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Type VI Episodes mixte labile-agité dans la survenue de démence.

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4.4. Troubles cognitifs et maladie bipolaire : prévention et prise en charge

4.4.1. Pharmacologie et neuroprotection

Le choix des psychotropes dans le trouble bipolaire doit être entrepris de manière à minimiser les effets secondaires neurocognitifs. Cependant, certaines molécules (nous parlerons principalement ici des régulateurs de l’humeur) sont associées à une neuroprotection, par stabilisation thymique (limitation du stress oxydatif), voire pas d’autres mécanismes potentiels, notamment pour le lithium.

Lithium et neuroprotection

Le lithium semble moduler plusieurs mécanismes homéostatiques impliqués dans la réponse neurotrophique, l'autophagie, le stress oxydatif, l'inflammation et la fonction mitochondriale. Plusieurs études ont montré que ce traitement atténue l’activation des protéines kinases C dans l’hippocampe et le cortex frontal, à l’origine de modification de la neuroplasticité (261). Dans la MA, la proteine tubulin associated unit (tau) est présente à un taux anormalement élevé et sous forme hyper-phosphorylée aboutissant à la formation de plaques amyloïdes. Des études sont en faveur d’une implication du lithium dans la cascade amyloïde en inhibant la tau phosphorylation et la production du peptide β amyloïde par blocage de la GSK-3 β (292).

Nunes et al., dans une étude publiée en 2007, ont comparé la prévalence de la MA chez des patients âgés diagnostiqués bipolaires, euthymiques et sous lithothérapie (N=66) et chez d’autres patients bipolaires, traités par d’autres thymorégulateurs (N=48). La prévalence de la démence dans l'ensemble de l'échantillon était de 19% contre 7% dans une population d'âge comparable. La MA a été diagnostiquée seulement chez 3 patients (5%) sous lithium, et chez 16 patients (33%) qui ne bénéficiaient pas de ce traitement. Le lithium réduirait donc bien la prévalence de la MA chez les sujets bipolaires (293). Ce résultat a pu être confirmé dans une étude observationnelle réalisée sur une large cohorte (tous les patients sous prescription de lithium et pour lesquels une démence a été diagnostiquée au Danemark entre 1995 et 2005). La poursuite du traitement au lithium est associée à une réduction du taux de démence au même niveau que celui observé dans la population générale, confirmant ainsi l’hypothèse d’un effet neuroprotecteur du lithium sur le long terme (294). Le lithium est à l’étude chez les sujets non atteint de trouble bipolaire pour la prévention des troubles cognitifs de la MA dans les cas de déficience cognitive légère, où il semble associé à une amélioration clinique et un taux inférieur de protéine tau phosphorylée dans le LCR (295).

Sur un plan anatomique, divers travaux ont pu suggérer une préservation, voire une augmentation de la substance grise et de certaines structures/fonctions cérébrales sous traitement au long cours par lithium chez des patients bipolaires. Les principaux résultats reposent sur une augmentation du volume de l’hippocampe et de l’amygdale (296). Cette hypothèse pourrait concerner préférentiellement les patients pour lesquels le lithium est cliniquement efficace sur le plan de l’humeur (297).

Ces travaux viennent d’être très récemment confirmés en IRM cérébrale par tenseur de diffusion, en retrouvant chez les patients bipolaires sous lithium une densité de neurite moyenne supérieure à celle des sujets sans lithium, et comparable aux témoins. Les auteurs concluent à un effet neuroprotecteur, voire neurotrophique du lithium (298).

Citons enfin les résultats d’une étude sur le raccourcissement de longueur télomérique dans la bipolarité, sauf auprès des patients traités par lithium. Les auteurs soulèvent la piste d’un vieillissement cellulaire ralenti par la lithiothérapie (251).

Chez le sujet âgé bipolaire, qu’il s’agisse d’une LOBD ou d’une forme d’apparition plus précoce, le lithium constitue donc une piste thérapeutique très intéressante, surtout s’il est bien toléré et s’il est cliniquement efficace sur les symptômes thymiques.

Anti-épileptiques et neuroprotection

Les anti-convulsivants jouent également un rôle sur la voie des protéines kinases, mais de manière probablement différente du lithium. Le valproate, la carbamazépine et la lamotrigine influent sur l’inhibition des canaux sodiques voltages-dépendants, et entraînent une diminution du sodium intracellulaire et donc de l’excitabilité intra-cellulaire au niveau du système nerveux. Les mécanismes d’action de la lamotrigine sur les canaux sodiques voltages dépendants sont encore indéterminés (299)(263) ; si certaines études montrent des atteintes cognitives mineures sous valproate, elles sont encore réduites et éparses mais suggèrent malgré tout un effet plutôt neuroprotecteur de ce traitement. La lamotrigine est le traitement anti-convulsivant qui semble être le mieux toléré sur le plan neurologique, associé à une neuroprotection pour la grande majorité des auteurs. Cependant, rappelons que ce traitement est plus régulièrement étudié chez les patients diagnostiqués bipolaires de type 2 et/ou avec valence dépressive prédominante. Ce point peut constituer un biais non négligeable, puisque les patients peu exposés à des phases maniaques présentent souvent moins de co-prescriptions (notamment d’antipsychotiques), et donc potentiellement moins de détérioration cognitive. Sur la carbamazépine, les données de la littérature sont plus contrastées et difficilement interprétables.

Cas des neuroleptiques

L’effet neurotoxique des neuroleptiques sur la cognition dans le trouble bipolaire semble établi. Ils semblent par contre souvent associés à un meilleur pronostic cognitif chez les patients atteints de schizophrénie (par amélioration des symptômes de la maladie), en tous cas pour les antipsychotiques de seconde génération. Nous n’avons pas trouvé d’études permettant de mettre en évidence d’effet neuroprotecteur des neuroleptiques à court ou long terme chez les sujet âgés bipolaires, sauf à souligner différents profils de tolérance. Deux études suggèrent toutefois une amélioration des fonctions cognitives chez des patients souffrant de bipolarité. La première étude comparait olanzapine versus valproate en phase maniaque. La seconde comparait l’olanzapine à un placebo chez des sujets euthymiques, avec une différence modérée mais significative sur les troubles cognitifs en faveur du groupe traité (263). Ainsi, les résultats de la littérature restent hétérogènes. La plupart des études vont dans le sens d’une neurotoxicité, même si dans certains cas, la cognition pourrait peut-être être améliorée sous antipsychotiques, à condition que le traitement soit prescrit de manière prudente chez le sujet âgé.

Sismothérapie :

La sismothérapie est associée à peu de troubles cognitifs sur le long terme chez le sujet âgé, et représente un outil de choix pour des épisodes thymiques sévères et résistants (en évitant notamment les polymédications (et donc de la majoration de troubles cognitifs), ou encore pour les formes graves avec un risque vital à court terme. L’ECT n’est pas contre-indiquée en cas de démence, et n’aggrave pas non plus un syndrome extra-pyramidal. En répertoriant les études publiées de 1947 à 2010 sur l’ECT chez le sujet âgé souffrant de pathologie démentielle avec épisode dépressif majeur et/ou trouble du comportement, une revue de la littérature montre que la sismothérapie s’avère souvent plus efficace et sûre que la pharmacothérapie. Les effets indésirables somatiques ne sont pas plus importants que chez les sujets adultes jeunes et il n’a pas été montré d’aggravation des troubles cognitifs. Ces résultats restent cependant à confirmer par des études contrôlées et randomisées (118).

Autres :

- Médicaments utilisés dans les démences : l’efficacité des médicaments utilisés dans la MA a récemment été remise en question. Les anticholinestérasiques sont néanmoins encore souvent utilisés à des stades légers et modérés de la MA, à partir de modestes améliorations sur le plan des performances cognitives (mémoire de travail, attention et traitement de l’information) et sur les troubles du comportement associés aux démences. L’ebixa (mémantine ®) est parfois utilisée à des stades sévères de MA, des études semblant montrer une amélioration sur le fonctionnement cognitif global. Dans la maladie bipolaire du sujet âgé associée à des troubles cognitifs, le donépézil (aricept ®) est à l’étude quant à l’amélioration des troubles cognitifs, et a montré des résultats positifs chez des patients bipolaires de type 2 et de type non spécificiés, stabilisés. Cependant, ce médicament ne doit pas être employé chez les patients atteints de trouble bipolaire de type 1, en raison d’un risque de virage de l’humeur maniaque. Dans des séries de cas, la galantamine (reminyl®) et l’ebixa (mémantine ®) auraient amélioré le fonctionnement cognitif global de patients atteints de troubles bipolaires (300). Des études sont en cours concernant une éventuelle efficacité des anti-parkinsoniens sur les troubles cognitifs dans la maladie bipolaire. Le pramipexole (agoniste de la dopamine) n’a pas montré d’efficacité versus placebo, mais une analyse multivarée a montré une amélioration significative versus placebo auprès de patients bipolaires stabilisés, avec amélioration de la vitesse de traitement et de la mémoire de travail (300).

- Autres médications à visée somatique : une étude a montré une amélioration des fonctions cognitives de 11% chez les patients prenant de l’Erythropoïetine (EPO) quotidiennement, contre 2% chez ceux prenant le placebo (301). D’autres pistes sont en cours d’exploration, pour l’amélioration des troubles cognitifs dans la maladie bipolaire : insuline intra-nasale, médicaments agissant sur l’axe hypothalamo-hypophysaire afin de limiter la décharge en cortisol (mifepristone, antagonistes des récepteurs de corticostéroïdes), anti-oxydants (N-acétyl cystéine) pour limiter l’inflammation ; vitamines B9 (acide folique) et B12 (cobalamine) pour réduire les niveaux d’homocystéine (302).