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Troubles acquis rares

Physiopathologie des thromboses :

E- Les causes générales :

2.1. Troubles acquis rares

i. Les syndromes myéloprolifératifs (SMP)

Les syndromes myéloprolifératifs constituent une des causes principales des thromboses veineuses digestives. Dans certaines études récentes, ils sont retrouvés chez environ un tiers des patients [60]. Ils représentent ainsi la première étiologie, lorsque sont exclus les cas de cirrhose et de cancer. Il s’agit habituellement d’adultes jeunes, chez qui la thrombose digestive est la manifestation inaugurale du SMP.

Ces SMP à chromosome Philadelphie négatifs peuvent avoir une expression clinique propre ou exister sous une forme occulte, sans anomalie évocatrice du sang périphérique, ne se révélant qu’au fur et à mesure de leur évolution. Les études suggèrent que ces SMP latents prédisposent à la formation de thrombose veineuse digestive, en particulier les thromboses porto mésentériques. Les causes admises de ce risque thrombotique sont principalement la thrombocytose et l’augmentation de la viscosité sanguine. Mais ces facteurs sont absents en cas de forme latente, si bien qu’il

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est supposé un rôle d’une dysfonction des plaquettes, ou de médiateurs entrainant une activation des plaquettes ou érythrocytes [59].

Dans le contexte des thromboses veineuses digestives, l’hémodilution, les saignements occultes et l’hypersplénisme peuvent dissimuler des modifications hématologiques périphériques utilisées comme critères diagnostiques des SMP [61]. Ainsi, la biopsie ostéomédullaire est l’examen de référence dans le diagnostic des SMP latent. Cet examen recherche des modifications morphologiques spécifiques, notamment une mégacaryopoïèse anormale. L’interprétation est complétée par des études cytogénétiques.

Récemment, une mutation ponctuelle de la tyrosine kinase Janus kinase 2 (JAK2) a été la découverte. Elle est très fortement associée à l’existence de syndromes myéloprolifératifs déclarés ou latents. Cette mutation entrainerait une hématopoïèse exagérée, liée à une hypersensibilité́ à l’érythropoïétine, ainsi qu’une indépendance vis-à-vis des facteurs de croissance [58]. De plus, cette dernière est facilement identifiable par sa recherche sur l’ADN des leucocytes du sang veineux périphérique.

Certaines données suggèrent que parmi les patients atteints de SMP, le risque de thrombose serait plus important chez les patients présentant une mutation JAK 2 [62]. La prévalence de cette mutation parmi les patients atteints de thrombose veineuse digestive a été évaluée dans plusieurs études [58, 62, 63, 64] et montre une variabilité importante (de 17,1% à 41.3%).

Enfin, d’autres mutations ont récemment été identifiées comme pouvant représenter d’autres marqueurs moléculaires permettant un diagnostic chez les patients ne présentant pas la mutation JAK 2 V617F : la mutation du récepteur de la thrombopoïetine MPL, les mutations de l’exon 12 de JAK 2. A l’heure actuelle leur recherche n’est pas usuelle, mais pourrait être validée dans un avenir proche [64].

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Figure 18 : Algorithme décisionnel pour le diagnostic des SMP.

ii. Le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL)

Les anticorps antiphospholipides forment un groupe hétérogène d’auto-anticorps dirigés contre des phospholipides anioniques, ou contre des protéines à forte affinité pour ces phospholipides. Cette hétérogénéité se traduit également par des différences de pathogénicité. En effet, certains anticorps transitoires retrouvés lors d’infections ou de cancers sont sans conséquence clinique. Par ailleurs, d’autres anticorps permanents peuvent participer au syndrome des antiphospholipides [65].

Les critères biologiques de définition du SAPL comportent la mise en évidence d’un lupus anticoagulant, d’anticorps anticardiolipides Ig G ou M de titre moyen ou fort, ou d’anticorps anti-β2GPI sur deux prélèvements. Ces tests doivent être réalisés au moins douze semaines et au plus cinq ans après les manifestations cliniques. La recherche des types d’anticorps antiphospholipides est fondamentale. En effet, le risque thrombotique diffère selon le type d’anticorps et les différentes combinaisons. Il

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est de 2 pour un anticorps anticardiolipide ou antiβ2GPI, environ 10 pour un lupus anticoagulant et plus de 30 en cas de présence simultanée de ces trois types.

Les mécanismes physiopathologiques des thromboses associées au SAPL rassemblent plusieurs hypothèses. La première concernerait leur capacité à perturber les mécanismes anti thrombotiques physiologiques comme le complexe protéine C activée/protéine S. Une autre hypothèse soulève que la formation de thrombose serait liée à l’activation endothéliale de l’antithrombine ou à des processus d’activation cellulaire comme l’activation plaquettaire ou l’expression accrue des molécules d’adhérence par les cellules endothéliales [65].

Le SAPL survient le plus souvent dans des contextes cliniques différents. C’est le cas lors du lupus érythémateux disséminé, de la polyarthrite rhumatoïde, de la maladie de Horton et du syndrome de Gougerot-Sjögren. De façon comparable, des anticorps anticardiolipides fugaces peuvent être observés au cours de certains états infectieux (varicelle, paludisme, syphilis, VIH) ou associés à certains traitements (phénothiazines, quinidiniques) [46]. L’expression clinique principale du SAPL est la thrombose intéressant le plus souvent les gros vaisseaux ; les thromboses veineuses profondes des membres inférieurs sont ainsi fréquemment observées, mais d’autres sites inhabituels peuvent être atteints [65].

iii. L’hémoglobinurie paroxystique nocturne

L’Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne (HPN) ou syndrome de Marchiafava-Micheli est une affection acquise rare caractérisée par une anémie hémolytique intravasculaire avec neutropénie, thrombocytopénie et hypersensibilité à l’action du complément. Le diagnostic biologique est classiquement fondé sur la sensibilité des érythrocytes à l’hémolyse, mise en évidence par les tests en milieux acidifiés (test de

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Ham-Dacie) et le test au sucrose. Cependant il repose aujourd’hui plus facilement sur la biologie moléculaire (déficit des antigènes CD55 et CD59 en cytométrie de flux)

[38]. Il s’agit d’une affection associée aux thromboses veineuses pouvant atteindre les vaisseaux abdominaux en particulier les veines hépatiques (syndrome de Budd-Chiari), mais aussi la veine porte ou ses affluents [56]. Une thrombose veineuse digestive peut ainsi être le mode de révélation d’une HPN.

iv. La maladie de Behçet

La Maladie de Behçet est une maladie inflammatoire de système, d’étiologie inconnue, caractérisée par une aphtose buccale et des ulcérations génitales récidivantes, une uvéite avec hypopion, et une vascularite diffuse pouvant atteindre les systèmes artériels et veineux. Ainsi les thrombophlébites superficielles sont une des plus fréquentes manifestations vasculaires de la maladie, alors que l’atteinte des gros vaisseaux est plus rare [66].