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e. Plasticité synaptique et inhibition GABAergique

Sbriccoli et al. (1995) et Carretta et al. (2003 ; 2004) montrent une réorganisation des neurones du cortex sensori-moteur chez la souris mdx, qui sont moitié moins nombreux, plus petits et de forme plus ronde que les neurones pyramidaux des souris contrôles. Del Tongo et al. (2009) montrent une augmentation sélective du nombre d’interneurones GABAergiques à parvalbumine dans la couche CA2 de l’hippocampe (45%) et dans le gyrus denté (25%). En revanche, il ne semble pas y avoir de modification de l’organisation des neurones pyramidaux excitateurs dans l’hippocampe des souris mdx (Miranda et al., 2009), même si ces neurones sont plus sensibles à un stress hypoxique (Mehler et al., 1992). Cette absence de réorganisation dans l’hippocampe a très récemment été nuancée par la même équipe (Miranda, et al., 2016). Là où Sbriccoli et al. (1995) trouvent d’importantes réorganisations globales, dans l’hippocampe elles semblent plus localisées,

avec une diminution selon l’axe antérodorsal de la couche CA1 où les souris mdx présentent un déficit de densité neuronale pouvant atteindre 34%.

Au-delà de ces changements morphologiques, l’hypothèse actuelle expliquant les altérations cognitives s’oriente plutôt vers une altération de la fonction neuronale, portée par une malfonction synaptique associée à un déficit du complexe Dp427-DGC. Vaillend et

al. (1998) mettent en évidence une augmentation de la plasticité synaptique (i.e.,

potentialisation à long terme, ou LTP) dans la couche CA1 de l’hippocampe des souris mdx et précisent plus tard que cette augmentation de la LTP peut perdurer pendant plusieurs heures (Vaillend et al., 2004) et qu’elle est corrélée à des modifications ultrastructurales des synapses (Miranda et al., 2009 ; 2011). La même année, Anderson et al. (2004) montrent une réduction de la dépression à long terme dans les cellules de Purkinje du cervelet associée à une augmentation de la dépression à long terme homosynaptique (Anderson et al., 2010), suggérant des altérations de nature variable en fonction des circuits locaux étudiés au sein d’une même structure. Ces formes de plasticité ayant été associées aux processus de consolidation mnésique, on suppose actuellement un lien entre les déficits de mémoire et ces altérations de la plasticité synaptique chez la souris

mdx.

L’hypothèse majeure est une altération de la neurotransmission inhibitrice, la dystrophine et le dystroglycane colocalisant normalement avec les récepteurs du GABA dans les synapses inhibitrices des neurones (Vaillend, et al., 2010). Dans le système nerveux central, la perte de dystrophine et donc l’altération de son complexe associé conduit à une diminution de 40–70% des clusters de récepteurs GABAA dans l’hippocampe (Knuesel et

al., 1999), le cervelet (Grady et al., 2006) et l’amygdale (Sekiguchi et al., 2009).

Cependant, la dystrophine ne semble pas jouer un rôle direct dans l’ancrage membranaire des récepteurs du GABA (Brünig et al., 2002; Lévi et al., 2002), mais plutôt un rôle dans la stabilisation des clusters à l’aide des neurexines et des neuroligines, des protéines trans-synaptiques avec lesquelles la dystrophine interagit (Fritschy et al., 2003; Craig et Kang, 2007).

D’autres études neurophysiologiques viennent conforter ce rôle potentiel de la dystrophine dans la modulation du système inhibiteur GABAergique. A la fois dans le cervelet et dans l’hippocampe, la capacité de la bicuculline (un antagoniste des récepteurs du GABA) à moduler la neurotransmission glutamatergique est réduite chez la souris mdx (Anderson et

al., 2003; Vaillend et Billard, 2002) et l’inhibition GABAergique phasique, médiée par les

récepteurs synaptiques du GABA, l’est également (Fuenzalida et al., 2016). L’étude de Kueh et al. (2011) suggère aussi une réduction du nombre des récepteurs GABAergiques à la synapse dans les cellules du Purkinje, tandis qu’une augmentation de la réponse tonique induite par le gaboxadol (agoniste des récepteurs extrasynaptiques du GABA), suggère une augmentation du nombre des récepteurs extrasynaptiques GABAergique. Il est possible que la perte de Dp427 réduise la stabilité des récepteurs synaptiques qui pourraient alors diffuser vers les zones extrasynaptiques, mais il est également possible

que la composition en sous-unités des récepteurs soit modifiée chez la souris mdx (Fritschy et al., 2012).

De façon intéressante, l’altération GABAergique pourrait aussi impacter l’excitabilité neuronale induite par les récepteurs glutamatergiques AMPA/kainate (Yoshihara et al., 2003 ; De Sarro et al., 2004) et NMDA (Vaillend et al., 1999), compromettant, de fait, la balance excitation/inhibition cérébrale avec un effet modulateur facilitant certaines formes de plasticité synaptique. Une ré-expression de dystrophine induite par thérapie génique chez la souris mdx permet de restaurer les clusters de récepteurs GABAA et de normaliser la LTP dans l’hippocampe, ce qui est en faveur d’un rôle dynamique de la dystrophine dans ces mécanismes de plasticité du cerveau adulte (Vaillend et al., 2010 ; Dallérac et al., 2011).

Au-delà de la fonction GABAergique et glutamatergique, la perte de Dp427 est également associée à des altérations de la transmission nicotinique cholinergique dans l’hippocampe (Coccurello et al., 2002 ; Wallis et al., 2004 ; Ghedini et al., 2012 ; Parames et al., 2014 ; Cohen et al., 2015). Ceci pourrait refléter une adaptation du circuit hippocampique aux altérations GABAergiques et glutamatergiques, ces trois circuits étant fortement en interaction (Albuquerque et al., 2009).

La dystrophine complète ne semble donc pas seulement jouer un rôle de structure, comme dans le muscle, mais semble également être un acteur important de la dynamique des synapses centrales ainsi que de la neurotransmission GABAergique. Cette hypothèse d’une altération du système inhibiteur pourrait être à la base d’une partie des déficits physiologiques et cognitifs observés dans la DMD.

3. La souris Dp71-null : modèle du subphénotype de déficience

intellectuelle ?

La souris Dp71-null a été créée par transgénèse en insérant le gène de la β-Galactosidase dans le premier exon unique de la Dp71 (Sarig et al., 1999). A l’inverse de la souris mdx, très étudiée car elle est un bon modèle pour les essais de thérapie musculaire, la souris Dp71-null est beaucoup plus confidentielle, ne présentant pas de myopathie et n’ayant fait l’objet que de 12 études.

Elle n’est pas un modèle typique de DMD car la perte sélective de Dp71 n’a été vue que chez un seul patient (de Brouwer et al., 2014), cette perte étant généralement cumulée à la perte des autres dystrophines. Cependant ce cas clinique est très intéressant puisque ce patient présente une déficience intellectuelle mais pas de symptômes de myopathie. Bien que découverte dès 1989, l’étude de la protéine Dp71 n’est devenue incontournable que récemment, du fait de la mise en évidence de son rôle dans deux phénotypes non-musculaires majeurs: l’altération de la physiologie rétinienne et les atteintes cognitives. Actuellement, la grande majorité des études utilisant la souris Dp71-null s’intéressent à la question rétinienne.