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Quelques travaux sur le traitement des archives du tribunal pour enfants

2 Faiblesse de la quantité de travaux sur les archives des tribunaux pour enfants en elles-mêmes

2.2. Quelques travaux sur le traitement des archives du tribunal pour enfants

Certaines recherches s’attachent à étudier le traitement des archives du tribunal pour enfants. Toutefois, elles sont rarement dédiées entièrement à cette juridiction et s’inscrivent dans un champ plus large consistant à étudier l’ensemble des archives concernant les mineurs.

2.2.1. « Le suivi des mineurs d’après les dossiers conservés dans un service départemental d’archives : l’exemple du Maine-et-Loire »

Élisabeth Verry nous présente, dans cette contribution à l’ouvrage collectif du Service interministériel des archives de France93, les archives conservées aux archives départementales (ici celles de Maine-et-Loire) permettant d’assurer le suivi des mineurs. Son panorama ne se limite pas au tribunal pour enfants : elle 88 Adélaïde Laloux, « "Ces papiers ne sont pas des papiers, mais des vies d’hommes". Les archives

françaises en tant que lieux de parole de l’enfant »…, op cit, p. 71.

89 Adélaïde Laloux, « "Ces papiers ne sont pas des papiers, mais des vies d’hommes". Les archives françaises en tant que lieux de parole de l’enfant »…, op cit, p. 72.

90 Ibid.

91 Ibid.

92 Adélaïde Laloux, « "Ces papiers ne sont pas des papiers, mais des vies d’hommes". Les archives françaises en tant que lieux de parole de l’enfant »…, op cit, p. 73.

93 Service interministériel des archives de France (sous la direction de), La protection de l'enfance.

Écrits protégés, écrits ignorés, les dossiers individuels de mineurs et de jeunes majeurs sous main de justice. Paris, La Documentation Française, 2010, 229 p.

évoque également les fonds administratifs de l’action sociale et les fonds associatifs. Toutefois, dans notre exposé, nous nous cantonnerons au tribunal étudié puisqu’il s’agit de se concentrer sur les études qui les concernent, lui et ses archives, en particulier. Cet exposé repose entièrement sur celui fait par Élisabeth Verry.

Comme expliqué précédemment, la compétence du tribunal pour enfants est double : pénale et civile, et c’est en suivant cette dualité que l’auteure développe son étude. Elle commence par présenter les sources conservées avant d’observer les contenus de celles-ci.

Dans le cadre de la procédure civile « le tribunal pour enfants produit des dossiers d’assistance éducative »94. Ils représentent un volume très important. Pour autant, et malgré les préconisations réglementaires qui indiquaient un échantillonnage aux lettres B et T, le choix a été fait de les conserver intégralement en Maine-et-Loire pour les années 1959 à 1996. Ce choix de conservation intégrale s’explique par l’incroyable richesse de ces sources, dans lesquelles on trouve des ensembles très complets composés de « rapports sociaux, correspondances, placements et suivis de placements »95 qui nous apprennent des éléments essentiels sur les mineurs et leur parcours dans le système judiciaire.

D’où la volonté d’aller au-delà des instructions réglementaires.

En matière civile, le tribunal produit également des dossiers de tutelle aux prestations sociales. Ils ont été largement échantillonnés. La conservation est intégrale de 1959 à 1968, notamment afin de « suppléer aux lacunes créées par ailleurs dans les fonds judiciaires par l’incendie du palais de justice d’Angers en 1979, puis conservés sous forme d’année témoin en 1976, 1986, et 1996 avec sélection des patronymes B et T »96. Le fait d’utiliser ces dossiers pour combler une lacune dans d’autres fonds nous indique bien leur complémentarité.

Pour ce qui est de la procédure pénale, les circulaires préconisent une « conservation intégrale des dossiers de l’enfance délinquante »97. Les archives départementales de Maine-et-Loire ont bien évidemment suivi cette recommandation. Par cinq versements, les dossiers pénaux des années 1959 à 1986 sont arrivés aux archives départementales. Ils ont été complétés par un versement des dossiers des placements en liberté surveillée, pour les années 1972 à 1979, et un autre des dossiers de placements en établissements spécialisés, cette fois-ci pour les années 1959 à 1969. En 2003, le mode de classement de ces dossiers pénaux change. On sépare « les dossiers des affaires traitées devant le juge des enfants en

94 Élisabeth Verry, « Le suivi des mineurs d’après les dossiers conservés dans un service départemental d’archives : l’exemple du Maine-et-Loire », dans Service interministériel des archives de France (sous la direction de), La protection de l'enfance. Écrits protégés, écrits ignorés, les dossiers individuels de mineurs et de jeunes majeurs sous main de justice. Paris, La Documentation Française, 2010, p.112.

95 Élisabeth Verry, « Le suivi des mineurs d’après les dossiers conservés dans un service départemental d’archives : l’exemple du Maine-et-Loire », op cit, p.114.

96 Élisabeth Verry, « Le suivi des mineurs d’après les dossiers conservés dans un service départemental d’archives : l’exemple du Maine-et-Loire », op cit, p.112.

97 Ibid.

audience de cabinet, qui feront l’objet d’un tri par échantillonnage »98 des « dossiers de procédure, qui continueront à faire l’objet d’un versement intégral »99. Ces dossiers sont d’une extrême richesse eux aussi, notamment du fait de leur complétude et des nombreux détails qu’ils contiennent. Ils « permettent de restituer jusque dans leurs moindres détails les circonstances de la condamnation, ses causes, et le parcours qui a conduit l’intéressé devant le juge, ainsi que son environnement social et familial »100. Contrairement aux dossiers civils qui offrent cet avantage, les dossiers pénaux n’accordent pas la possibilité de connaître la suite des événements pour le mineur, après son passage au tribunal. C’est une autre justification de l’importance de la complémentarité des dossiers civils et pénaux.

2.2.2. « Archives dispersées, public fragile : enjeux de la collecte, du traitement et de la communication des dossiers des jeunes »

Dans cette contribution au même ouvrage du Service interministériel des archives de France, Frédéric Douat et Béatrice Hérold interviennent sur les enjeux sociaux de la communication des dossiers individuels des mineurs. C’est dans ce cadre qu’ils nous présentent la situation des archives des différents acteurs intervenant auprès des jeunes dans les Hauts-de-Seine. Une nouvelle fois, nous nous concentreront exclusivement sur la partie consacrée au tribunal pour enfants.

Dans ce département, le tribunal pour enfants a été créé en 1968. En premier lieu, la collecte s’est portée sur les archives de l’action civile du juge : les dossiers individuels d’assistance éducative. « Ce sont 21 versements de dossiers de procédure qui sont intervenus entre 2002 et 2009 pour un volume de 536 ml »101. Les versements sont complétés par les dossiers de la tutelle aux prestations sociales.

Les auteurs soulignent eux aussi « la complétude des dossiers d’assistance éducative »102 et, par-là, leur grande richesse. Chaque document ou ensemble de documents contenus dans ces dossiers nous renseignent sur des éléments très divers de la vie du mineur et de sa prise en charge. Ces dossiers, en rassemblant « toutes les mesures judiciaires prises successivement »103 pour le mineur, « offrent une vision globale de tous les types de prise en charge mis en œuvre » pour lui ou sa famille. C’est aussi un moyen de connaître le parcours du jeune puisqu’« ils contiennent toutes les synthèses ou rapports d’observation des différentes institutions ayant eu à connaître le ou les mineurs »104. On peut également en apprendre plus sur la situation des familles, par le biais des « enquêtes de police ou de gendarmerie 98 Ibid.

99 Ibid.

100Élisabeth Verry, « Le suivi des mineurs d’après les dossiers conservés dans un service départemental d’archives : l’exemple du Maine-et-Loire », op cit, p.114.

101 Frédéric Douat, Béatrice Hérold, « Archives dispersées, public fragile : enjeux de collecte, du traitement et de la communication des dossiers des jeunes », dans Service interministériel des archives de France, op cit, p. 130.

102 Frédéric Douat, Béatrice Hérold, « Archives dispersées, public fragile : enjeux de collecte, du traitement et de la communication des dossiers des jeunes »…, op cit, p. 131.

103 Ibid.

104 Ibid.

très détaillées »105 à ce sujet. Enfin, c’est la parole du mineur et de sa famille que révèlent ces dossiers, grâce à la présence des procès-verbaux d’audition, mais aussi de correspondances. Ces documents

« restituent la position des familles ou des mineurs »106

Les auteurs mettent par ailleurs en avant « les problématiques de la conservation »107. Ils soulignent les difficultés créées par les habitudes des greffes des tribunaux dans la gestion de ces archives par les services départementaux. « En effet, dans le cas du tribunal pour enfants de Nanterre, les dossiers d’assistance éducative sont mêlés, dans un classement strictement chronologique, aux dossiers pénaux des audiences de cabinet »108. La complexité du traitement réside dans les durées d’utilité administratives (DUA) différentes de ces deux types de dossiers. En effet, les dossiers pénaux ont une DUA de 10 ans, tandis que celle des dossiers civils se calcule en fonction de la date de fin des mesures. On retrouve, au sein d’un même ensemble, des dossiers qui peuvent connaître des dates d’élimination ou de versement différentes. Ces différences peuvent différer le traitement des archives, créant ainsi des situations d’encombrement dans les tribunaux. La dernière circulaire en date s’appliquant au traitement des archives des tribunaux pour enfants, de 2019 (DGP/SIAF/2019/003), n’a pas harmonisé ces DUA et ne permet donc pas de résoudre ce problème. Par ailleurs « il convient de souligner que leur mode de classement (par famille et date d’ouverture de la procédure, pour le premier mineur concerné) constitue un obstacle majeur pour les recherches à mener »109.

Dans une approche plus globale, les auteurs opèrent un rapprochement des dossiers d’assistance éducative avec ceux de l’aide sociale à l’enfance. Ils nous disent qu’au vu du volume représenté par le premier ensemble, un échantillonnage devrait être fait. Celui-ci devra alors être « le plus conforme possible à celui des dossiers d’aide sociale à l’enfance puisque ces dossiers sont complémentaires et permettent de porter des éclairages différents et croisés sur des parcours et des situations »110. Ils recommandent enfin « une DUA équivalente à celle pratiquée pour les dossiers de l’aide sociale à l’enfance »111 pour faciliter les recherches, dans les minutiers des dossiers d’assistance éducative, aux fins de justification de droits.

3 Comparaison avec les archives d’autres secteurs de la