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Perception, apprentissage associatif et fonctions exécutives

Rôle de la dystrophine complète (Dp427)

I. Perception, apprentissage associatif et fonctions exécutives

1. Contexte de l'étude

La dystrophie musculaire de Duchenne est un syndrome neuromusculaire lié à une mutation dans le gène dmd du chromosome X qui conduit à la perte de la dystrophine, protéine du cytosquelette, normalement exprimée à la fois dans le cerveau et dans le muscle. Le phénotype des patients est très hétérogène, associant des altérations cognitives variables et non évolutives à une dégénération musculaire progressive. Cette variabilité s’explique par la complexité du gène dmd, qui code pour 6 dystrophines de taille variable possédant chacune plusieurs variants d’épissage. La perte de la forme la plus courte (Dp71) aggrave fortement le phénotype cognitif, cependant, de nombreuses études suggèrent que la perte de la dystrophine complète (Dp427) peut suffire pour induire des altérations cognitives. Les fondements de ces déficits pourraient résider dans son expression cérébrale, au niveau des synapses inhibitrices de l’hippocampe, du cervelet et des aires corticales. Ces régions sont connues pour jouer un rôle dans les processus du langage, de la lecture, de l’apprentissage visuospatial, de la mémoire à court et long terme, ou encore de la mémoire de travail, fonctions qui sont altérées chez les patients DMD.

2. Méthodologie

Dans ce travail, nous avons entrepris une vaste étude comportementale, chez la souris

mdx déficiente en dystrophine Dp427. Pour les tests comportementaux, nous avons utilisé

des souris âgées de 10 à 16 semaines, période où l’animal ne présente que peu de symptômes musculaires, afin de n’avoir qu’une faible incidence sur la locomotion dans les tâches comportementales. Des femelles hétérozygotes (mdx/+) sont accouplées avec des mâles mdx (mdx/Y) afin d’obtenir dans la même portée des mâles sauvages WT (+/Y) et des mâles mdx (mdx/Y), générant des groupes expérimentaux le plus homogène possible en terme de proximité génétique en dehors de la présence de la mutation.

Les méthodologies utilisées dans cette étude sont relativement classiques et basées sur des tests dont les bases anatomo-fonctionnelles sont connues. Nous avons tout d’abord vérifié l’intégrité de la perception et du filtrage sensoriel auditif, avant d’utiliser ces stimuli dans des tâches d’apprentissages associatifs. La vérification de l’audition des animaux, nécessaire au vu de la littérature, a été réalisée en collaboration avec l’équipe de J.-M. Edeline, spécialisée dans ce domaine. Puis, nous avons étudié la mémoire émotionnelle en variant les protocoles expérimentaux afin de discriminer l’implication des différentes structures cérébrales classiquement impliquées dans le « circuit de la peur ». Pour aborder les fonctions exécutives, nous avons étudié la mémoire de travail, particulièrement sa sensibilité aux interférences proactives dans des tâches d’apprentissages spatiaux où des informations nouvellement acquises doivent être mises à jour continuellement pour la réussite de la tâche. Nous avons également analysé la flexibilité comportementale dans

des protocoles impliquant l’adaptation des stratégies d’apprentissage en réponse à des changements de règle.

Les analyses immunohistochimiques ont été réalisées sur du tissu frais (non perfusé), afin de mieux discerner le marquage ponctiforme typique des clusters de dystrophines au niveau de la membrane postsynaptique des synapses inhibitrices, qui est sensible aux conditions de fixation des tissus.

3. Résultats

Nous avons premièrement confirmé la présence de la dystrophine dans toutes les aires corticales, l’hippocampe et l’amygdale. Particulièrement exprimée dans les neurones pyramidaux de la couche CA1-CA4, le marquage est plus diffus dans les zones corticales et dans l’amygdale, probablement du fait d’une dispersion plus importante des neurones corticaux par rapport aux couches denses des régions CA1-CA4 de l’hippocampe. Bien que d’anciennes études aient détecté la présence de dystrophines dans la cochlée (Dodson et al., 1995), dans l’aire auditive primaire (dans notre article) et qu’une faible expression soit possible dans le tronc cérébral (Lidov et al., 1993), l’absence de Dp427 chez la souris mdx ne semble pas impacter l’audition de l’animal, ni sa capacité à filtrer les informations auditives dans le test d’inhibition du réflexe de sursaut.

La sensibilité à la douleur induite par un choc électrique n’est pas altérée chez les souris

mdx et elles montrent un phénotype identique aux souris WT dans un test d’évitement

passif. En revanche, et c’est un résultat majeur de l’étude, la souris mdx présente un retard d’acquisition dans un conditionnement de peur dépendant de l’amygdale, basé sur l’association entre un stimulus auditif (stimulus conditionnel) prédictif de l’émission d’un choc électrique (stimulus inconditionnel). Nous avons également confirmé la présence d’un déficit de rétention mnésique à un délai de 24h dans cette tâche, et une légère altération des performances au cours de l’acquisition d’un apprentissage spatial en piscine. Par contre les souris mdx n’ont pas présenté de déficit de performance lors d’un changement de règle dans des tâches impliquant la mémoire de référence spatiale en piscine ou dans un labyrinthe radial.

4. Conclusion

Les déficits de mémoire à long terme de la souris mdx dans divers tests suggèrent que la perte de la dystrophine complète (Dp427), altération commune à l’ensemble des patients DMD, est à l’origine d’altérations des processus d’acquisition et/ou de consolidation mnésique. Les altérations que nous avons mises en évidence, d’acquisition et de rétention à long terme dans des tâches de peur conditionnée, suggèrent que les bases neuroanatomiques de ces altérations reposeraient sur un circuit impliquant l’amygdale et l’hippocampe. Par contre, l’absence de dystrophine ne modifie pas la perception et le filtrage de stimuli sensoriels, ni la mémoire de travail spatiale ou la flexibilité comportementale. La dystrophine semble ainsi jouer un rôle principalement dans les processus d’acquisition et de rappel d’apprentissages, en accord avec la littérature récente qui montre que les variants mononucléotidiques de la dystrophine ont un impact sur la

cognition dans une population humaine saine. Par contre, l’hypothèse d’un rôle de la Dp427 dans les fonctions exécutives n’est pas validée dans ce modèle murin, et les altérations spécifiques de ces processus cérébraux pourraient dépendre de mutations affectant d’autres formes de dystrophines.

Article n°1

Cognitive dysfunction in