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iii. Peur conditionnée en protocole de trace

Le premier jour, l’animal est familiarisé 5min à l’appareil (habituation). Le lendemain, il est soumis à une séance d’acquisition constituée d’une période d’acclimatation de 3min suivie de 6 essais séparés aléatoirement par 120, 180 ou 240s. Lors de chaque essai le SC (son de 80dB, 10kHz, 15s) précède l’arrivée du SI (choc électrique de 0.4mA, 2s), qui est délivré au niveau de la grille au sol après un intervalle de 30s (trace). La séance se termine 3min après le dernier choc.

Après un délai de 24h, la souris est placée dans un nouveau contexte et après une période d’acclimatation de 3 min, elle est soumise à une séance de rétention au cours de laquelle on lui présente trois fois le SC (3 fois 30s) avec un ITI de 1min (rétention indicée par le stimulus auditif). La séance se termine 1min après la dernière présentation.

Une seconde séance de rétention, visant à mesurer la peur conditionnée au contexte, est effectuée au minimum 3h plus tard. L’animal est alors replacé dans le contexte initial et le temps d’immobilité est mesuré durant 5min, sans qu’aucun son ou choc ne soit délivré.

iv. Analyse

Au cours de toutes ces phases expérimentales, les périodes d’immobilité des souris sont détectées par l’accéléromètre en continu et sont interprétées comme des réponses de peur (« freezing »). Le critère est une activité inférieure à un seuil arbitrairement fixé à 10 pendant plus d’une seconde (défini par comparaison avec des mesures manuelles en video-tracking). Ces périodes sont normalisées à la durée de la période d’enregistrement (pourcentage de freezing). Les données sont présentées sous forme de moyennes ± SEM et sont comparées par des analyses de variance (ANOVA) avec un facteur indépendant (génotype) et un facteur dépendant (paramètre mesuré) pouvant le cas échéant faire l’objet d’analyses en mesures répétées (jours d’apprentissage, blocs d’essais). Le seuil de significativité est fixé à p=0.05.

présentation des 5 SC (effet génotype : p > 0.8 ; interaction génotype × SC : p > 0.8). Durant les deux jours suivants (rétention 1 à 24h et rétention 2 à 48h), 16 SC (sons) ont été présentés sans SI. Les souris Dp71-null présentent une réponse de freezing similaire aux souris WT lors de chaque séance (rétention 1 : effet génotype : p > 0.1, effet génotype × SC : p > 0.4 ; rétention 2 : effet génotype : p > 0.6, effet génotype × SC : p > 0.2). Lors de la phase d’acclimatation (Figure 14A) de la rétention 1, les souris Dp71-null présentent des réponses de freezing légèrement plus longues que les WT mais cette différence n’est pas significative (p > 0.05). Par contre cette augmentation du freezing est significativement plus forte chez les Dp71-null lors de l’acclimatation de la rétention 2 (p < 0.01).

Nous avons ensuite tenté, dans un autre groupe de souris, de fragiliser l’apprentissage en réduisant le nombre de couples SC-SI lors de l’acquisition (Figure 14B). Cependant, nous observons toujours des performances similaires entre les génotypes pendant l’acquisition (acclimatation : p > 0.9, SC 1-3 : effet génotype : p > 0.1, évolution de la performance : p < 0.0001, interaction génotype × SC : p > 0.3), ainsi que pendant la rétention 1 (acclimatation : p > 0.9, SC 4-19 : effet génotype : p > 0.2, interaction génotype × SC : p > 0.5) et la rétention 2 (acclimatation : p > 0.8, SC 4-19 : effet génotype : p > 0.3, interaction génotype × SC : p > 0.8).

Dans un conditionnement dit « de trace » (Figure 14C), les souris Dp71-null effectuent un peu plus de freezing lors de la phase d’habituation (Dp71-null : 3.9%, WT: 1.4%, p = 0.02) et au cours de la période d’acclimatation lors de l’acquisition (Dp71-null : 9.7%, WT: 4.7%, p = 0.03). Cependant les réponses de peur sont comparables au cours du conditionnement en réponse aux 6 SC-SI (effet génotype : p > 0.2, évolution de la performance : p < 0.0001, interaction génotype × SC : p > 0.1). Lors du rappel indicé et du rappel dans le contexte initial, le lendemain, aucune différence n’est observée entre les génotypes (rappel indicé : acclimatation : p > 0.2, SC 1-3 : effet génotype : p > 0.8, interaction génotype × SC : p > 0.05 ; rappel du context : p > 0.9).

4. Discussion

De nombreuses études ont mis en évidence le rôle de la Dp71 dans la rétine chez la souris Dp71-null (Sene et al., 2009 ; Dalloz et al., 2003 ; Cia et al., 2014 ; El Mathari et al., 2015), et ont suggéré un rôle possible dans les fonctions sensorielles. C’est pourquoi il était important de vérifier son implication dans l’audition, d’autant que nous avons utilisé des stimuli auditifs dans nos tâches d’apprentissage au cours de cette étude. La mesure de l’ABR permet d’étudier à la fois l’intégration des stimuli auditifs au niveau sensoriel (cochlée) et au niveau central (noyau cochléaire). Nous n’avons trouvé aucune altération auditive chez la souris Dp71, malgré une analyse poussée de l’amplitude et de la latence des ondes auditives. Nous avons également mis en évidence dans l’une de nos publications (voir I Filtrage sensoriel et fonctions exécutives, page 107) que la souris Dp71-null ne présente aucun déficit dans le filtrage des stimuli sensoriels auditifs.

La Dp71 est la dystrophine majoritaire au niveau central, et nous avons montré son implication dans des tâches d’apprentissage et de mémoire impliquant la boucle

hippocampo-corticale (voir I Filtrage sensoriel et fonctions exécutives, page 107). De plus, la Dp71 est impliquée dans la neurotransmission glutamatergique, son absence entrainant une augmentation de la plasticité synaptique dans l’hippocampe (Daoud et al., 2009), mais également une altération de la balance excitation-inhibition corticale. Des études suggèrent aussi un rôle très important du glutamate dans les réponses de peur conditionnée et l’anxiété (voir Riaza Bermudo-Soriano et al., 2012 pour une revue). En effet, l’injection d’un antagoniste des récepteurs au NMDA dans les noyaux amygdaliens (latéral et basal) dégrade l’acquisition de la peur conditionnée à un son (Lee & Kim, 1998) et au contexte (Fanselow et al., 1994 ; Maren, 1996). Ici nous avons testé l’hypothèse d’altérations de la mémoire émotionnelle, qui peut impliquer un circuit de structures cérébrales incluant les noyaux amygdaliens, le thalamus et le cortex auditif (Herry & Johansen, 2014). En protocole de trace, le cortex entorhinal et perirhinal, l’hippocampe et le cortex préfrontal viennent s’ajouter au circuit (LeDoux 2000 ; Esclassan et al., 2009 ; Esclassan et al., 2009).

Malgré toutes les pistes suggérant que les processus impliqués dans la peur conditionnée pourraient être altérés chez la souris Dp71-null, nous ne trouvons aucune différence de comportement entre les souris WT et Dp71-null dans nos protocoles. De même, les tâches comportementales mettant en jeu le cervelet (coordination motrice, mémoire procédurale mise en jeu dans une stratégie de navigation en piscine) semblent peu affectées chez la souris Dp71-null (C. Vaillend, données non publiées). Ceci suggère que l’hyperexcitabilité neuronale induite par la perte de Dp71 affecte majoritairement les tâches impliquant la boucle hippocampo-corticale.

Ces expériences feront l’objet d’une publication, en étant complétées par des résultats mettant en évidence une augmentation de l’anxiété (Master II de Delphine Le Verger) et et des altérations du comportement social et des vocalisations (collaboration avec R. Miranda, Univresité de Madrid, Espagne) chez la souris Dp71-null.

Chapitre III

Restauration de la Dp427