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Profil étiologique :

J-Traitement curatif

B- Profil étiologique :

Concernant les facteurs étiologiques des thromboses veineuses digestives, plusieurs études scientifiques s’accordent à les en causes locales et systémiques. Généralement un seul facteur étiologique est observé dans la majorité des cas. Néanmoins, la présence simultanée de plusieurs facteurs n’est pas rare [17, 32]. Notre étude concorde tout à fait avec ces conclusions, éclairant ainsi le caractère multifactoriel des thromboses veineuses digestives. En effet, le bilan étiologique retrouve un facteur général de thrombophilie chez près de 42% des patients et un facteur local chez 25 patients (68,2% des cas).

En outre, 12% des cas présentaient la combinaison d’un facteur local et général de thrombose. Ce qui est comparableà d’autres études où il s’agit d’environ 15% des patients [145,136,161]. Cette donnée s’accorde avec l’hypothèse selon laquelle les thromboses veineuses digestives peuvent survenir chez des patients avec un terrain d’hypercoagulabilité où les facteurs locaux n'interviennentque dans le déclenchement du processus de formation de la thrombose.

Ainsi, on retrouve un facteur prothrombotique génal dans 42% des cas, ce qui est comparable aux études épidémiologiques de A. Plessier et al.[105]et MH. Dinninger et al. [114]qui retrouvait une affection prothrombotique héréditaire ou acquise dans respectivement 40 et 50% des cas. Dans la littérature certains retrouvent cependant une prévalence légèrement moins significative. Tel est le cas de R. Rajaniet al [106]qui retrouvaient un facteur de thrombophilie chez 22% des 173 cas étudiés.

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Tableau XXII : Pourcentage des facteurs de thrombophilie selon séries.

Séries A. Plessier et al [105] M. Dininger et al [114] R. Rajani et al [106] Notre série Facteurde thrombophilie

40% 50% 22% 42%

Dans notre série, 5 cas (12%) de déficits en inhibiteurs ont été recensés. Dans la plupart des études, la prévalence absolue de chacun de ces déficits dépasse rarement les 5 % [109,163]. Certaines études ont retrouvé des prévalences beaucoup plus enlevées (jusqu’à 25%)[164] ; mais probablement par négligence que le taux de ces protéines peut être perturbé en conséquence de la thrombose. Le taux de ces protéines doit donc être vérifié par un second dosage (c’est le cas dans notre série) et nécessite d’être confronté à une enquête familiale.

Tableau XXIII : Comparaison des troubles prothrombotiques héréditaires selon les séries.

Série A. Pressieret al.[105] B. Condatet al.[115]

Notre série

Facteur V Leiden 3% 2% 4%

Déficit en antithrombine III 2% 3% 4%

Déficit en protéine C 1% 7% 2%

Les facteurs prothrombotiques acquis sont fréquents dans notre série (12 cas, soit 29%), ainsi que dans la plupart des études récentes s’attelant à ce sujet [109,163].

Parmi ces patients, un seul cas de syndrome myéloprolifératif a été identifié (2,4% de l’effectif global). Il s’agit d’un adulte jeune, de sexe féminin, chez qui la thrombose digestive est la manifestation inaugurale du SMP. Dans la littérature, ce

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syndrome est cité comme la première étiologie des thromboses digestives, lorsque sont exclus les cas de cirrhose et de cancer. En effet, certaines études retrouvent un SMP chez environ un tiers des patients [47]. Néanmoins, leur pourcentage faible dans notre série est expliqué par la nature des patients sélectionnés ; à savoir suivis dans un service de médecine interne.

Dans le même registre, nous avons identifié 2 cas de syndrome des antiphospholipides (SAPL) ; soit 4,8% des l’effectif total. Ainsi, notre série inclue un cas de syndrome catastrophique des antiphospholipides s’inscrivant dans un tableau de défaillance multiviscérale et de multiples thromboses (Veine Porte, Veine Mésentérique Supérieure, Veine rénale droite, Veine poplité et s’étendant à la Veine fémorale droite). L’autre cas correspond à une patiente suivie pour lupus érythémateux systémique chez qui le diagnostic de thrombose digestive a été retenu (Veine Cave Inférieure, Veines Sus-Hépatiques droite et gauche).

Plusieurs cas de thrombose digestives associées au SAPL ont été publiés[125]. Dans l’étude de M. Denninger et al.[114], un SAPL était retrouvé dans 11% des cas de thrombose veineuse portale. Dans l’étude de S. Mrabet et al.[122], le SAPL était l’étiologie la plus fréquente des thromboses splanchniques. Pareillement, le SAPL est considéré comme la deuxième cause du syndrome de Budd-Chiarri non tumoral, après les syndromes myéloprolifératifs[126].

De plus, la maladie de Behçet est retenue chez 3 patients (soit 7,3% des cas) lors du diagnostic étiologique de thrombose digestive ; celle-ci n’étant inaugurale de la maladie que dans un seul cas. Une étuderéalisée en Turquie [132], où la prévalence de cette maladie est élevée, a mis en évidence une transformation cavernomateuse de la veine porte chez 9% des patients. La thrombose portale était alors fréquemment

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associée à une thrombose de la veine cave inferieure ou des veines hépatiques, ainsi que des veines spléniques et mésentériques.

Également, un cas exeptionel est apporté par notre étude : une thrombose mésentérique supérieure comme manifestation inaugurale de la maladie coeliaque. En effet, la survenue de thromboses veineuses au cours de la maladie coeliaque est rarement décrite dans la littérature. Néanmoins, elles restent dominées par les thromboses abdominales dans plusieurs articles [3, 4].

Tableau XXIV : Pourcentages des différentes étiologies selon les séries.

Séries A. Plessier et al [116] R. Rajarni et al [106] J. Kiladjian et al [174] Notre série Thrombophilie héréditaire

5% 31% 20% 12%

SMP

21% 38% 40% 2,4%

SAPL

8% - 10% 4,8%

Maladie de Behçet

9% 15% 50% 7,3%

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Au sujet des facteurs locaux, dans notre étude ils sont communs à plus des deux tiers des patients. De maniére comparable à d’autres séries, ils sont dominés par la cirrhose et les cancers digestifs[140,98,141,142].

Tableau XXV : Fréquence de la cirrhose et des cancers abdominaux selon les séries.

Série M. Orgen et al[140] W. Ageno et al[141] Notre série

Cirrhose 28% 27% 21,9%

Cancers digestifs 23% 22% 19,5%

Aunsi, 4 patients (9,7% des cas) présentaient une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ; sous la forme d’une Maladie de Crohn dans 3 cas (7,3%), et de Rectocolite Hémorragique dans 1 cas (2,4%). En effet, les phénomènes thromboemboliques veineux sont des complications fréquentes de ces maladies. Notamment, les thromboses digestives décrites dans la littérature [133]. Elles sont attribuées sans doute à l’activité inflammatoire de cette maladie, la susceptibilité accrue aux infections, les interventions chirurgicales associées, mais aussi à un état d’hypercoagulabilité [133].

Ainsi, S. Nahon et al.[143]ont mené une étude rétrospective sur une période de 15 ans dans le but d’évaluer le risque relatif de thrombose veineuse digestive au cours des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. Dans la période de l'étude, le diagnostic de thrombose digestive est retenu chez 50 patients atteints de ces maladies (14 rectocolites hémorragiques et 36 maladies de Crohn). La thrombose était localisée au niveau du tronc porte dans 40 % des cas, d'une ou des deux branches portales dans 48 % des cas, de la veine splénique ou du tronc splénomésaraïque dans 32 % des cas et de la veine mésentérique supérieure ou inférieure dans 50% des cas.

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Au même titre, une chirurgie récente est un évènement observé chez 7 patients soit 17% des cas. Parmi ces patients, 4 ont subi une chirurgie abdominale soit 9,7% de l’effectif global. Ces données sont étayées par l’étude de M. Verkimpe et al.

[162]portant sur 165 patients parmi lesquels 16% ont subi une chirurgie récente avant la survenue de thrombose digestive ; 9% avaient subi chirurgie abdominale.

En on déduit que toute chirurgie abdominale est susceptible d’engendrer un contexte favorisant une thrombose digestive, y compris sous laparoscopie qui pourrait même constituer un facteur supplémentaire de par son incidence sur les pressions abdominales[145]. Une prophylaxie de la thrombose doit donc être indiquée et la surveillance par les examens d’imageries est nécessaire[134].

Tableau XXVI : Patients ayant subis une chirurgie selon les séries.

Séries

M. Verkimpe et al. [162] Notre série

Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage

Total chirurgie

27 16% 7 17%

Chirurgieabdominale

14 9% 4 9,7%

En fin, trois éléments sont remarquables dans notre étude : le premier est la présence d’une septicémie à Enterobacter Cloacae qui estassociéeàaux thromboses porto mésentériques dans quelques rares observations [144].Le second est une infection active à cytomégalovirus ; pour qui plusieurs auteurs ont retrouvé un rôle dans la formation des thromboses veineuses digestives. Néanmoins, sa recherche dans le cadre du bilan étiologique est souvent omise, bien que sa mise en évidenc en permettrait d’établir la présence d’un facteur déclenchant transitoire et donc de ne pas prolonger l’anticoagulation. De ce fait, il est important de rechercher une infection à cytomégalovirus lorsque l’ensemble du bilan étiologique est négatif. Et inversement, d’évoquer une thrombose digestive chez les patients présentant une infection à

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cytomégalovirusavec une symptomatologie évocatrice. Le dernier élément correspond au cas d’une patiente hospitalisée pour thrombose digestive lors du post partum. Effectivement, cette période est connue pour être associée à un état d’hypercoagulabilité. Plusieurs cas de thromboses de siège abdominal associées à une grossesse ou au post partum sont rapportés dans la littérature, notamment dans l’étude de M. Goodrich et al.[135].

La part des thromboses digestives idiopathiques dans notre série est de 12%. Ce porcentage est nettement inférieure à celui des études anciennes et comparable à celui d’autres études plus récentes [166][167].En effet, depuis un peu plus de deux décennies, on a pu parvenir à une diminution du nombre de thromboses digestives idiopathiques ; qui représentaient autrefois presque la moitié des cas [165]. Pour l’ensemble des auteurs, cette diminution est expliquée par ladécouverte de nombreux facteurs prothrombotiques, qu’ils soient héréditaires ou acquis. Toutefois, il demeure certainement d’autres facteurs à découvrir et qui permettront progressivement de réduire encore plus cette part de thromboses idiopathiques [60].

Au final, la thrombose digestive est la manifestation inaugurale d’une pathologie sous-jacente chez un nombre significatif de patients (16 cas soit 39%). Il s’agit essentiellement des déficits en inhibiteurs, de la cirrhose et du carcinome hépatocellulaire. Dans la littérature, aucune étude n’a traitécette donnée, malgré l’importance qu’elle symbolise. Néanmoins, ce résultat montre l’intérêt d’un bilan étiologique systématique, recherchant à la fois des facteurs de thrombophilie et des causes locales. Ce bilan est important, dans la mesure où certains facteurs peuvent être transitoires et donc contrôlés par les anticoagulants et un traitement étiologique adapté. Alors que d’autres, sont permanents et peuvent influencer de façon importante le pronostic (cancer, cirrhose).

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