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SECTION 1 : EDUCATION FINANCIERE ET FORMATION DU COMPORTEMENT

I. Les recherches sur les programmes d’éducation financière

2. Les travaux sur l’efficacité de l’éducation financière sur le lieu de travail

De nombreuses recherches en comportement financier du consommateur se sont intéressées à analyser les effets des séminaires et des programmes offerts aux salariés sur leur lieu de travail (Fletcher, Beebout et Mendenhall, 1997 ; Kim, Bagwell et Garman, 1998 ; Russell, 1997 ; Taylor-Carter, Cook et Weinberg, 1997 ; Bernheim, 1996 ; Bernheim et Garrett, 1996 ; DeVaney et alii, 1995 ; DeVaney, Gorham, Bechman et Haldeman, 1996 ; Godwin et Caroll, 1986 ; The National Summit on Retirement Savings, 1998 ; Varcoe et Wright, 1991 ; Clancy, Grinstein-Weiss et Schreiner, 2001 ; Lusardi, 2003).

L’éducation financière sur le lieu du travail est définie comme l’information, l’éducation et/ou les services apportés par un employeur pour aider son personnel à prendre des décisions financières informées sur les régimes de retraite, les avantages sociaux, le crédit et la gestion financière ainsi que sur les droits des consommateurs (Garman, 1998 ; Garman et Bagwell, 1998). Elle peut être apportée par des écrits (brochures, newsletters, site web…) soit en consultation individuelle ou au sein d'un groupe de soutien, d’ateliers et de séminaires (Bernheim et Garrett, 1996 ; Renninger, 1997; Wechsler, 1997). Ces programmes d’éducation financière sur les lieux du travail se développement principalement aux Etats- Unis pour apporter une réponse aux besoins des employés et aux obligations imposées par l’Employment Retirement Income Security Act7 (ERISA).

Plusieurs travaux de recherche montrent que les salariés ont l’intention de mieux gérer leurs finances personnelles et de changer leur comportement financier après avoir participé à un séminaire ou à un atelier financier (Fletcher, Beebout et Mendenhall, 1997 ; Kim, Bagwell et Garman, 1998 ; Russell, 1997 ; Taylor-Carter, Cook et Weinberg, 1997). Les intentions témoignent du désir d’accroître son épargne, de commencer à cotiser à un régime de retraite et de rembourser le solde des dettes de sa carte de crédit. Les participants sont aussi plus confiants dans leurs décisions d’épargne et d’investissement (DeVaney et alii, 1995). La participation aux programmes de préparation à la retraite a un impact positif sur les attentes                                                                                                                

7Employment Retirement Income Security Act promulgué en 1974. ERISA est une loi fédérale qui établit des normes minimales pour les régimes de retraite dans le secteur privé et prévoit des règles détaillées sur les effets de transactions fiscales fédérales associées aux plans d’avantages sociaux pour aider les employés à bien équilibrer travail et vie personnelle.  

des salariés à l’égard de la retraite (Taylor-Carter, Cook et Weinberg, 1997). L’éducation financière sur les lieux de travail augmente la confiance et améliore l’attitude des salariés envers la gestion de leur argent (Employee Benefits Research Institute, 1998).

Fletcher, Beebout et Mendenhall (1997) montrent aussi que la participation à des séminaires d’éducation financière sur les lieux du travail améliore les connaissances, les attitudes et les comportements financiers. Les participants signalent également des changements au plan des émotions et des attitudes à l’égard des finances personnelles. Bernheim et Garrett (1996) constatent que l’éducation financière sur le lieu du travail influence fortement le comportement financier des ménages. D’autres recherches montrent que les programmes de préparation à la retraite font augmenter le taux moyen de l’épargne globale de 2.2% par rapport aux revenus annuels (Bernheim, 1996 ; Lusardi, 2004 ; Joo et Grable, 2005). L’éducation financière se traduit aussi par des changements réels dans les pratiques de gestion financière (Bernheim, 1996 ; Bernheim et Garrett, 1996 ; DeVaney et alii, 1995 ; DeVaney, Gorham, Bechman et Haldeman, 1996 ; Godwin et Caroll, 1986 ; The National Summit on Retirement Savings, 1998 ; Varcoe et Wright, 1991).

Les séminaires et les programmes relatifs à l’éducation financière offerts aux employés de façon régulière parviennent à accroître les taux de participation et de contribution principalement pour les salariés à faible revenu (Clancy, Grinstein-Weiss et Schreiner, 2001 ; Lusardi, 2003 ; Bayer, Bernheim et Scholz, 1996), influencent les décisions des salariés (Bernheim et Garrett, 1996 ; Staten, Elliehausen et Lundquist, 2002 ; Hirad et Zorn, 2001), améliorent leur satisfaction financière future (Hira et Loibl, 2005) et réduisent le niveau du stress financier (Edmiston, Gillett-Fisher et McGrath, 2009). Les autres formes d’éducation financière sur le lieu du travail, c’est à-dire les séminaires occasionnels, les newsletters et les brochures ne sont pas significatifs (Martin, 2007).

D’autres travaux procèdent à l’évaluation des programmes d’éducation financière sur les lieux de travail en considérant cinq aspects fondamentaux : (1) définir un programme de réussite, (2) choisir les indicateurs et les résultats appropriés, (3) favoriser la participation au programme, (4) concevoir et mettre en œuvre les évaluations et (5) trouver les ressources financières (Bell et Lerman, 2005 ; Fox, Bartholomae et Lee, 2005 ; National Endowment for

Financial Education, 2004 ; US Government Accountability Office8, 2004 ; Lyons et alii, 2006). Ils considèrent que les résultats de l’impact des programmes d’éducation financière sont très différents en fonction de l’objectif du programme, de la conception de son contenu et de sa mise en œuvre. Toute stratégie d'évaluation doit ainsi commencer par définir un ensemble de questions spécifiques, des niveaux pertinents d'analyse et des indicateurs de mesure. Il convient également de préciser les critères d’évaluation (les changements prévisibles attendus du programme) pour les publics (groupes cibles). Le choix des indicateurs de résultats doit être guidé par une conception détaillée du « chemin d'impact » qui retrace la relation entre un type particulier d'éducation financière, le niveau de changement des personnes en matière de connaissances financières, les compétences et attitudes, le changement des comportements financiers et des résultats financiers. Des niveaux plus généraux de changement social sont aussi à prendre en compte, par exemple le bien-être de l’individu.

D’autres auteurs étudient le lien entre les difficultés financières et la productivité au travail (Darby, 1997 ; Garman, Leech et Grable, 1996 ; Luther, Leech et Garman, 1998 ; Drentea, 2000 ; Mills et alii, 1992). Les difficultés financières ont des répercussions négatives sur la productivité des travailleurs (Garman, Leech et Grable, 1996). En revanche, l’éducation financière sur le lieu du travail améliore la gestion des finances personnelles des travailleurs. Les calculs réalisés estiment que le retour sur investissement est positif pour les employeurs ayant offert des formations financières sur les lieux du travail à leurs salariés (Garman, 1998, 1999 ; Joo et Garman, 1998 a, b, c). Deux modèles ont été développés pour expliquer l’effet sur la productivité au travail de l’éducation financière apportée par les employeurs (Kim, 2000 ; Joo, 1998).

Le modèle de Kim (2000) propose que les caractéristiques individuelles des salariés ont un effet sur leur façon de gérer leurs finances personnelles mais que l’éducation financière sur le lieu du travail permet de changer leurs attitudes envers la gestion de leurs finances personnelles, d’améliorer leurs connaissances financières et de changer leurs comportements financiers. Les changements au niveau de la gestion des finances personnelles agissent positivement sur le bien-être financier apprécié par des indicateurs objectifs (revenu,                                                                                                                

8Government Accountability Office est l'organisme d'audit, d'évaluation et d'investigation du Congrès des États- Unis en charge du contrôle des comptes publics. Il fait partie de la branche législative du gouvernement fédéral des États-Unis.  

patrimoine…) et subjectifs (satisfaction/insatisfaction). Ce bien-être financier influence positivement la productivité, le chiffre d’affaires, l’engagement organisationnel, la satisfaction au travail et la fidélité et négativement les conflits entre salariés, l’absentéisme et l’intention de quitter l’entreprise. Kim et Garman (2004) constatent statistiquement que les employés ayant un niveau de stress financier élevé passent la majorité de leur temps de travail à résoudre leurs questions financières et sont souvent absents.

Figure 3: Modèle de l'éducation financière sur le lieu du travail, bien-être financier et résultat au travail (Kim, 2000)

     

Le modèle développé par Joo (1998) est centré sur l’explication de la relation entre le bien- être financier des employés et la productivité (Figure 3). Il constate que les caractéristiques démographiques et les facteurs de stress financier influencent le bien-être financier personnel. Le modèle explique la productivité au travail (les résultats) par deux chemins différents. Si les employés ayant un haut niveau de stress financier n’utilisent pas les systèmes de support (le soutien familial, l’éducation financière sur le lieu du travail) ils ont tendance à présenter des résultats négatifs au travail. Ces résultats négatifs ont, en retour, un effet sur le bien-être financier personnel.

Figure 4 : Les effets de l'éducation financière sur le lieu du travail (Joo, 1998)

 

Si les employés utilisent les systèmes de support, ils peuvent produire de meilleurs résultats. Ces bons résultats influencent à leur tour positivement le bien-être financier personnel.

II. Les recherches dans la perspective de la socialisation financière du