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§1 : La QPC au service du justiciable

A- Recevabilité d’une QPC

1- Le tronc commun à toutes les QPC

195 Titre VIII : De l'autorité judiciaire (articles 64 à 66-1)

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72. Champ d’application. La Question Prioritaire de Constitutionnalité au sein de la procédure pénale comporte un tronc commun avec les autres litiges, puis des dispositions spécifiques.

Une loi organique promulguée le 10 décembre 2009197 reportant la mise en œuvre de cette loi au 1er mars 2010198, a modifié essentiellement le chapitre II du titre II de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel en y insérant, entre autre, le domaine d’application de la QPC par un article 23-1 :

Art. 23-1. - Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le

moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.

Si le moyen est soulevé au cours de l'instruction pénale, la juridiction d'instruction du second degré en est saisie.

Le moyen ne peut être soulevé devant la Cour d’assises. En cas d'appel d'un arrêt rendu par la Cour d’assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation.

L’article 23-1 démontre bien la place qu’est amenée à prendre la QPC dans une instance pénale en faisant référence au ministère public, à l’instruction pénale, à la cour d’assise.

197 Loi organique n° 2009-1523. ― Travaux préparatoires : Assemblée nationale : Projet de loi organique n° 1599 ; Rapport de M. Jean-Luc Warsmann, au nom de la commission des lois, n° 1898 ; Discussion et adoption le 14 septembre 2009 (TA n° 331). Sénat : Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, n° 613 (2008-2009) ; Rapport de M. Hugues Portelli, au nom de la commission des lois, n° 637 (2008-2009) ; Texte de la commission n° 638 (2008-2009) ; Discussion et adoption le 13 octobre 2009 (TA n° 4, 2009-2010). Assemblée nationale : Projet de loi organique, modifié par le Sénat, n° 1975 ; Rapport de M. Jean-Luc Warsmann, au nom de la commission des lois, n° 2006 ; Discussion et adoption le 24 novembre 2009 (TA n° 370). ― Conseil constitutionnel : Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à

l'application de l'article 61-1 de la Constitution, publiée au Journal officiel de ce jour.

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Nul doute que le droit pénal qui est par essence le plus attentatoire aux libertés individuelles ne fasse l’objet d’une tentative de refonte par les justiciables au regard des droits et libertés fondamentales que le Conseil Constitutionnel entend protéger à travers sa jurisprudence et sa doctrine.

L’article 23-2 suivant en sont paragraphe 1° rajoute que « la disposition contestée est

applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ».

Les notions de procédures et de fondement des poursuites, là encore se réfèrent explicitement à une notion pénaliste.

Cette loi organique, a été soumise au Conseil Constitutionnel par saisine du Premier Ministre le 25 novembre 2009, conformément aux articles 46, alinéa 5 199, et 61, alinéa 1er 200de la Constitution. Cette décision a conclu à sa constitutionnalité le 3 décembre 2009.201

Si l’article 61-1 C ouvre la possibilité de poser une Question à n’importe quel niveau de procédure, il faut détailler les moments opportuns qui vont se présenter dans le cadre d’une procédure pénale.

C’est dans la loi organique du 12 décembre 2009 et un décret du 16 février 2010 202 que sont décrites les différentes étapes de la procédure au niveau pratique dans un Titre 1er Bis, chapitre 1 et 2 qui respectivement traitent des « dispositions applicables devant la juridiction

d’instruction, de jugement, d’application des peines et de la rétention de sûreté » et des

« dispositions applicables devant la Cour de cassation ».

199 Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après la déclaration par le Conseil Constitutionnel de leur conformité à la Constitution.

200 Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil Constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution

201 Décision N°2009-595 DC du Conseil Constitutionnel, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1

de la Constitution.

202 Décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre

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- La QPC peut donc être soulevée à l’occasion de n’importe quelle instance en cours et devant n’importe quelle juridiction

- Cette saisine ne peut se faire que sur renvoi des Hautes Cours que sont le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation

- Et il y a un filtre de la Cour de cassation ou du Conseil d’état (verbe « pouvoir être saisi » art 61-1 C)

La Question se posera à l’encontre d’une disposition législative ou du domaine législatif qui serait attentatoire aux droits fondamentaux protégés par le Conseil Constitutionnel.

La Question peut se poser à n’importe quel niveau de la procédure et s’analyse en une exception un peu particulière et formaliste. Exception dans le sens où son côté prioritaire va imposer au Juge le sursis à statuer sauf en ce qui concerne les procédures influant sur la liberté ou la détention d’un prévenu ou mis en cause.

La première étape importante c’est que cette question sera soulevée en tout état de cause dans un écrit distinct et motivé.

L’irrecevabilité du moyen qui ne respecterait pas la forme imposée ou qui ne contiendrait pas les mentions Question Prioritaire de Constitutionnalité ainsi que l’enveloppe le cas échéant, sera automatiquement et obligatoirement soulevée.203

Il s’agira d’un mémoire spécial qui va mettre en cause de manière motivée la question de constitutionnalité d’une disposition législative.

203 Article R49-21 du Code de procédure pénale, Créé par Décret n°2010-148 du 16 février 2010 - art. 4 :Conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi

organique sur le Conseil constitutionnel, la partie qui soutient, à l'appui d'une demande déposée en application des règles du présent code devant une juridiction d'instruction, de jugement, d'application des peines ou de la rétention de sûreté, qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit, à peine d'irrecevabilité, présenter ce moyen dans un écrit distinct et motivé. La juridiction doit relever d'office l'irrecevabilité du moyen qui n'est pas présenté dans un écrit distinct et motivé.

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Il faut impérativement démontrer :

- Que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou en constitue le fondement des poursuites

- Dans le cas où la disposition aurait déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, que les circonstances ont changé

- Que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux

Une fois que ces conditions sont remplies, il faut encore passer le filtre

Sur les dispositions applicables, il convient de préciser que le Conseil constitutionnel peut-être saisi d’une disposition qui n’est plus en vigueur mais qui reste applicable au litige. Il l’a rappelé dans une Décision 24 juin 2011204 dans ses Considérant 6 et 7. En l’espèce il avait à connaître des modalités et des délais concernant les mandats d’amener et les mandats d’arrêts. Les dispositions déférées avaient été modifiées par une loi postérieure (l’article 127 du Code de procédure pénale205). Le Conseil s’est toutefois reconnu compétence pour connaitre de ces dispositions dont la modification n’avait pas entaché les procédures antérieures, pour statuer, en l’espèce avec une réserve d’interprétation.

Le terme « d’application au litige » est donc à prendre à la lettre, qu’il s’agisse d’une disposition abrogée ou d’une interprétation jurisprudentielle constante. L’inconstitutionnalité peut être relevée en ce qu’elle porte atteinte dans son application au requérant.

204 Décision n° 2011-133 QPC du 24 juin 2011, M. Kiril Z. [Exécution du mandat d'arrêt et du mandat

d'amener], Rendu public le 24 juin 2011. Journal officiel du 25 juin 2011, p. 10840 (@ 70). Commentaire aux

Cahiers du Conseil constitutionnel, version numérique sur le site du Conseil ; DANET Jean, La présentation au

procureur en cas de transfèrement : entre constitutionnalité et conventionalité, Revue de science criminelle et de

droit pénal comparé, avril/juin 2011, n° 2, p. 417-418 ; CHAVENT-LECLERE Anne-Sophie, Constitutionnalité

des mandats d'arrêt et d'amener, Procédures, août-septembre, n° 8-9, p. 23-25.

205 L’article 127 du Code de procédure pénale pouvait par le biais de l’article 130 (transfèrement) recevoir un délai d’exécution de 4 jours ou plus avec, dans l’ancienne version, une présentation devant le Parquet qui en informait le juge mandant. Le principe du mandat d’amener n’a pas été mis en cause en l’espèce, mais le Conseil a préconisé un encadrement immédiat par un juge du siège, ce qu’a fait le législateur, avant la Décision du Conseil, par la loi du 14 avril 2011 qui a substitué à la présentation au Procureur, celle devant le Juge des libertés et détention afin de préserver le principe du contrôle de la liberté par le juge. Il est à noter que, comme nous le verrons, cette disposition participe au recul des prérogatives accordées au Ministère public dans la sauvegarde des droits relatifs aux libertés individuelles. Si le Conseil constitutionnel considère les deux branches de la magistrature comme correspondant à « l’autorité judiciaire », il en ressort de plus en plus que seules les faibles atteintes restent sous la responsabilité de Parquet.

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En l’espèce, le Conseil a bien cadré son raisonnement en limitant les effets de constitutionnalité assortis d’une réserve aux dispositions en vigueur avant la promulgation de la nouvelle loi.