• Aucun résultat trouvé

CENTRALITE, « DE LA PRATIQUE DU CENTRE »

Identification d’une polarité qui perdure

1.2.3/ CENTRALITE, « DE LA PRATIQUE DU CENTRE »

Notre examen de l’ancien plan établi par Ernest Mercier (1837), nous a laissé déduire que : ce centre « économique », repérable par le nombre de commerces qui s’y rassemblent, est également centre « politique », puisqu’il est le lieu où se trouve la demeure des souverains ; celle-ci n’étant pas comme dans certaines villes arabes, à proximité immédiate de la grande mosquée, mais elle se trouve dans son espace environnant. Deux artères caractérisent ce centre du rocher, par le fait qu’elles occupent une place centrale par rapport à sa forme trapézoïdale, et arrivent à le délimiter :

* La Première artère :

Part d’El moukof, ou de la porte Bab El Oued et conduit à souk el Acer, qui se situe à l’extrémité opposée2, elle longe l’ancienne résidence « Dar el Bey » du côté bas, sur le lieu-

dit Dreiba, ainsi que la nouvelle demeure le « Palais Ahmed Bey » du côté haut, sur le lieu- dit Ed Derb3 . Pour décrire un peu cette rue, et confirmer son importance, elle s’amorce à

El moukof, traverse le souk El Ghazel en prenant le nom de « Zebakh El Blate », traverse à nouveau souk El Acer et aboutit à souk El Djemaâ, trois places qui lui confèrent un statut particulier, hormis la présence des deux demeures des gouverneurs (Dar el Bey & le nouveau Palais de Ahmed Bey), pour enfin se terminer au niveau de la mosquée El Biazri. Il y a lieu de noter aussi, la présence d’une médersa, d’un fondouk et d’un nombre important de mosquées comme : sidi El Foual, souq El Ghezel, sidi Hedjam, sidi El Djouza, sidi El Ketani, etc.

* La Seconde artère :

Part de Bab El Oued, mène à Rahbat Essouf, située à l’extrémité opposée. Le fait marquant est le regroupement des commerces et métiers par catégories, formant ainsi une suite de bazars et de souks (à l’image des villes arabes d’Orient), le long de son parcours, on découvre la rue des Attarines (droguistes), dans le prolongement de celle des Serradjines (selliers), puis des Sebbaghines (teinturiers), pour enfin bifurquer, en deux branches, une vers le haut du sommet, et l’autre vers le bas de Rahbat Essouf ; l’espace induit par cette bifurcation, est désigné par souk el Tedjar.

1 L’aire définie est ce qui est connu par « souk el Tedjar ».

2 Cet espace a reçu le nom de la place Négrier, lors de l’arrivée des Français.

3 En 1835, Ahmed Bey qui s’est construit un nouveau palais sur le lieu « Derb », n’a pas quitté la ville et ne s’est

69 Fig. 17. Plan de Constantine.

Conf. Ravoisié, I, pl. 2 ; pour les vestiges antiques, le plan donné dans l'Atlas archéologique, fe 17, p. 16 ; pour la ville arabe, le plan donné par Mercier, dans le Rec. de Constantine, XIX,-1878, pl. IV. Amable, Ravoisié, 1846-1851, Beaux-arts « architecture et sculpture », premier volume, In CAOM 10 107 (1).

70 Fig. 18. Tableau du Siège

Constantine

Tableau exposé au salon de 1830, sous le N° 2050, par M Horace

VERNET. IN CAOM B1517

N° 2050. L’ennemi repousse des hauteurs du Coudiat-Aty (10 octobre 1837)

Le lieutenant-général conte de Danrémont commandant en chef, fait repousser une sortie de la garnison de la ville S. A. R. Mgr. Le Duc de Nemours, commandant les troupes de sièges, s’élance à la tête d’un bataillon de la légion étrangère.

72

Fig. 19. Vue de Constantine, prise du Sud-Ouest, au pied du Coudiat-Aty.

Au premier plan, ruines confuses, qui devaient se trouver à l'Ouest de l'emplacement occupé par la Halle aux grains. -- Vers le milieu de la planche, minaret, qui avait fait auparavant partie de la mosquée de Sidi Bou Koceïa (conf. Nodier, Journal de l'expédition des Portes de Fer, fig. à la p. 148). Ce minaret se dressait en avant de la porte dite Bab el Oued, que les Français remplacèrent par la porte Valée (place de la Brèche actuelle, en face le théâtre). -- A gauche, la porte cintrée est Bab el Djedid (la porte neuve). Celte porte, qui fut bouchée par les Français, subsiste encore : c'est une longue voûte, qui sert de magasin à la commune, auprès du Trésor. -- Vers la droite, le Dar Ahmed-Bey, appelé par les Français la caserne des Janissaires, à l'emplacement qu'occupe aujourd'hui le théâtre : conf. Mercier, Rec.de Constantine, XIX, 1878, p. 5o et 61. In CAOM 10 107 (1).

73 Fig. 20 (a). Porte de la seconde « enceinte, donnant entrée à la rue Combes, côté Ouest de la ville ».

Fig. 20 (b). Le Minaret de la mosquée de Sidi Debbi. Dessin de l'ensemble de la planche, au Louvre.

Deux aspects d'une galerie, qui est reproduite par Ravoisié (I, fig. à la p. 20), (conf. pl. 131, fig. 10). Tout a disparu. In CAOM 10 107 (1).

Fig. 20 (c). Entrée des gorges du Rummel.

Amable Ravoisié, 1846-1851, Beaux-arts « architecture et sculpture », premier volume, CAOM 10 107 (1).

Prise de la rive droite de la rivière au sud de Constantine à quelques pas du Rocher des martyres (pl.136, fig. 1). Au milieu du dessin, la pointe de sidi Rached, à gauche, la porte dite Bab el Djabia (pl. 132), d’où un sentier descend vers la rivière. Plus à gauche, en dehors de la ville, le minaret isolé de sidi bou Kacia (conf. Pl. 134). A l’entrée des gorges, restes d’un barrage construit ou réparé à une basse époque Atlas archéologique, Ie 17, p, 18, n° 23 -CAOM 10 107 (1).

74 1.3 / CONCLUSION

Dans notre analyse sur la morphologie et les pratiques urbaines de cette ville avant la conquête, le « centre » se démarque de ceux de la majorité des villes de cette époque comme (Alger, Annaba, Tlemcen) 1, inaugurant une forme spatiale nouvelle, qui engendre un

fonctionnement social différent. Le dispositif spatial qui était initialement centré autour du palais gouvernemental, et la grande mosquée et les souks, se diversifie d’une part, et d’autre part se scinde en deux. On relève alors une différenciation au plan social : « Le centre politique, autrefois confondu avec le religieux, finit par s’autonomiser et par dominer aussi bien, le centre religieux que l’ancien centre populaire. On assiste dans ce cas à un avènement d’un centre exclusivement dominateur, qui perd tout à fait son caractère unificateur et intégrateur de la communauté du rocher. Cette domination se relève au niveau spatial où l’on note une mise sous surveillance de toute la ville et de tout dispositif spatial »2.

Nous pouvons conclure que cette polarité (influence) est marquée par rapport au réseau de communication rayonnant centré à Constantine, et sur un autre plan, par une rencontre de la plupart des groupes socio-ethniques présent dans la capitale occasionnellement pour les échanges et l’emplois, qui inévitablement va influencer sur la dynamique urbaine du centre ancien pendant la période coloniale3, qui s’est traduite sur son espace urbain dans les

éléments de sa structure urbaine, et semble présenter les caractéristiques suivantes :

* Le quartier, comme entité physique, qui se définit par un ensemble de maisons structurées par des rues hiérarchisées, fermées par des portes, et dotées d’organismes élémentaires et indispensables pour la communauté qui y vit : une mosquée, des boutiques, un bain, une fontaine et un four, reliés par un réseau de rues, les quartiers constituent des groupements autosuffisants et complémentaires entre eux.

* Pas de places, contrairement aux espaces publics de rassemblement, exprimés selon une composition architecturale symbolique telle que : le forum chez les romains, ou la place d’armes dans la ville du XIXème siècle en Europe. Sur le rocher, on découvre : « Rahba » ou

1 Bien que des centres de ville à caractère « islamique », s’organisent d’une manière différente, la domination que

permet le centre militaire de la ville précoloniale (arabo-turque), répond à un objectif, celui de faire triompher l’Islam : On dégage dans la ville cette forme spatiale, « le centre », qui fonctionne au plan social comme centre dominateur, du moment qu’il s’impose et défend lIslam ; mais il est aussi centre intégrateur. Le dispositif spatial centré autour du palais gouvernemental, de la grande mosquée et des souks permet le rassemblement, mais aussi l’intégration de toute la communauté urbaine musulmane. Ce centre a un caractère unificateur (union qui s’avère tout aussi nécessaire que la défense). Naidja-Lebkiri, Zéhira, « La centralité urbaine dans le monde arabe, cas de

l’Algérie », Thèse de Doctorat 3éme cycle, Aix-Marseille I, (1982). 2 Idem (1).

3 Cette reconnaissance sur le rocher précolonial, s’arrête au niveau de cette image, qui va nous servir pour étayer

notre démarche sur la « centralité », traitée en aval, avec son urbanisation pendant la période du 19 éme & 20 éme

75 « Rbat », espace libre parfois vaste, où s’établissent les marchés aux chevaux, aux moutons, ou aux grains. L’examen morphologique montre que loin d’être des espaces architecturés, ces « Rahbas » sont en réalité des poches du monde rural dans le tissu urbain, poches situées d’ailleurs dans les faubourgs dont le caractère rural ne s’est estompé que récemment, au XIXème siècle.

* La rue, une première principale ou importante, qui relie à ses extrémités des portes, et une autre secondaire aménagée pour permettre le passage et l’accès aux maisons, (ces rues secondaires qui se connectent directement ou indirectement, aux rues principales sont de deux types : parallèles ou perpendiculaires aux courbes de niveau).

* Les façades, aveugles des îlots résidentiels se rapprochent parfois au point qu’elles se touchent, l’exiguïté est tout à fait caractéristique, la rue n’a qu’une fonction de simple cheminement, à pied ou à cheval, et la circulation des charrettes ou des carrosses y est difficile. Les activités économiques –négoces : (production, commerce et artisanat) sont regroupées et localisées dans ou à proximité des souks et fondouks. Vient ensuite selon A. Raymond l’impasse, comme résultat de la transformation hiérarchique de la rue principale socialement considérée comme « publique », en rue secondaire « semi-privée et privée », concerne davantage les villes méditerranéennes qu’arabes1.

* L’impasse, est un des types d'architecture que l'on rencontre tant dans les Médinas que dans les douars et qui illustre essentiellement la puissance de la structure de la famille lignagère, marquant ainsi l’identité d’un groupe : exemple, (Bachtarzi, Bencherif, etc.). D’ailleurs, souvent l’association familiale sans être exclusive, donnait lieu à des découpages non plus avec « impasse », mais avec droit de passage. Si elle ne se présente pas dans une forme rectiligne, elle prend d’autres formes, en L, en T et en Y, sans trop de ramifications, regroupant une vingtaine de maisons, sur une longueur allant de 15 à 65 mètres, comme : (celle de sidi Djelisse, ou celle de zelaïkha, etc.).

L’extérieur, espace résiduel qui comprend les rues et les impasses, ne saurait répondre au concept d’espace public contrôlé et géré par une institution communale ; il fait au contraire partie du domaine du beylik soumis à l’autorité de l’Etat.

Par ailleurs, Nous avons localisé cette centralité, suite à cette revue analytique de la ville qui a montré sa mise en scène sur l’espace du rocher, en commençant par dire que c’est là où se trouvent localisées toutes les activités sociales, non seulement réservées aux commerces et métiers qui occupent chacun une rue, mais il est également le siège des administrations, des instances étatiques ; il est aussi, le lieu où l’on rencontre les mosquées les plus importantes, les résidences des hauts dignitaires.