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L’insight : Un dysfonctionnement fronto-pariéto-temporal ?

Dans le document tel-00869402, version 1 - 3 Oct 2013 (Page 134-139)

Souvenir épisodique

5.8. Données de l’imagerie cérébrale sur l’insight et la mémoire autobiographique dans la schizophrénie

5.8.2. L’insight : Un dysfonctionnement fronto-pariéto-temporal ?

Dans la continuité de ces travaux Cooke et al., (2008) ont utilisé la voxel based morphometry (VBM) comme technique d’imagerie cérébrale, et se sont intéressé au rôle de la diminution de la matière grise de façon globale ou localisée dans le déficit d’insight. Pour la mesure de l’insightles auteurs ont utilisé les mêmes outils de mesure que Sapara et al. (2007).

La plupart des travaux précédents ce sont intéressés au lien qui pouvait exister entre l’insight et le dysfonctionnement frontal de façon focalisé, sans explorer l’implication d’autres réseaux neuraux. Certains auteurs suggèrent cependant que l’anosognosie dans les troubles neurologiques est similaire au phénomène d’insight dans les troubles psychiatriques, et implique donc un large réseau de lésions cérébrales (Amador et al., 1994). L’anosognosie est associée à différentes lésions sub-corticales, des lobes pariétaux et temporaux, ainsi que des lésions frontales (pour une méta-analyse cf. Pia et al., 2004). Ces résultats suggèrent que ce phénomène n’est pas purement frontal et l’étude d’autres zones cérébrales semble tout à fait pertinente.

Cooke et al. (2008) proposent l’implication d’un vaste réseau cérébral comprenant les lobes pariétal et temporal dans le déficit d’insightdans la schizophrénie. Ils trouvent ainsi une corrélation positive entre le volume total de la matière grise du gyrus temporal supérieur et deux dimensions de l’insight: l’habilité à reconnaitre les symptômes comme pathologique et la conscience des conséquences négatives (Figure 14). D’autres dimensions de l’insight, comme la conscience des conséquences négatives sont corrélées au volume de la matière grise du precuneus gauche (Figure 15), alors que la conscience des symptômes et leurs attributions à la maladie semblent associées au volume de la matière grise du gyrus temporal moyen supérieur gauche et du gyri temporal inférieur droit et pariétal latéral droit (Figure 16).

Finalement la conscience de la nécessité d’un traitement n’est pas significativement associée au volume global ou localisé de la matière grise.

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Figure 14:Association entre l’habilité à reconnaitre les symptômes comme pathologiques et le volume total de la matière grise du gyrus temporal droit (tiré de Cooke et al., 2008).

Ces résultats sont d’autant plus intéressants car ils impliquent un réseau responsable (precuneus et région préfrontal médian) de la capacité à lier les expériences passés à l’identité personnelle. Par ailleurs l’activation du precuneus est mis en évidence dans des tâches qui incluent un jugement sur soi (Andreasen et al., 1995 ; Kircher, 2002), sur ses traits de personnalité ou encore sur son apparence physique (Kjaer et al., 2002). D’autres études indiquent que le precuneus joue un rôle dans l’évaluation de soi et plus particulièrement dans le degré de sensibilité ou attention porté sur ses propres états mentaux (Vogeley and Fink, 2003). De manière plus générale il joue un rôle important dans la construction d’une représentation interne de soi par l’intermédiaire du rappel d’évènements autobiographiques spécifiques (Cavanna and Trimble, 2006 ; Cavanna, 2007).

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Figure 15:Association entre la conscience des conséquences négatives et le volume total de la matière grise du precuneus gauche (tiré de Cooke et al., 2008).

Les auteurs démontrent l’implication d’un vaste réseau pariéto-temporal dans le déficit de la conscience et l’attribution symptomatique. Les dysfonctionnements au niveau du réseau pariétal comportent le lobe pariétal inférieur droit et le gyrus supramarginal droit, alors que les déficits du réseau temporal se situent au niveau du gyrus temporal supérieur gauche et gyrus temporal moyen gauche. Le rôle de cette zone du cortex pariétal a largement été démontré dans l’attention visuelle (pour une revue, Culham et Kanwisher, 2001), la mémoire de travail et le fonctionnement exécutif, associé à une activation du cortex préfrontal dorsolateral (DLFPC, Bor et Owen, 2007). Il est ainsi intéressant de souligner que les dysfonctionnement au niveau du cortex pariétal droit dans les troubles neurologique est associé à l’anosognosie (Pia et al., 2004 ; Vuilleumier, 2004). En ce qui concerne le dysfonctionnement temporal, le gyrus temporal supérieur gauche est corrélé chez des sujets sains aux capacités d’interprétation, de production et du contrôle (self-monitoring) de la parole et du langage (pour une revue, Pearlson, 1997). Dans la schizophrénie l’activation au niveau de cette zone est corrélée à l’intensité des hallucinations auditives (pour une revue, Raveendran and Kumari, 2007). En référence au modèle de Frith (1992) les auteurs suggèrent que chez les patients la difficulté du contrôle du langage intérieur, rend difficile

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l’identification, l’appropriation psychique et l’attribution à la maladie mentale des évènements inhabituels comme les hallucinations ou les idées délirantes (Frith, 1992).

Figure 16:Association entre la conscience de, et l’attribution symptomatique avec le gyrus temporal supérieur gauche, le gyrus temporal inférieur droit et le gyrus pariétal

supramarginal / lobule droit (tiré de Cook et al., 2008).

Une étude récente (Palaniyappan et al., 2011) utilisant l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle cherche à évaluer le lien entre l’insight et la surface corticale, ainsi que la substance blanche de l’insula postérieur. Les résultats rapportent chez 57 patients souffrant de schizophrénie une corrélation significative entre l’insula postérieur droit et le déficit d’insight dans la schizophrénie. Ces résultats suggèrent que plus la surface du lobe insulaire postérieur droit est réduite plus le niveau d’insight sera faible. De plus dans cette étude le niveau d’insight semble négativement corrélé au volume de la substance blanche de l’insula postérieur droit. Le rôle de l’insula dans la perception et l’appréciation de l’expérience intéroceptive est largement documenté dans la littérature (Craig, 2002). En effet l’intégration de l’information intéroceptive est à la base de processus cognitif complexe comme la conscience même de soi ou la perception du temps subjectif (Craig, 2010 ; Wittmann et al., 2010). En vue de ces résultats Palaniyappan et al. (2011) suggèrent que la conscience intéroceptive est un élément clés pour la compréhension des mécanismes cognitifs de l’insightdans la schizophrénie.

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Dans le but d’explorer l’insight multidimensionnel, Antonius et al. (2011) ont récemment comparé un groupe de patients avec un déficit de la conscience symptomatique à un groupe de patient avec une mauvaise attribution symptomatique mesurés avec la SUMD.

Les auteurs ont évalués 36 patients souffrant de schizophrénie et troubles schizoaffectifs par l’intermédiaire de la diffusion tensor imaging (DTI). Les résultats de l’étude démontrent que le déficit au niveau de la substance blanche des régions fronto-temporales est lié au faible niveau de conscience symptomatique alors que le déficit au niveau de la substance blanche des régions temporo-pariétales est associé à une mauvaise attribution symptomatiquechez ces patients.

L’absence de conscience symptomatique est ainsi associée à un large réseau frontal regroupant le gyrus frontal moyen gauche et supérieur droit. Ces résultats vont dans le sens des études antérieures et suggèrent un rôle important du lobe frontal (Lysaker et al., 1998; Ritsner and Blumenkrantz, 2007; Young et al., 1993) et plus spécifiquement du lobe préfrontal (Sapara et al., 2007; Shad et al., 2004) dans la diminution de la conscience symptomatique dans la schizophrénie. Par ailleurs, les auteurs soulignent l’implication du lobe temporal dans la compréhension du déficit d’insight. Plus spécifiquement la réduction de la matière blanche au niveau du gyrus bilatéral parahippocampique et du gyrus fusiforme gauche semble associée au faible niveau d’insight. Ces résultats suggèrent que les processus de mémoire et plus particulièrement la mémoire de travail (Schon et al., 2009) et la mémoire implicite (Harrington et al ., 2004) jouent un rôle important dans le déficit d’insight. Antonius et al. (2011) indiquent que le faible niveau de la conscience symptomatique est lié au dysfonctionnement de la matière blanche d'un vaste réseau cérébral (incluant le gyrus frontal antérieur gauche et gyrus cingulaire droit, le thalamus, le noyau caudé droit «right caudate head», l’insula gauche, le claustrum gauche/droit et le noyau lenticulaire gauche «left

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lentiform nucleus» impliquant des processus cognitifs complexes, tels que les affects, la compréhension et la mémoire.

Bien que l’attribution correcte des symptômes nécessite des capacités de conscience symptomatique suffisante (Shad et al., 2007), les deux dimensions de l’insight semblent dépendre de bases neuro-anatomiques différentes (Flashman et al., 2001 ; Shad et al., 2006 ; Antonius et al., 2011), ce qui corrobore les conceptions multidimensionnelles de l'insight.

Toute fois Antonius et al. (2011) ne rapportent pas de corrélations entre la mésattribution symptomatique et le dysfonctionnement frontal ou préfrontal. Dans cette étude la mauvaise attribution symptomatique est associée à la matière blanche au niveau du precuneus droit, du noyau lenticulaire droit (lentiform nucleus) et du gyrus temporal moyen gauche. Certaines études suggèrent (Cavanna and Trimble, 2006) l’implication du precuneus dans la conscience de soi, alors que le gyrus temporal moyen et le noyau lenticulaire sont impliqués dans les processus de mémoire. Les auteurs rapportent que pour avoir une bonne qualité de l’attribution symptomatique il est nécessaire d’avoir des capacités de conscience et d’appréciation symptomatique suffisantes, ainsi qu’une bonne capacité d’introspection ou de conscience de soi.

5.8.3. L’insight et la mémoire autobiographique ont-ils des bases neurales

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