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2 Le traitement des archives après la collecte : des fonds prioritaires ou oubliés ?

Une fois les archives versées, il revient aux archivistes de les prendre en charge. En fonction du travail déjà réalisé par les tribunaux, cette prise en charge ne sera pas la même. Elle dépend également de la situation des services d’archives qui n’ont pas tous les mêmes capacités d’accueil des fonds. Des différences se font enfin ressentir sur le classement des fonds des tribunaux pour enfants, entre les services et entre les séries.

192 Annexe 4, p.95 193 Ibid.

194 Ibid.

195 Ibid.

2.1. Une volonté de conservation optimale

Nous avons eu l’occasion d’expliquer la richesse extraordinaire des archives des tribunaux pour enfants ainsi que leur sensibilité toute particulière. Les archivistes veillent à préserver leur singularité au travers de leurs choix de conservation.

Les archivistes, afin de procéder à l’échantillonnage des archives – quand échantillonnage il y a – disposent de plusieurs outils. Il y a bien évidemment les circulaires de tri sur lesquelles ils peuvent s’appuyer au même titre que les tribunaux. Ils peuvent en outre s’appuyer sur le Cadre méthodologique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des services publics. La réflexion qui y est proposée

« souhaite donc replacer l'archiviste au cœur de la démarche en lui donnant des outils et une méthode rationnels pour procéder à l'évaluation et à la sélection des fonds d'archives »196. Les archives départementales de Seine-et-Marne nous font part de leur utilisation de ce cadre méthodologique et de la circulaire de tri de 2009 : « Des tris ont été effectués dans les dossiers de protection de l'enfance et d'assistance éducative (134 TGI), de tutelles aux prestations sociales (135 TGI) selon les préconisations de l'instruction DPACI/RES/2009/015 du 30 juin 2009 (sort final = Tri) et en appliquant les règles d'échantillonnage du Cadre méthodologique pour l'évaluation, la sélection et l'échantillonnage des archives publiques de juillet 2014 »197. Cette explication s’est faite dans le cadre d’une question sur une éventuelle politique de réévaluation archivistique totale ou partielle des fonds du tribunal pour enfants.

Nous n’avons malheureusement pas pu obtenir d’autres exemples d’utilisation de ce cadre méthodologique.

En Maine-et-Loire, il a été fait le choix d’aller au-delà des recommandations faites dans les circulaires de tri. Par exemple, sont conservés en intégralité les dossiers d’assistance éducative, alors que les circulaires préconisent un échantillonnage. En 2003 et 2009, l’échantillonnage consistait à ne garder les dossiers que pour les noms de famille en B et T. Cet élément étudié dans notre état des connaissances nous a été confirmé par la personne actuellement en poste.

Marie-Paule Schmitt nous précise que ce choix de conservation intégrale, malgré des préconisations d’échantillonnage, peut-être discutable. Cela est lié à la redondance que certains dossiers peuvent avoir entre eux. C’est le cas entre les dossiers du tribunal pour enfants et ceux de l’aide sociale à l’enfance ou de la Protection judiciaire de la jeunesse. Elle cite l’exemple d’un enfant suivi dans le cadre de l’assistance éducative puis placé et suivi par l’aide sociale à l’enfance. Dans le dossier de cette dernière, se retrouvent des copies des décisions judiciaires prononcées par le tribunal pour enfants. On se trouve alors « avec un stock de dossiers qui pourrait peut-être être allégé »198. Toutefois, cet allègement demanderait une étude 196 Délégation interministérielle des archives de France, Cadre méthodologique pour l’évaluation, la

sélection et l’échantillonnage des services publics, 2014.

197 Annexe 7, p. 103

198 Annexe 1, entretien avec Marie-Paule Schmitt, responsable des archives judiciaires aux archives départementales de Maine-et-Loire, du 26 mars 2020, p. 92

au cas par cas des dossiers ce qui créerait une charge de travail bien trop importante pour les archivistes et les tribunaux. Le choix a donc été fait de prendre les dossiers des tribunaux, ceux de l’aide sociale à l’enfance et de la Protection judiciaire de la jeunesse, en intégralité. Cette décision crée certes une redondance entre les fonds, mais rend aussi plus faciles les recoupements entre eux.

La situation en Côte-d’Or est différente. Le service se limite le plus possible aux préconisations des textes réglementaires. Les circonstances étaient d’ailleurs assez particulières durant ces dernières années dans ce service : du fait d’une saturation des locaux et des travaux de leur annexe en vu de son agrandissement, les versements n’ont pu être accueillis pendant trois ans. Malgré les travaux d’extension, l’annexe va rapidement être saturée elle aussi (500 mètres linéaires d’archives étaient en attente). On comprend donc que les archivistes fassent le choix de ne pas aller au-delà des préconisations réglementaires, en particulier pour les archives judiciaires qui sont des fonds très volumineux.

Céline Gauthier-Grangereau reconnaît toutefois l’importance des archives judiciaires et nous précise que cette attention portée aux volumes entrant aux archives départementales de Côte-d’Or ne les empêchent pas de parfois aller au-delà des préconisations réglementaires, dans des cas d’affaires présentant un intérêt particulier.

La difficulté ici est de trouver un juste milieu entre une volonté de conserver au mieux ces dossiers d’une grande importance historique et des locaux déjà saturés. Nous soulevons ici une problématique toute autre qui n’est pas l’objet de notre étude : la saturation des services d’archives.

2.2. Des fonds encore peu classés

Une fois les décisions prises sur l’échantillonnage à réaliser et sur les documents à conserver, vient le classement des fonds du tribunal pour enfants. Des différences sont à souligner entre le classement des séries moderne et contemporaine.

Tout d’abord, il faut noter que les fonds des tribunaux représentent des volumes plutôt conséquents.

Quelques données ont pu être récoltées sur cette question par le biais du questionnaire. Il n’est pas précisé si le métrage linéaire concerne la série U ou la série W, on considère donc que c’est un métrage global199. Ainsi, pour 5 départements, les archives des tribunaux pour enfants occupent entre 101 et 300 mètres linéaires. 4 voient plus de 300 mètres linéaires occupés par ces mêmes archives, sur lesquels 2 services ont des archives des tribunaux pour enfants qui occupent plus de 600 mètres linéaires (Essonne et Gironde). Ces volumes assez considérables peuvent expliquer certaines difficultés de classement.

199 Annexe 14, p. 300

Pour la série U, sur les 18 réponses obtenus par les services d’archives départementales200, 50 % indiquent que leurs fonds ne sont que partiellement classés. Seulement un tiers ont leurs fonds totalement classés pour cette série moderne. Enfin, une petite part (11,11%) des services ayant répondu atteste de fonds non classés pour cette série. Aucune explication n’est donnée sur cette absence de classement. Toutefois, on peut imaginer qu’elle est notamment due à une charge de travail considérable pour les archivistes qui n’ont pas toujours la possibilité de reprendre les arriérés.

Les données pour la série contemporaine sont différentes201. Aucun des services répondants n’a de fonds qui n’est pas du tout classé pour cette série. La tendance reste quand même au classement partiel : ce sont plus des trois quarts des services (77,78%) qui n’ont classé que partiellement les fonds du tribunal pour enfants pour la série W. Tous les services restants ont classé intégralement leurs fonds du tribunal pour enfants classés en série contemporaine. Une explication peut se trouver dans l’existence de plus en plus systématique (voire même totale aujourd’hui) d’un greffe autonome pour les tribunaux pour enfants.

Il permet de classer en amont les archives et donc d’alléger considérablement le travail des archivistes.

Malgré un classement le plus souvent partiel202, les services d’archives semblent disposer d’instrument de recherche. Sur les 15 services disant avoir classés totalement ou partiellement les fonds modernes des tribunaux pour enfants, 11 disent avoir un instrument de recherche. La différence s’opère sur les classements partiels. Tous les fonds entièrement classés disposent d’un instrument de recherche. Il en va de même pour la série contemporaine. Tous les services ayant répondu ont classé totalement ou partiellement leurs fonds, mais seulement 15 d’entre eux ont rédigé un instrument de recherche pour le fonds contemporain du tribunal pour enfants.

En Côte-d’Or, en réalité, les fonds arrivent désormais presque déjà classés en raison d’une très bonne gestion des archives liée à des connaissance et utilisation maîtrisées des circulaires de tri. Le bordereau de versement est vérifié par la personne chargée de recueillir les versements. Si le bordereau est réalisé correctement, un plan de classement est créé à partir de ce bordereau en suivant les numéros de boîtes.

Finalement, une fois le versement matériel réalisé, la personne chargée de recueillir les versements attribue les cotes définitives.

Malgré toutes les vérifications, nous l’avons vu, des erreurs peuvent se produire dans le classement des fonds. Ces erreurs peuvent notamment advenir lorsque le traitement des archives est réalisé par des tiers-archiveurs qui, comme le souligne Céline Gauthier-Grangereau, « ne connaissent pas forcément très bien le fonctionnement de la justice et les typologies documentaires »203. Elle n’a pu nous donner un exemple qu’à propos d’une erreur réalisée dans un versement du fonds du tribunal de commerce : le 200 Annexe 15, p. 301

201 Ibid.

202 Annexe 7, p. 103

203 Annexe 1, entretien avec Céline Gauthier-Greangereau, responsable des archives judiciaires aux archives départementales de Côte-d’Or, du 5 mai 2020, p.92

service d’archives ne s’est rendu compte de l’erreur qu’une fois le versement arrivé aux archives départementales car le bordereau de versement avait été correctement réalisé. Les erreurs se trouvaient à l’intérieur des boîtes. Elle nous précise que la reprise de ce fonds pourrait prendre trois ou quatre jours entiers pour remettre à plat le classement.

Concernant les erreurs possibles au sein des fonds des tribunaux pour enfants, certains services d’archives départementales indiquent sur leur site internet des re-cotations. Elles sont dues à la présence de documents normalement classés en série moderne qui se sont retrouvés dans des versements de la série W. On peut ici noter que les années de césure entre la série U et la série W divergent en fonction des services : 12 d’entre eux font cette césure en 1958 qui est une année de réforme judiciaire très importante. À cette date le tribunal de première instance devient le tribunal de grande instance. 5 services appliquent la césure habituelle du cadre de classement c’est-à-dire en 1940. Enfin, un service réalise la césure en 1945. Nous n’avons pas d’explication pour ce choix.

Enfin, des choix ont été faits quant aux typologies choisies pour décrire les documents204. On compte principalement des minutes, des registres et des dossiers. Ce sont ces derniers qui ont les qualificatifs les plus disparates. Ils concernent toutes les procédures entamées au civil et au pénal. On retrouve ainsi des dossiers d’assistance éducative, des dossiers de tutelles aux prestations sociales, des dossiers de protection des jeunes majeurs, des dossiers de mineurs délinquants. D’autres typologies sont parfois moins précises telles que « dossiers de procédure » ou « dossiers individuels ». Il ne semble pas y avoir de consensus sur le vocabulaire à adopter, ni sur le classement de ces dossiers. Ils sont parfois classés d’abord par date puis par ordre alphabétique, parfois simplement par date sans que l’ordre alphabétique ne soit mentionné. Il en va de même pour la présence des documents « autres ». Certains fonds contiennent des ordonnances (de placement, de dessaisissement, de classement,…), des procès-verbaux (de renseignements, d’audition, d’enquête préliminaire,…), de la correspondance, là où d’autres ne font mention que des minutes, des registres ou des dossiers. En plus d’une disparité sur le vocabulaire employé, les services d’archives départementales se différencient également sur la quantité et la diversité des documents collectés.

Ainsi, les archives des tribunaux pour enfants restent sommairement classés, notamment pour la série moderne. La série contemporaine bénéficie d’un meilleur classement, sûrement dû au développement des greffes spécifiques aux tribunaux pour enfants, mais aussi à la numérisation des procédures de versement. Grâce à des bordereaux de versement saisissables sur ordinateur et pouvant être envoyés directement en format informatique aux services d’archives, il est possible d’assurer une meilleure diffusion en ligne et, ainsi, un meilleur accès par les publics.

204 Annexe 7, p. 103

3 La diffusion : une réponse à des besoins de