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Les études pionnières ci-dessus, liant quotient intellectuel et mutations sont aujourd’hui largement confirmées, particulièrement par les études que nous allons détailler ci-après. Magri et al. (2011) ont étudié une large cohorte de 320 patients et décris de très nombreux paramètres concernant les relations génotype-phénotype. Se focalisant sur la nature de la mutation (délétion, duplication ou mutation ponctuelle) et sur sa localisation (proximale ou distale -après l’exon 45-), ils ne trouvent aucun lien entre l’âge de perte de la marche, le taux circulant de créatine kinase, la fonction pulmonaire et cardiaque en fonction des mutations chez les patients DMD. Comme attendu, si la mutation vient à interrompre l’expression de la Dp140 et de la Dp71, le FSIQ est significativement plus faible. Chez les DMD, qui ont perdu totalement la forme longue de la dystrophine, seul l’âge est un facteur d’intérêt concernant l’évolution de la maladie musculaire. En revanche, ils montrent que chez les patients BMD, la nature et la position de la mutation va influer sur beaucoup de paramètres biologiques (âge de perte de la marche, taux circulant de créatine kinase, fonction pulmonaire et cardiaque). Ils soulignent également l’importance de connaître avec

La perte étant cumulative, le premier groupe est uniquement déficient en Dp427, le troisième en Dp427, Dp260 et Dp140 et ainsi de suite. Les lignes horizontales représentent la médiane. Pour le groupe incluant tous les patients (à droite), la boite grisée inclue du premier au troisième quartile (Banihani et al., 2015).

précision l’altération génétique de chaque patient dans le cadre des thérapies, notamment géniques.

La même année, une étude va s’intéresser au profil neurocognitif des patients DMD (D'Angelo et al., 2011). Sans surprise, ils confirment la relation génotype-phénotype concernant la déficience intellectuelle. Plus précisément, ils notent que les patients présentant une mutation dans la partie distale du gène présentent de plus grands déficits dans les tâches verbales de mémoire à court et à long terme, de mémoire visuelle, dans l’organisation visuospatiale, dans l’analyse séquentielle et possiblement dans des tâches de mémoire de travail. Les patients présentant une mutation dans la partie proximale du gène, en revanche, expriment des difficultés dans le jugement social et la compréhension critique de phrases, déficits aussi observés chez des patients autistes, ainsi que dans des tâches d’attention visuelle. Ils vont étudier de façon plus précise que Billard et al. (1998) la relation entre la position de la mutation et les performances en lecture. Ils montrent que (1) les problèmes de lecture sont rencontrés chez tous les patients et reposeraient donc sur la fonction de la Dp427, mais semblent cependant avoir une cause différente en fonction de la mutation ; (2) si la mutation est dans la partie proximale du gène : les problèmes de lecture ne sont pas liés à une altération de la mémoire de travail ou de l'attention auditive, mais à l’altération de la mémoire visuelle et des processus cognitifs complexes (résolution de problèmes, compréhension) liés au langage (compétences lexicale et phonologique, syntaxe ) ; (3) si la mutation est dans la partie distale du gène : les problèmes de lecture sont liés à la mémoire à long-terme et aux capacités d’apprentissage et d'organisation (logique ou séquentielle) des idées. Comme beaucoup d’auteurs avant eux, ils notent la complexité de tracer des liens directs entre génotype et phénotypes cognitifs, ayant dans leur cohorte un patient ayant perdu toutes les dystrophines (Dp140 et Dp71 incluent) qui ne présente pas de retard mental ou d’altération du QI verbal.

Nous avons vu précédemment que Wu et al. (2005) note, sur 158 patients, une comorbidité plus élevé entre DMD et autisme (3,8%) que dans une population saine, mais ils mettent également en évidence que sur les 8 patients présentant une mutation de la Dp140, 5 présentent un spectre autistique, ce qui représente une incidence de 62,5%. Egalement, Taylor et al. (2010) ne se limitent pas à l’étude du FSIQ, mais précisent que les mutations affectant la partie distale du gène entraine un risque plus élevé de troubles comme l’ADHD, phénotype qui sera plus détaillé par Pane et al. (2012), qui révèlent que le risque d’ADHD est plus important lorsque la mutation affecte la Dp140 ou la Dp71.

Figure 6 – Incidence de ADHD en fonction de la mutation

Pane et al. (2012) dissocient les groupes de patients DMD en fonction de la déficience intellectuelle (DI) et de la présence ou non d’ADHD. Cette figure est adaptée de leur article et présente les deux groupes rassemblés.

Une autre équipe (Banihani et al., 2015) relève également que la mutation de la Dp140 et/ou de la Dp71 entraine un risque accru de problème de lecture, d’ADHD et d’autisme chez les patients. L’étude de Ricotti et al. (2016) a déjà été présentée à plusieurs reprises dans ce manuscrit, car elle aborde tout autant le quotient intellectuel, l’autisme, le TDA/H, ou encore les problèmes émotionnels chez les patients DMD. Mais au-delà de ce large spectre cognitif, il faut à présent mettre en lumière le point crucial de l’étude : tous ces paramètres ont été analysés en prenant en compte la localisation de la mutation, par rapport à l’exon 30 (Dp427 mutée), entre les exons 31 à 62 (+ Dp260, Dp140 et Dp116 mutées) et au-delà de l’exon 63 (+Dp71 mutée). Naturellement, ils retrouvent l’impact d’une mutation au-delà de l’exon 63 avec l’aggravation de la déficience intellectuelle. Ce type de mutation aggrave le score au SCDC, un questionnaire visant à évaluer les compétences en communication et le comportement social. Le SCDC est généralement considéré comme une première étape possible au diagnostic de l’autisme, ne durant qu’une dizaine de minutes, avant d’envisager des tests plus poussés comme l’ADI-R, l’ADOS ou le 3Di (voir plus haut). La perte de la Dp71 semble aussi avoir un impact particulier sur l’index de mémoire de travail (un sous-indice du WISC-IV). Par contraste, ces auteurs trouvent que les altérations émotionnelles sont uniformément réparties dans les sous-groupes, et que la perte de la Dp427 est suffisante pour induire des déficits cognitifs (déficience intellectuelle, mémoire de travail) et neurocomportementaux (hyperactivité, autisme).

d. Conclusion

Devant cette relation, plus que robuste, entre la perte des dystrophines cérébrales et les troubles intellectuels et neuropsychiatriques, la question de connaître précisément le profil d’expression de chaque dystrophine et de leurs partenaires d’interaction s’est posée. Il est connu que les différentes dystrophines n’ont pas les mêmes profils d’expression aux niveaux tissulaire et cellulaire, ni les mêmes partenaires, ce qui pourrait expliquer cette variabilité de symptômes dépendante de chaque forme susceptible d’être impliquée dans des mécanismes cérébraux et cognitifs différents.

II. Les dystrophines et leurs partenaires

Les altérations cognitives observées chez les patients, tantôt légères comme soulevé par E. Meryon (Emery et Emery, 2011) ou à l’inverse, plus marquées (comme décrites par le Dr. Duchenne, 1868) soulèvent l’hypothèse d’une altération au sein du système nerveux central, reposant probablement sur différentes dystrophines, qui vont être affectées, ou non, en fonction de la position de la mutation dans le gène dmd.

1. La famille des dystrophines

Les dystrophines sont des protéines participant à l’architecture de la cellule, faisant le lien entre le cytosquelette d'actine, la membrane plasmique par l’intermédiaire de protéines transmembranaires en interaction avec des protéines de la matrice extracellulaire.

Figure 7 - Représentation schématique de la dystrophine et du complexe glycoprotéique associé aux dystrophines (dystrophin glycoprotein complex, DGC) dans le muscle squelettique.

Il faut envisager à présent la myopathie de Duchenne comme une maladie multi-protéique, où chaque forme de dystrophine va avoir son propre profil d’expression dans différents tissus et/ou types cellulaires, différents partenaires d’interaction en fonction de sa localisation et différentes fonctions.

La nomenclature pour la dystrophine est la même que celle de la Figure 3 (page 35). La dystrophine possède deux domaines d’interaction à l’actine en NT (exons 2-8) et aux hélices 11-15 (exons 32-41). Les hélices 1-3 (exons 10-16) interagissent avec la membrane plasmique, 16-17 (exons 42-45) avec l’oxyde nitrique synthase neuronale et 20-23 (exons 51-57) avec les microtubules. H4 (exons 61-64) et CR (exons 64-70) vont lier la sous unité β du dystroglycane. Enfin, le domaine CT (exons 70-79) interagit avec la syntrophine et la dystrobrevine. Les sarcoglycanes et le sarcospane ne vont pas interagir directement avec la dystrophine mais vont renforcer le complexe (D’après McGreevy et al., 2015 ; http://www.dmd.nl/DMD_home.html#protein).