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2.3/ LES ACTES MARQUES

2.3. C / PERCEMENT DES RUES

« Le percement de rues droites et l’aménagement de places seront ainsi les outils de l’infiltration européenne en matière d’urbanisme […] en Algérie »2.

Un nouveau langage architectural était expérimenté sur d’anciennes façades. Ces actions forcées par la nécessité d’imposer une image du vainqueur, trouvent un terrain très fertile, qui va lui servir plus tard en métropole « Les villes d’Algérie vont sans doute servir de terrain d’expérience avant les grandes réalisations haussmanniennes […] les outils juridiques […] sont adaptés ou créés pour la circonstance »3.

Après l’occupation de la casbah, et sa transformation en quartier militaire, venait la deuxième importante action, celle de percement des rues ; acte précurseur du Paris haussmannien.

1 Malverti, Xavier, « Les officiers du génie et le dessin de villes en Algérie- 1830/1870 », Figures de l’orientalisme en architecture, revue du monde musulman et de la méditerranée- REMMM-, 73/74, (1996), p. 235.

2 Tsakopoulos, Panayotis, « Technique d'intervention et appropriation de l'espace traditionnel, L'urbanisme

militaire des expéditions françaises en Méditerranée », Figures de l’orientalisme en architecture, revue du monde

musulman et de la méditerranée- REMMM-, 73/74, (1996), p, 214. 3 Ibid. p, 222.

123 Cette opération s’inscrivait dans la stratégie militaire de relier ce quartier militaire (casbah) à la porte Valée (place d’arme), pour des raisons aussi bien défensive que commerciales. « (…) La ville actuelle occupe un espace de 33 hectares environ, elle est établie sur un plateau composé d’une roche calcaire, compacte et regarde le Sud/Sud-Est. Ce plateau qui a la forme d’un quadrilatère est terminé sur ses quatre faces par des escarpements aussi remarquables par leur grande élévation, que par leur forte déclivité ; il n’est abordable que vers le Nord-Ouest, par un col assez étroit qui le relie au Coudiat-Aty. Une position aussi exceptionnelle en faisant du rocher une place à peu près imprenables sans le secours de l’artillerie, a dû donner de tout temps une grande importance militaire à cette ville ; si l’on retient d’un autre côté qu’elle occupe un nœud remarquable du pays à la jonction du Rhumel et du Boumerzoug, et que par suite de la disposition topographique du sol, la majeur partie des denrées importées ou exportées doivent forcément passer sous ses mûrs, on voit qu’elle n’est pas moins intéressante comme centre industriel et commercial que comme place de guerre» 1.

Nous avons une correspondance du Préfet de Constantine, à l’intention de Monsieur le Ministre de la guerre pour un accord sur l’ouverture de la rue « Madier », déjà objet d’une étude achevée : (Fig. 32).

Constantine le 17 avril 1852 bureau, n°4092

Envoi d’un plan et un devis estimatif des travaux Nécessaires à l’ouverture de la rue Madier Monsieur le Ministre,

Conformément aux prescriptions contenues dans une dépêche en date du 12 avril 1851, n° 319 (3éme bureau) par laquelle Monsieur votre prédécesseur a demandé des renseignements sur l’ouverture de la rue Madier à Constantine.

J’ai l’honneur de vous dresser sous ce pli un plan, un état descriptif des terrains ou immeubles à acquérir pour l’ouverture de ladite rue.

Les causes du retard apporté dans la production de ce projet proviennent au dire de monsieur l’architecte exclusif de l’obligation où s’est trouvé ce chef de service de se procurer de nouveaux renseignements qui lui manquent pour compléter ce travail.

Si vous adoptez ce principe comme je l’espère, le projet d’ouverture de la rue Madier tel qu’il pensait présenter.

J’ai l’honneur de vous prier Monsieur le Ministre de vouloir bien me faire connaitre le plus tôt possible votre décision.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre l’assurance de mes respects.

Le Préfet In CAOM F 80 - 1297

1 In « rapport sur les alignements et nivellements de la ville de Constantine, 09 juin 1847 », centre des archives

124 Il fallait donc à la fois satisfaire aux exigences de la défense et aux même temps, faciliter les relations commerciales avec l’extérieur. Forces politiques et intérêts économiques semblent s’opérer et s’imbriquer à un point ou un plan d’aménagement en 1850, est agréé par des arrêtés préfectoraux, consacré essentiellement à l’alignement et le nivellement des rues, enjeux de transactions des immeubles les bordant. La rue de France (Caraman) illustre cet état de fait en 1851, reliée à la rue Damrémont par des ruelles transversales. Le nombre de transactions d’expropriations non négligeables confirment cette volonté affichée.

L’année 1865, date du voyage de Napoléon III en Algérie, « consacre un destin colonial longtemps incertain, mais elle a aussi marqué le moment où les objectifs économiques du gouvernement ont nettement pris le pas sur les objectifs purement militaires »1 .

Nous allons assister dès 1868, au percement de la rue Impériale, traversant la ville basse et reliant ainsi, la halle au grain situé au Sud du rocher et la Gare au Nord-Est. L’aire ainsi définie comprise entre la rue de France et cette dernière va subir des opérations de substitutions et d’alignements, qui vont perturber profondément la vie socioprofessionnelle, où sont regroupées les activités économiques négoces : production, commerce et artisanat caractéristique très marquée de la ville à l’époque turque ottomane.

Sur le constat du plan de 1875, l’image urbaine du rocher ne va pas aussi loin que chez Haussmann (pour désigner l’idée de percée). Il nous a semblé pertinent de relever à quelles morphologies ont abouti les trois axes dénotant un volontarisme fort sur l’espace, que sont : la rue Damrémont, la rue de France, et la rue Impériale. Toutes reliées à la place Valée (la Brèche), après la destruction de la porte, suite à une décision communale en 1881, où l’on procédera plus tard, à l’aménagement d’une place monumentale, symbole du rationalisme néoclassique du début du XXème siècle2. L’ouverture de ces trois rues, s’est accompagnée de

constructions d’immeubles européens le long de leurs bordures. (Fig. 33)

1 Béguin, François, Arabisance, Décor architectural et tracé urbain en Afrique du nord, 1830-1950, Paris,

Collection espace & architecture, Dunod, (1983), p, 29.

125 Fig. 32. Expropriation pour cause d’utilité publique.

Rue Madier, Constantine 1852, Source CAOM 2N79.

126 Fig. 33 (a). Rue Damrémont, Constantine.

Le photographe Louis Levy et fils éditeur à Paris, sous le sigle (LL).

Fig. 33 (b). Pharmacie sur la rue Damrémont, Constantine. Photographe anonyme.

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