image de soi aux changements de l’environnement.

Ceci suggère que les fonctionnements social et professionnel des patients, ainsi que leurs objectifs futurs seraient identiques à leurs objectifs avant le début du trouble. Selon ce modèle (Figure 5), l’insight serait atteint à trois niveaux distincts et interdépendants. La capacité d’introspection apparaît comme modérateur entre les trois déficits sous-jacents à l’insight. Le premier trouble impliqué est l’atteinte de la flexibilité mentale. Ce dysfonctionnement empêche la prise en compte de nouvelles alternatives et des réflexions complexes sur soi (Aleman et al., 2006) réduisant inévitablement le niveau d’insight. Le deuxième déficit impliqué est la difficulté du patient à adopter les perspectives d’autrui, tout en les appliquant à soi ou au monde qui l’entoure, ce qui implique un déficit de la théorie de l’esprit (Brüne, 2005). Enfin, la troisième perspective est la sensibilité du patient face au stigma qui peut

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

entraver ses capacités d’insight (Courtin, 2000). Ces trois domaines ne sont donc pas directement liés au déficit d’insightmais sont modérés par la capacité d’introspection.

Figure 5: Modèle du déficit de l’insight dans la schizophrénie (Pijnenborg et al., 2011)

Le programme REFLEX comporte 3 modules et 4 séances de 1 heure par module. Le premier module «Coping with stigma» traite la stigmatisation de la maladie. L’objectif principal de ce module est de construire une alternative de pensées remédiant aux croyances et aux images négatives associées à la schizophrénie. Dans la deuxième partie du programme

«You and your personal narrative», le développement de la capacité d’introspection est le thème central. Les auteurs proposent au participant, via des exercices complexes et structurés, d’intégrer les événements nouveaux et de réajuster leur self en fonction de ce nouvel environnement. Un deuxième point travaillé dans ce module est la capacité à prendre en compte le point de vue d’autrui afin de réadapter le jugement que l’on porte sur soi. Le troisième module «You in the present » développe la capacité des patients à observer continuellement leurs pensées et leurs sentiments. Pour l’ensemble de ces modules, les auteurs proposent des tâches à domicile qui une fois réalisées sont discutées en groupe lors des séances thérapeutiques. Les effets de ce programme ne sont pas encore connus. Il est, en

tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013

effet, actuellement en cours d’application pour la première fois dans la schizophrénie. Les auteurs espèrent obtenir une amélioration significative de l’insightgrâce à ce protocole visant à combler les limites des prises en charge précédemment énoncées.

La notion de self apparaît dans l’ensemble des modèles explicatifs de l’insight décrits précédemment dans ce travail (cf. 1.2.7). Selon certains travaux, le self semble impliqué comme médiateur entre les troubles cognitifs de base et l’insight. Selon d’autres, en cas d’un déni du trouble, le self intervient après la prise de conscience primaire de cératines perceptions douloureuse, afin de protéger la personne. Bien qu’une majorité d’études portant sur l’évaluation des mécanismes de l’insightfassent référence à la notion du self, les auteurs n’ont pas proposé, cependant, d’évaluer le lien entre l’insightet la mémoire autobiographique.

Dans le but de mesurer ce lien, nous arrivons à notre deuxième partie qui vise à explorer les modèles complexes entre le self et la mémoire autobiographique afin de permettre une meilleure compréhension de la complexité du concept insight.

Dans le document tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013 (Page 83-87)