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2.3/ LES ACTES MARQUES

2.3. C1/ LA RUE DAMREMONT

La mise en relation de la caserne (sur l’emplacement de la Casbah), avec la place conquise (place Valée), pour des raisons stratégiques1, ne pouvait plus continuer à se faire à

travers une simple rue de cheminement à la rencontre d’impasses ; La volonté affichée par le pouvoir colonial de restituer un système viaire, constitué de parcours principal et secondaire, a fait qu’en 1852, cette rue se voit rectifiée, induisant au fur et à mesure des acquisitions, un lotissement partiellement en damier, où les rues secondaires d’Est-Ouest restent de largeur modeste. La forme du site et son relief accidenté, n’ont pas contribué à la mise en forme recherchée, de la ville coloniale en damier du XIXème siècle (mise en perspectives et

ordonnancements), une caractéristique fondamentale de l’urbanisme colonial en Algérie, dont les maîtres d’œuvre sont principalement le service du génie militaire, et le service des bâtiments civiles et de la voirie.

A partir de là, cette rue va servir d’axe de composition d’une image urbaine nouvelle2 que le

pouvoir naissant ne cesse d’imposer. (Fig. 34)

Nous avons une Lettre à Monsieur le Gouverneur Général de la part de Monsieur le Préfet de Constantine, en date du 22 février 1851, à propos de modifications sur la rue Damrémont. Lettre relative à l’accomplissement des formalités préliminaires d’expropriations des immeubles nécessaires à l’ouverture de cette rue. Cette lettre sous forme de rapport joint au plan, en date du 10 février 1851, par lequel l’architecte en chef des bâtiments civils propose d’introduire quelques modifications au plan partiel d’alignement de ladite rue, qui a été ouverte par la préfecture, le 12 avril 1851 ; ces modifications sont au nombre de deux : (Fig. 34)

1°/ Partie de la rue comprise entre la place Nemours et le 1er carrefour ; Monsieur Auber faisant observer que d’après le plan adopté la largeur de cette partie n’est que de cinq mètres, tandis qu’elle est de six mètres sur tout le reste du parcours ; propose de faire disparaître cette différence qui ne s’explique réellement pas et de porter à six mètres au moins la largeur de la rue toute entière. L’opération aura lieu en avançant de 50 centimètres l’alignement du côté gauche (en prenant l’entrée par la place Nemours) et le reculant de 1m50, sur le côté droit.

2°/ Partie comprise entre le 1er et le 2éme carrefour, la largeur a été fixée pour cette partie à 05 mètres ; mais il est à remarquer que le côté droit comprend trois immeubles N° 15, 17 et 19, qui construits avant l’établissement du plan de la ville, et depuis cinq ou six ans seulement sur des alignements donnés par le service du Génie, se trouvent dans un état de salubrité qui ne permet pas à moins de recourir à des expropriations très onéreuses, de songer à les faire démolir avant une vingtaine d’années e plus peut-être. Or, ces immeubles

1 La médina est considérée comme un établissement sans ordre, sans espaces libres publics, et ne convenant pas

aux exigences de la circulation des convois militaires et aux premiers besoins du commerce français.

2 Les rues étant hiérarchisées par leur dimensionnement et par les règles des modèles architecturaux (typologies

128 avancent de telle sorte sur la voie publique, notamment le N° 17, qui empiète de deux mètres pleins que pouvant tout le temps qu’il subsistant, la rue n’aurait que trois mètres de largeur. Pour remédier à cet inconvénient , d’autant plus grave qu’il pourrait durer un grand nombre d’année, et afin de rendre la rue qui est l’une des plus importante de la ville carrossable dans le quartier, Monsieur l’Architecte en chef, propose de reculer de deux mètres l’alignement du côté gauche, dans la partie de la rue en question, de manière à ce que tout en maintenant les constructions N° 15, 17 et 19, la rue ait encore cinq mètres de largeur entre les N° 16 et 17, c’est-à-dire au point le plus étroit. Plus tard il est vrai, lorsque les trois immeubles suscités devront être démolis et que l’on reconstruirait sur l’alignement définitif, la rue dans cette partie, se trouvera avoir sept mètres de largeur. Mais loin d’être à regretter cet élargissement de l’espace compris entre les deux carrefours, constitue une réserve extrêmement avantageuse, en ce sens, qu’elle servira à dégager les abords du Théâtre définitif projeté sur ce point. Le rapport de Monsieur Auber contient au surplus, sur la double combinaison dont il s’agit, des développements détaillés auxquels je ne puis que me référer, et qui me paraissent suffisamment concluants :

J’insisterais seulement sur cette considération qui milite fortement pour l’adoption des propositions de Monsieur Auber que les modifications demandées, autres qu’elles seront d’un très grand avantage pour la ville, reverront notablement la dépense, en ce qui concerne les expropriations à prononcer.

En effet, bien que l’estimation des immeubles expropriés n’ait pas été faite, Monsieur Auber ayant un devis à ajourner ce travail jusqu'à la solution de l’affaire dont il est question en ce moment, il suffit de jeter les yeux sur le plan pour reconnaître que l’on avance l’alignement du côté gauche, entre la place Nemours et le 1er carrefour. Les immeubles N° 6 et 8, dont une partie d’après le plan actuel devait tomber dans la voie publique, et qui sont encore en bon état, ne seront point atteints ; la maison N°2 au commencement de la rue n’aura qu’une portion sure qu’inappréciable d’enlever. Quant au N°4, immeuble domanial affecté au service du trésor et des postes, la portion à démolir étant moins considérable, il sera plus facile et beaucoup moins coûteux d’en restaurer la façade.

Pour ce qui est du côté opposé le retrait de l’alignement n’occasionnera qu’un très faible surcroît de dépense, attendu qu’il n’existe pas encore de constructions sur le N°3, et que d’un autre côté le propriétaire du N°5, est en arrangement avec l’administration pour obtenir une compensation du terrain dont il doit abonner une parcelle domaniale contigüe formant le N°7.

Les immeubles N°9, 11 et 13, seront conséquemment les seuls susceptibles de donner lieu à expropriation ; moins comme ils sont d’après la déclaration verbale de Monsieur l’architecte en chef, ont appelé mauvais état, il est probable que bientôt la sûreté publique en commandera la démolition, et que la reconstruction sur le nouvel alignement, n’occasionnera d’autre dépense que celle d’indemnité pour dépossession des portions de terrains cédées à la voie publique.

Quant à la partie comprise entre les deux carrefours, le reculement de deux mètres de l’alignement du côté gauche, s’effectuera sans aucune difficulté attendue que les immeubles riverains N°12, 14, 16 et 18, ne sont que des maisons pour la plupart en ruines et tombées ; à cet égard encore, la combinaison proposée offre un notable avantage qui est de dispenser l’administration d’exproprier les immeubles N°15, 17 et 19, ceux-ci devront être considérés pour tout le temps de leur durée naturelle.

129 Fig. 34. Plan de nivellement de la rue Damrémont

(Partie comprise entre la place Nemours & le carrefour Damrémont). Source : CAOM 1N13.

130 En résumé, Monsieur le Gouverneur général, les propositions de Monsieur l’architecte en chef, ont un caractère d’utilité évident, et les avantages qu’elles présentent sous tous les rapports, sont tellement certains qu’il me paraît superflu d’insister pour leur adoption, après ces considérations et aussi parce que les modifications dont il s’agit ne touchent point à l’économie du plan général de la ville, ni même à celle de la rue, et qu’ailleurs elles donnent satisfaction à de nombreux intérêts, sans en froisser aucun, j’ai cru devoir, enfin dégagé du temps, vous les avancer immédiatement, ne pensant pas qu’il y eut- lieu les soumettre à la commission des alignements.

Cette affaire, Monsieur le Gouverneur général, est en effet de la dernière urgence ; plusieurs propriétaires de la rue Danrémont, dont les maisons doivent être abattues pour cause de sûreté publique, attendent la fixation du nouvel alignement qu’ils ont demandé pour que je puisse satisfaire à ces demandes que je sois fixé, sans retour sur l’alignement définitif. J’ai en conséquence, l’honneur de vous prier Monsieur le Gouverneur général, de vouloir bien, si comme je l’espère vous l’approuvez, soumettre le plutôt possible en l’appuyant à Monsieur le Ministre de la guerre, le projet de modification ci-joint.

Aussitôt que ce projet aura été approuvé en principe, je donnerai à Monsieur l’architecte en chef, l’ordre de terminer le travail d’estimation des expropriations à prononcer, qu’il a déjà commencé, et j’empêcherai de vous le transmettre pour que Monsieur le Ministre statue définitivement sur la question de ces expropriations.

Veuillez agréer, Monsieur le Gouverneur général l’assurance de mon respect.

Le Préfet de Constantine 2éme Bureau législation, section de colonisation.

In CAOM 1N13