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Type VI Episodes mixte labile-agité dans la survenue de démence.

II. TROUBLES BIPOLAIRES : SPECIFICITES CHEZ LES SUJETS AGES

2.2. Troubles bipolaires du sujet âgé : définition et sous-types.

En introduction, nous pouvons dire que la question de la schizophrénie chez le sujet âgé est mieux documentée que celle du trouble bipolaire. On distingue les patients atteints de schizophrénie à l’âge adulte et qui vieillissent, avec classiquement une majoration des signes négatifs de la maladie, et les patients qui déclarent les troubles tardivement : on parle alors de schizophrénie tardive. En 1911 Ballet introduit le concept de « psychose hallucinatoire chronique », qui restera français, C’est finalement Bleuler qui, en 1943, emploiera le terme de « schizophrénie à début tardif ». Il s’agit de formes survenant après 40 ans, plus fréquemment chez les femmes, avec un meilleur fonctionnement pré-morbide, et corresponds à une forme paranoïde et hallucinatoire avec troubles sensoriels fréquents (hallucinations olfactives ou visuelles notamment), avec un thème de persécution, associée à moins de symptômes dissociatifs et négatifs mais généralement un isolement social. En 2000, Howard et al. publient un article qui fait référence et distingue deux formes : la « Late Onset Schizophrenia ». qui débuterait après 40 ans (et correspondrait à 20 % cas) et la « Very Late Onset Schizophrenia- Like-Psychosis » qui débuterait plutôt après 60 ans (70 % des cas). Le DSM-5 ne présente pas de section spécifique chez le sujet âgé, mais le critère d’âge pour poser le diagnostic a été supprimé depuis le DSM-3 (63).

Si le trouble bipolaire peut se manifester à tout âge de la vie, y compris chez le sujet âgé, cette notion reste encore méconnue dans la littérature. En population âgée, il convient de distinguer plusieurs sous-types de trouble bipolaire, que nous allons essayer de définir.

a. Troubles bipolaires débutants à l’âge adulte et Late Onset Bipolar Disorder (LOBD)

Plusieurs auteurs ont proposé une classification des troubles bipolaires chez le sujet âgé en fonction de l’âge d’apparition des troubles. Classiquement, on distingue les formes à début précoce, et les formes à début tardif.

Les troubles bipolaires débutant à l’âge adulte

Il s’agit des troubles de l’humeur ayant débuté à l’âge adulte par des épisodes maniaques et dépressifs, avec au moins dans l’histoire de la maladie une récurrence maniaque ou hypomane (64).

Le terme « Early Onset Bipolar Disorder » est parfois employé dans la littérature (troubles bipolaires à début précoce), mais il nous semble qu’il prête à confusion car il est également très souvent employé pour les formes débutant avant 18-21 ans, et associées à des caractéristiques particulières. Nous éviterons donc de l’employer dans la suite de notre travail.

Les troubles bipolaires à début tardif (« Late Onset Bipolar Disorder » LOBD). Il s’agit d’une forme où une manie/hypomanie apparaît tardivement, en l’absence de tout épisode thymique antérieur (64) (65).

Ce sous-type inclut également les individus ayant présenté des épisodes dépressifs, mais pas d’épisode maniaque avant un âge avancé. Certains auteurs les considèrent comme des formes à « bipolarisations tardives » avec un début unipolaire dépressif à l’âge adulte, pour se démasquer tardivement avec un premier épisode d’humeur haute ; ainsi, 5 à 18 % des troubles dépressifs récurrents deviendraient des formes à bipolarisation tardive. Une latence de 10 à 17 ans est observée entre le premier épisode dépressif et le premier épisode maniaque ; 48 à 54 % de ces sujets font au moins 3 épisodes dépressifs au cours de cette période (66).

b. Question de l’âge pour définir les sous-types

Le premier problème auquel l’on se retrouve confronté, en examinant la littérature, est celui de la variation importante de l’âge seuil selon les auteurs pour distinguer ces deux entités.

En pratique et dans de nombreuses études, l’âge utilisé pour délimiter les troubles bipolaires de début précoce ou tardif chez le sujet est bien souvent celui de 60-65 ans. Il semble s’agir d’un âge intéressant pour parler de « population bipolaire gériatrique », mais est-il vraiment adapté comme âge seuil pour définir la bipolarité tardive ?

Pour Angst (1986), il existerait 2 phases possibles pour déclencher une maladie bipolaire, la deuxième phase correspondant à une éclosion tardive des troubles entre 45 et 50 ans,

principalement dans la population féminine. Il propose ainsi de distinguer les formes précoce et tardive, à partir de cette limite d’âge de 45 ans (67).

- Des études (« admixture » ou mélange de distribution) reposent sur 3 sous-groupes de patients en fonction du premier épisode d’humeur haute (début précoce, intermédiaire et tardif) avec deux valeurs seuils de 21 (21-33 ans [ET 1,41]) et 35 ans (34-67 ans [ET 5,52]) (55).

- A partir de sous-groupes cliniques homogènes, un trouble bipolaire a pu être qualifié de « à début tardif » quand il débute après 33-46 ans (68) (69) (70). Les études s’intéressant plus particulièrement aux sujets âgés prennent en compte un cut-off de 40 ans (71) (72) ou 50 ans, à partir de la date de première hospitalisation pour manie (73) (74) (75).

Figure 4 : Distribution théorique des âges de début de 579 patients avec un trouble bipolaire de type 1, répartis en 3 sous-groupes (d’après Belliver et al, 2003).

c. Formes précoces et tardives : une dichotomie controversée…

La dichotomie entre la forme débutante à l’âge adulte et la forme tardive (LOBD) est controversée, et souvent remise en question.

Dans une étude réalisée dans les services de santé australiens entre 1980 et 1998, dont les résultats ont été revus par Almeida et Fenner et publiés en 2002 (68), il n’a pas été mis en évidence de preuve d’une distribution bimodale de l’âge de début de la maladie. Cette conclusion aurait pu s’expliquer par le fait de diagnostics plus importants voire posé à tort de « trouble mental de cause organique » plutôt que de LOBD. Cependant, la fréquence des patients ayant reçu le diagnostic de trouble mental organique au cours de la période de l'étude était très faible (0,8%) et ne pouvait expliquer correctement les résultats de l'étude.

Figure 6 : Distribution de fréquence des cas de trouble bipolaire en Australie occidentale en fonction de leur âge au début (d’après Aleida et Fenner, 2002)

Une différence entre troubles bipolaires d’apparition très précoces (classiquement avant 18-21 ans) et bipolarité plus tardive semble être établie dans la littérature. Une étude publiée en 2000 de Shurnoff et Bellivier, partant du postulat que l’âge au début des troubles pourrait être indicateur de sous-types cliniques plus homogènes de bipolarité, a cherché à voir si la maladie bipolaire à début très précoce ou tardif représentait deux formes différentes de maladie bipolaire en termes de caractéristiques cliniques, de comorbidité et de risque familial. Parmi un échantillon de 210 patients bipolaires recrutés de manière consécutive, ils ont ainsi comparé les patients bipolaires débutants (avec pour âge seuil : avant 18 ans - N = 58) et ceux qu’ils considéraient comme d’apparition tardive (avec pour âge seuil après 40 ans, N = 39). Leur

résultat montrait que le groupe à l'apparition très précoce présentait la forme la plus grave de trouble bipolaire, avec davantage de caractéristiques psychotiques (p = 0,03), des épisodes plus mixtes (p = 0,01), une plus grande comorbidité avec trouble panique (p= 0,01) et une réponse prophylactique au lithium moins bonne (P = 0,04). Les parents au premier degré de patients à l'apparition très précoce présentaient également un risque plus élevé de troubles affectifs (p = 0,0002) (69).

Une telle différence n’a, à notre connaissance, pas été mise en évidence aussi clairement chez le sujet âgé entre les formes débutant à l’âge adultes (que nous appelons « précoces ») et les LOBD, même s’il semble se dégager certaines spécificités, sur lesquelles nous essayerons d’apporter un éclairage.