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Identification d’une polarité qui perdure

1.2.2. C/ TROISIEME LECTURE

(Parties périphériques)

« Ainsi que nous l'avons remarqué plus haut, Constantine comptait quatre grands quartiers : casbah, kantara, Bâb el Djebia et Tabia, situés dans les angles de la ville. La localisation des « dâr », plutôt à l'extérieur de ces zones, nous permet de supposer que ces quartiers étaient, d'une manière générale, habités par une population plus modeste, dans laquelle les habitants récemment installés en ville étaient sans doute particulièrement nombreux. La

1 Voir André, Raymond, Signes urbains & étude de la population des grandes villes arabes, Bulletin d'Études

66 seule zone de Constantine où les maisons traditionnelles aient été conservées sur une grande étendue, avec un réseau de rues moins perturbé qu'ailleurs par les percées de l'époque coloniale, correspond à ce qui a été, avant 1837, le quartier de Bâb el Djebia : on peut ainsi imaginer le caractère qu'avaient ces quartiers à l'époque turque, avec leurs maisons à étage en surplomb sur la rue, aux toits couverts de tuiles et aux cours de dimensions modestes. C'est dans ces quatre régions que sont localisées les Houma (quartiers) mentionnées dans l'index de Mercier1.

Nous pouvons supposer que la population de ces zones périphériques de la ville y était organisée en quartiers formant des ensembles sociaux et administratifs relativement fermés, comme c'était le cas dans toutes les grandes villes arabes. Ces zones périphériques, où était apparemment refoulé l'habitat le plus pauvre de la ville, étaient également caractérisées par des activités qui, dans les grandes villes arabes, sont traditionnellement rejetées hors du centre, où se maintiennent seuls les métiers les plus élaborés et les plus prospères (commerce, artisanats spécialisés). La plupart des tarbî'a (sortes de fondouks à étage, de forme carrée, où se regroupaient les tisserands) étaient localisés à l'écart du centre commercial, en particulier dans la région sud-est de la ville (quartier de Bâb el Djebia)2. Il en allait de même des fours (kûsa). Les seules activités commerciales représentées dans ces régions étaient sans doute celles de ces Souks de quartier dont J. Sauvaget a fait une description si précise pour les villes de Syrie (suwaïqa), et dont les hawânît d'Alger constituent également un exemple significatif3. Deux « petits marchés » de ce genre sont mentionnés par Mercier, l'un dans le quartier de Tâbiya (suwaïqa Bin Maqâlif, en E2), et l'autre dans celui de Bâb el Djebia (suwaïqa, en H5). On n'est

naturellement pas surpris que les activités « industrielles » gênantes ou polluantes avaient été également localisées à la périphérie de la ville. Les tanneries étaient installées sur le rebord de la falaise surplombant le Rummel, ce qui permettait aux eaux de vidange un écoulement facile, et limitait les inconvénients que cette activité causait inévitablement au voisinage ; les fosses à tanner se pressaient dans l'espace accidenté et exigu compris entre le mur des maisons et le ravin. Le Dâr al-Dabag (tannerie) est localisé par Mercier en (G6). Le

Dâr Aoine, qui désigne probablement un lieu de fabrication de la poterie, se trouve en (F5),

à proximité lui aussi du ravin. Des fours à chaux (dits fours de Birru) sont localisés en (D6),

à la limite sud du quartier de Khantara. Des Fourn el Djebs (fours à plâtre) se trouvaient en (C4), à la limite ouest du même quartier. Notons que toutes ces activités industrielles étaient

regroupées dans la partie basse de la ville, qui était vraisemblablement aussi la moins

1 A la seule exception du hawma Suwârî, localisé en E3.

2 Lecuyer, Ernest, Les métiers constantinois à l'époque des Beys, IBLA (La revue IBLA éditée par l’Institut des

Belles Lettres Arabes de Tunis en 1937), 13 (1950), pp, 343, 354.

3 Sauvaget, Jean, « Esquisse d'une histoire de la ville de Damas », revue des études islamiques-( REI) -, 4 (1934),

67 agréable, en particulier parce que le ruissellement des eaux (pluviales et usées) se faisait dans cette direction. C'est ici encore (en F6) que se trouvait, dans une échancrure sur le bord

du ravin, l'endroit d'où l'on jetait les immondices dans le Rummel que l'on appelait le Marmâ (l'endroit où l'on jette), ou plus précisément Marmâ al-Azbâl (des ordures). C'est peut-être la présence de ces activités gênantes, à la limite de la ville, et les va-et-vient désagréables qu’elles occasionnaient, qui expliquent l'interruption, (en F4-5), à la hauteur

du Marmâ, la « couronne » des « dâr » autour du centre économique. D'une manière tout aussi logique (et ici encore suivant un usage constant dans les villes arabes), le faubourg qui était situé hors les murs, au sud de la ville, était peuplé par une population pauvre d'artisans, d'ouvriers et de marchands souvent kabyles : taillandiers, tisserands, huiliers et fabricants de nattes. Des fondouks étaient destinés aux marchands et aux voyageurs. Un oratoire en plein vent (musallâ) servait de cadre à certaines grandes prières collectives. On y trouvait aussi les activités économiques qui sont habituellement refoulées hors de la ville, parce qu'exigeant de l'espace (nattiers), ou parce que trop gênantes pour pouvoir être installées au milieu d'une population très dense : l'abattoir, des fours à brique se trouvaient ainsi localisés à proximité d'un marabout célèbre, Sidi 'Alî «al-Eudjal» (Koudiat Aty)1, ce faubourg se développa, nous l'avons vu, à l'époque de Salah Bey, sous l'effet de la croissance urbaine que connut Constantine durant la seconde moitié du XV siècle. Mais il fut rasé, en 1836, par le Bey Ahmad, qui craignait que les Français ne l'utilisent pour faciliter leur seconde attaque contre Constantine, comme ils l’ont fait lors de la première » 2.

Pour résumer cette situation, nous dirons que les éléments forts de la structure du rocher sont :

• La grande Mosquée3 & le Palais Gouvernemental (Dar el Bey) : tous deux situés dans

une position stratégique au « centre », et se côtoient avec connivence et complicité : politique et religieux se complètent et se soutiennent et font une union fortement inscrite dans l’espace urbain du rocher4 ;

1 Cherbonneau, Auguste, Constantine et ses antiquités, Annuaire de la S.A.C. (1853), 107-108. Vayssettes Eugène,

« Histoire », RSAC, 13, 531. Mercier Ernest, Histoire, 345.

2 Vayssettes, « Histoire », RSAC, 12, 263. Cherbonneau, « Constantine », 108. Mercier, Histoire, 298.

3 Il y a lieu de noter le nombre important de mosquées, qui existaient sur le rocher, et nous n’avons pris le soin

que ne citer que quelques-unes d’entre-elles comme : la mosquée Souk El Ghazel, la mosquée Sidi Makhlouf, mosquée Sidi Tlemçani, mosquée Sidi el kettani, etc.

4 « Entente préalable » entre les deux institutions, pour maintenir les principes de l’islam, qu’il s’agit de rappeler,

imposer et surtout défendre, car ne l’oublions pas, la ville est sous domination Turque, qui sont sans cesse confrontés aux Espagnols, qui tentent de reprendre la « Reconquista » au Maghreb et de reprendre cette terre d’Islam, et surtout de mettre fin à la piraterie qui peut être comprise comme une des formes de guerre « sainte »

68 • Les quartiers commerçants s’étendant le long des grandes artères : deux artères

parallèles situées au centre du trapèze, à l’intérieur de ce centre, ainsi délimité par : « Dar el Bey », la grande mosquée, & le quartier des commerçants1.

(Fig. 17, 18a, 18b, 19, 20).