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§1 : La QPC au service du justiciable

B- La réforme de la QPC

1- La création de la QPC

69. Le comité de réflexion BALLADUR. Chaque septennat laisse, par ses chantiers des traces dans l’histoire. Si l’abolition de la peine de mort reste attribuée au 1er septennat de François MITTERAND, nul doute que chacun tente de laisser dans l’histoire la mémoire d’un grand chantier. Même si on le sait, les réformes ne naissent pas d’un trait d’esprit (la peine de mort avait inéluctablement vocation à disparaître dans tous les cas), il faut souvent l’appui du chef de l’Etat pour mettre en route l’exécutif et le législatif. C’est sur les travaux antérieurs déjà réalisés que la QPC va ressortir des cartons en tant que réforme majeure et être soutenue et va finir par aboutir.

Le Président de la République SARKOZY dans un discours du 12 juillet 2007 à Epinal, exprime sa volonté de réflexion quant à renforcer les pouvoirs du Conseil Constitutionnel, allant jusqu’à soumettre l’idée de le transformer en Cour Suprême.

Immédiatement après un décret191 portant sur la création d’un comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République est publié et nomme Edouard BALLADUR en tant que Président du Comité composé notamment en tant que vice-présidents de :

M. Jack LANG, ancien ministre, député, ancien professeur de droit public à l’université Paris-X (Nanterre) ;

Pierre MAZEAUD, ancien président du Conseil constitutionnel, ancien ministre, ancien député.

Sont également nommés membres du comité :

M. Denys de BECHILLON, professeur de droit public à l’université de Pau et des pays de l’Adour ;

M. Jean-Louis BOURLANGES, représentant au Parlement européen, professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris ;

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M. Guy CARCASSONNE, professeur de droit public à l’université Paris-X (Nanterre) ; M. Jean-Claude ASANOVA, membre de l’Institut, président de la Fondation nationale des sciences politiques ;

M. Dominique CHAGNOLLAUD, professeur de droit public et de sciences politiques à l’université Paris-II (Panthéon-Assas) ;

M. Olivier DUHAMEL, professeur de droit public à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien représentant au Parlement européen ;

M. Luc FERRY, ancien ministre, agrégé de philosophie et de sciences politiques, membre du Conseil économique et social ;

Mme Anne LEVADE, professeur de droit public à l’université Paris-XII (Val-de-Marne) ; M. Bertrand MATHIEU, professeur de droit public à l’université Paris-I (Panthéon-Sorbonne), président de l’Association française de droit constitutionnel ;

M. Olivier SCHRAMECK, conseiller d’Etat, professeur associé à l’université Paris-I (Panthéon-Sorbonne).

Est nommé rapporteur général du comité : M. Hugues HOURDIN, conseiller d’Etat.

Le comité Balladur, le 29 octobre 2007 reprend dans les mêmes termes la proposition du comité Vedel de 1993, laissant à la loi organique le soin de préciser un point extrêmement important celui de savoir si le Conseil d’état ou la Cour de Cassation serviraient de filtre. Entre le système d’exception d’inconstitutionnalité italien qui permet une saisine de tous les citoyens devant le juge ordinaire aux fins de transmission directement au Conseil Constitutionnel et la proposition du doyen VEDEL de 1993 qui permet un filtre de la Cour de Cassation ou du Conseil d’Etat, le comité BALLADUR ne tranche pas laissant cette possibilité au Constituant.

70. La mise en œuvre de la réforme. Le 23 avril 2008, le conseil des ministres adopte le « Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République ».

La loi Constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République est soumise au Conseil Constitutionnel le 25 novembre 2009 et est déclarée

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conforme à la Constitution par la décision n°2009-595 DC du 3 décembre 2009192, Loi

organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution. Les articles 61-1193 et 62194 de la Constitution sont modifiés.

La loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution met en place dans la constitution via l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la possibilité de saisine du Conseil Constitutionnel par le filtre des juridictions suprêmes d’une Question « Prioritaire » de Constitutionnalité ouverte aux parties dans un litige juridictionnel concernant « une disposition législative » portant atteintes aux droits fondamentaux protégés par le Conseil.

La Question Prioritaire de Constitutionnalité est née, reste à en découvrir l’impact dans le cadre de la procédure pénale et les textes applicables.

2- Les sources positives de la QPC

71. Une procédure inscrite dans la Constitution au sommet de toutes les juridictions. Cette procédure se positionne au dessus des procédures d’exception dans un

litige de par son placement au sein même de la Constitution. C’est la seule de droit commun.

192Journal officiel du 11 décembre 2009, p. 21381 (@ 2), Recueil, p. 206

193Article 29 : Après l'article 61 de la Constitution, il est inséré un article 61-1 ainsi rédigé :

« Art. 61-1.-Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’état ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

194 Article 30 : Le premier alinéa de l'article 62 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »

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La Constitution du 4 octobre 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations.

Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l'expression du référendum.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 n° 2008-724 a instauré en France une procédure nouvelle qui permet de saisir a postériori le Conseil Constitutionnel sur une disposition législative qui heurterait des principes de droits et de libertés constitutionnellement protégés.

Elle introduit un article 61-1 à la Constitution et modifie l’article 62, tous deux ainsi rédigés :

Art. 61-1.- Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu

qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’état ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.

Art. 62. - Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut

être promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

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Cette procédure complète les pouvoirs de contrôle a priori de la constitutionnalité par le Conseil Constitutionnel, grâce à une procédure de saisine filtrée, par le juge de droit commun, de contrôle a postériori accessible à tout justiciable à travers un procès.

Le Constituant qui a décidé de placer ce dispositif au sein du Titre VII de la Constitution intitulé « le Conseil Constitutionnel » a établi un contre pouvoir tant dans le cadre du pouvoir de protection des libertés du Juge de l’article 66195, que par opposition aux dispositions d’élaboration des lois par voie parlementaire196.

Le Conseil Constitutionnel est donc positionné à la frontière du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire, et devient l’exception au principe de la séparation des pouvoirs. D’autant qu’il est aussi la jonction suprême entre les Cour de cassation et le Conseil d’Etat.

Ce n’est pas pour autant une Cour supérieure aux autres, pour le moment. Le Conseil se positionne dans une autre dimension juridique. Peu importe le fond du litige, sa compétence se limite à l’étude de Constitutionnalité des lois de manière objective, par un contrôle a priori, ou bien de manière subjective, sur saisine des justiciables par le biais d’un contrôle a

postériori portant sur l’interprétation des juges sur les textes de lois ou sur la disposition

elle-même. Dans ce contrôle subjectif, le Conseil est saisi indirectement.

Ainsi, pour maintenir une certaine cohésion dans le dispositif légal, il appartient au juge de fait et au juge du droit d’opérer un filtre avant de transmettre la Question Prioritaire de Constitutionnalité au Conseil.

II- La saisine du Conseil par QPC