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Type VI Episodes mixte labile-agité dans la survenue de démence.

« DEMENCE BIPOLAIRE « MA Lenteur

4.3.3. LOBD : hypothèses étiologiques

A la lumière de notre revue, nous pensons qu’il convient de revenir sur la question plus spécifique des formes à début tardif. L’hétérogénéité retrouvée au sein des études sur les LOBD concernant l’épidémiologie, la clinique, le pronostic général ou cognitif nous fait suspecter qu’il pourrait exister différents sous-types au sein même des troubles à début tardif, même si une fois encore nous devons faire preuve de prudence, car il n’existe pas de définition consensuelle. Il semblerait que certains tableaux soient plus « typiques » d’un trouble de l’humeur, alors que d’autres soient évocateurs d’une intrication entre bipolarité et démence. Rappelons qu’Akiskal proposait l’appellation « trouble bipolaire de type VI » pour désigner les épisodes mixtes labiles-agités concomitants de la survenue d’un déclin cognitif sévère. Azorin et al, ont proposé en 2012 une revue systématique des études portant sur les formes à début tardif envisagées sous l’angle des troubles bipolaires de type VI, et en explorant les éventuels liens avec les démences (21). Cependant, la notion de trouble bipolaire type VI est désormais moins utilisée.

Nous avions évoqué qu’il était possible selon nous d’envisager trois hypothèses étiologiques aux LOBD : neurodéveloppementale, organique et neurodégénérative.

Hypothèse neurodéveloppementale : vulnérabilité moindre à la maladie bipolaire

Il s’agit de la principale hypothèse étiologique du trouble bipolaire de manière générale. Une maladie liée au neurodéveloppement apparait dès les premières années et qui continue d’évoluer au cours de la vie. Les recherches sur cet aspect dans la maladie bipolaire découlent des travaux réalisés dans le champ de la schizophrénie et du constat d’un possible recouvrement étiologique et phénotypique entre ces deux entités. On soupçonne des anomalies cérébrales d’origines génétiques ou acquises de manière très précoce, en se basant sur un faisceau d’arguments génétiques, cliniques (dont les NSS, les anomalies cognitives et d’imagerie morphologique et fonctionnelle). D’après plusieurs auteurs, la LOBD ne serait pas nécessairement à relier avec un processus organique, mais pourrait être l’expression d’une vulnérabilité atténuée à la maladie bipolaire (c’est-à-dire qu’elle ne se serait pas manifestée plus tôt du fait de son caractère moins intense) (286)(287)(288). Le trouble bipolaire se déclencherait alors tardivement, du fait de facteurs hétérogènes, comme par exemple de modifications physiologiques associées à l’avancée en âge : réduction du temps de sommeil total et dérégulation de l'axe hypophyse-surrénale avec élévation du taux de cortisol ainsi que du métabolisme dopaminergique (21).

Hypothèse organique : manies secondaires

Plusieurs auteurs se sont prononcés en faveur d’une origine organique aux LOBD chez le sujet âgé, même lorsque les causes ne sont pas retrouvées. En effet, on retrouve plus de manies secondaires pour ce sous-type, ce qui soulève diverses questions : rôle des lésions cérébrales associées, éventuelles spécificités évolutives, pronostiques et thérapeutiques (289) (48). Le concept de manie secondaire a été présenté par Krauthammer et Klerman qui élaborent en 1978 les critères diagnostiques (290) pour décrire une sous-forme de maladie bipolaire associée à une grande variété de facteurs organiques, qui pourraient être responsables de la survenue des troubles. Ils mettent notamment en avant un manque de prédisposition familiale et d'antécédents psychiatriques (et notamment de trouble affectif), par opposition aux « troubles bipolaires primaires », associés à une prédisposition génétique plus marquée, comme l’indique notamment la revue de Depp et al. publiée en 2004 (66).

La revue de Sami et al. publiée en 2015 a essayé répertorier tous les cas de premier épisode de manie ou d’hypomanie de survenue tardive, après 50 ans. 82% des 35 cas identifiés avaient une cause organique ou iatrogène sous-jacente soupçonnée. Des facteurs de risque vasculaire étaient relevés dans 48% des cas, dans 28% des cas le traitement de la cause suspectée a permis la rémission complète. Cependant, il convient de noter que cette revue est soumise à un biais de publication (tous les cas de manie secondaire n’ont pas été rapportés) (291).

Par ailleurs, Nilsson et al. a montré que les patients atteints de trouble neurocognitif sévère étaient 10 fois plus susceptibles de présenter un épisode maniaque dans les 6 mois du suivi, et que la probabilité était 21,1 (à 6-12 mois) et 6,9 (après 12 mois) fois plus importante que pour les sujets témoins de recevoir un diagnostic de manie secondaire. D’après les études répertoriées par Azorin et al. (2012), dans le cas des lésions cérébrales (épilepsie focale, AVC, tumeurs cérébrales ou lésions secondaires à un traumatisme crânien), les troubles affectifs associés pourraient être en lien avec la localisation des lésions. Un tableau de dépression serait plus souvent observé en cas de lésions proches du lobe frontal de l’hémisphère gauche. Plusieurs études ont montré une association significative entre « syndrome de désinhibition » (comportement social légèrement inadapté jusqu’à manie secondaire), et dysfonctionnement orbitofrontal et basotemporal droit (hypersignaux sous-corticaux, diminution du flux sanguin cérébral et infarctus cérébraux silencieux). Une aggravation des symptômes sous antidépresseurs (et notamment des troubles du comportement), une inefficacité des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (21) et une relative préservation sous thymorégulateurs (98) ont également été constatées.

Hypothèse neurodégénérative des formes à début tardif

Nous l’avons vu, une maladie neurodégénérative se caractérise par une perte neuronale progressive de localisation variable, survenant le plus souvent après l’âge de 60 ans , associée à une altération de fonctions acquises, avec complications cognitives, mais possiblement aussi émotionnelles, motrices, perceptives… Leur évolution est variable en termes de rapidité, d’étendue du déclin.

L’origine des maladies neurodégénératives est mal déterminée, et si la génétique semble impliquée dans un certain nombre de cas, elles surviennent souvent de manière isolée. Il existe d'autres causes supposées (environnementales notamment), mais celles-ci ne sont pas toujours clairement établies.

Il est possible de formuler l’hypothèse d’une étiologie neurodégénérative, pour certains troubles bipolaire, et plus particulièrement pour les formes d’apparition tardive. En effet, nous avons vu que pour quelques auteurs, certaines LOBD (essentiellement manies d’apparition « très tardive », après 60 ans) semblent plus souvent associées à des troubles cognitifs, sans pour autant qu’une autre étiologie démentielle ne puisse être avancée, ce qui permet d’envisager cette possibilité.

Il est également possible de se demander si certaines formes de maladies bipolaires se manifestant plus tôt ne pourraient pas constituer des formes de neurodégénératives précoces, associées à un vieillissement spécifique parfois caractérisé de trouble démentiel pseudo- psychiatrique, voire de façon provocatrice de « démence bipolaire ».