• Aucun résultat trouvé

SECTION 2 : RESULTATS DE L’ETUDE QUALITATIVE

2. Variables individuelles, facteurs de socialisation et apprentissage par

2.2 La socialisation financière et la formation ou le changement du comportement

L’analyse des entretiens met en évidence les relations entre la socialisation et le comportement financier adopté par le consommateur. Si la socialisation financière favorise la reproduction sociale des comportements financiers souhaitables, elle n'élimine pas pour autant les possibilités de changement, notamment le rejet. Les associations entre la socialisation et le comportement financier du consommateur couvrent plusieurs aspects : la reproduction sociale du comportement financier, le rejet du comportement financier du modèle parental, le rôle de l’école sur le comportement financier, le rôle non significatif de l’école sur le comportement financier et les normes sur le comportement financier adopté.

La reproduction sociale du comportement financier

Cette étude exploratoire présente deux phénomènes de reproduction sociale du comportement financier : soit la reproduction du modèle parental positif, soit la répétition du modèle parental négatif. Certains répondants déclarent que les parents leur fournissent un bon modèle de comportement de gestion et d’usage de l’argent. Ils font remarquer qu’une bonne gestion financière se résume à un ensemble de tâches spécifiques et récurrentes comme suivre et gérer ses comptes bancaires automatiquement tous les jours. D’autres soulignent une attitude plus générale à l’égard d’une bonne gestion financière, plutôt orientée vers l’investissement et l’optimisation de l’argent. « Je fais attention à conserver mes tickets de caisse et mes factures car mon père fait la même chose et en plus de ça il regarde tout ce qu’il dépense et utilise même une calculatrice pour faire ses comptes. » (Emmanuel B.) En revanche, quelques répondants confirment qu’ils gèrent mal leur argent tout comme leurs parents. Ils n’ont pas appris à bien gérer leurs finances en raison de l’absence du modèle parental. « Ma mère gère mal. Elle est comme moi. » (Yan G.). Pour ces répondants, avoir une personne sur qui compter lorsqu’ils se trouvent à court d’argent en milieu de mois est fréquent. La première forme de

reproduction sociale notamment la reproduction du modèle parental positif est théoriquement associée au concept de continuité intergénérationnelle (Clarke et alii, 2005). Selon Heckler, Childers et Arunachalam (1989), cette forme de reproduction peut s’expliquer par l’effet modérateur de l’intensité des relations entre les parents et les enfants et par l’opportunité de continuer cette relation à l’âge adulte. En revanche, cette étude exploratoire montre que les personnes reproduisent également les comportements financiers négatifs.

Le rejet du comportement financier du modèle parental

Deux phénomènes de rejet de comportement financier du modèle parental ont été identifiés dans le discours des répondants : le rejet du modèle parental négatif et l’évitement de reproduire un modèle parental positif. Les répondants qui refusent de reproduire le comportement financier positif de leurs parents avancent qu’ils gèrent bien leur argent malgré que cela soit loin d’être le cas de leurs parents. Ils réalisent qu’une mauvaise gestion financière entraîne des conséquences négatives pour leur famille. Certains trouvent qu’une mauvaise gestion financière va jusqu’à créer une atmosphère familiale tendue. Ils considèrent que le fait d’être à découvert ou encore de dépenser sans compter peut les priver de certains avantages bancaires ou les sanctionner. « C’est justement que l’avantage que j’ai eu c’est que comme je voyais que mon père ne faisais pas très attention à sa gestion financière… la raison que du fait que maintenant je fais très attention à mes comptes je n’ai pas envie de voir ce que mon père avait vécu pendant mon enfance les relances des impôts et de factures, dispute avec ma mère et voilà… » (Thomas T.) D’autres participants parlent de leur mauvaise gestion financière, bien que leurs parents gèrent bien leur argent. Ils trouvent que leurs parents accordent beaucoup d’importance à l’argent et ont donc tendance à se montrer plutôt désintéressé vis-à-vis de celui-ci. « Non, non, non, je ne m’inspire pas du tout de la façon dont mes parents gèrent leur argent ! Eux, ils comptent tout et tout le temps donc euh [...] moi, je ne planifie rien rien rien. » (Morgan G.). Le rejet du modèle parental négatif correspond au concept de discontinuité intergénérationnelle (Solheim, Zuiker et Levchenko, 2011). En effet, les relations conflictuelles avec les parents renvoient au rejet des modèles parentaux (Lecomte, 2002). Comme le note Kaufmann (1992), il s’agit, dans la plupart des cas, d’un rejet du modèle domestique qui incombe à la mère plus que des pratiques elles- mêmes. Néanmoins, cette étude montre que le rejet peut autant résulter des conflits avec les parents que des pratiques financières négatives des parents. Ceci amène les enfants à changer de comportement financier en rejetant celui adopté par leurs parents.

Le rôle de l’école sur le comportement financier

Cette étude qualitative nous a permis de témoigner du lien significatif entre les matières enseignées à savoir dans le cadre de la finance, des mathématiques ou encore de la comptabilité et le niveau des connaissances financières ainsi que les comportements financiers des répondants. En effet, le rôle des programmes d’enseignement sur les connaissances financières a été signalé par l’un des répondants : « Je suis en BTS donc en ce moment voilà je fais des calculs les fiches de paie les calculs euh. J’ai des cours pour ça j’ai fait un DAEU et après j’ai fait un Bac pro services et en Math on fait des tableaux d’amortissement tu sais euh voilà donc après tu comprends quoi la notion des taux, pourcentages et intérêts carrément donc l’amortissement donc ça va ça me paraît clair » (Lise B.). Plusieurs travaux de recherche montrent que l’éducation financière à l’école permet de toucher favorablement les connaissances et les comportements financiers de la population. Les programmes d’enseignement représentent l’outil pédagogique de base de transmission des connaissances dans les établissements scolaires. Outre le lien entre les programmes d’enseignement et le niveau de connaissances financières du consommateur, l’étude exploratoire met en avant le lien entre ces programmes et le sentiment d’efficacité personnelle. Rappelons que le sentiment d’efficacité personnelle est reconnu dans la littérature comme un indicateur de progrès du changement de comportement financier. Les répondants déclarent être confiants en leur capacité de gérer leurs finances personnelles grâce aux cours d’enseignement qu’ils ont eu : « Oui, tout à fait. J’ai l’impression d’avoir assez de connaissances et de m’y connaître en finance. J’ai fait un peu de comptabilité. Donc, oui. » (Mickael C.). Cette relation laisse entrevoir le rôle significatif de l’école sur la formation du comportement financier du consommateur.

Les normes et le comportement financier adopté

Un autre aspect de socialisation, les normes, a été identifié dans le discours des répondants. Certains répondants affirment que leur comportement financier est dicté par leurs normes : « Avec mon fils je me suis déjà retrouvé à ne pas pouvoir retirer de l’argent avec un enfant ce n’est pas concevable de ne pas pouvoir retirer de l’argent. » (Lise B.) Ces normes ont une fonction prescriptive et permettent d’indiquer quels comportements financiers adopter dans une situation donnée : « Je vis avec ma copine et on arrive à s’en sortir tous les deux. C’est normal de faire des efforts quand on vit à deux » (Morgan G.). Nous pouvons dire que ces normes sont théoriquement associées aux normes prescriptives (Reno, Cialdini et Kallgren,

1993). Les normes prescriptives sont les normes stipulant ce qu’il est socialement valorisé de faire ou au contraire de ne pas faire. Cette étude qualitative permet d’appuyer le lien significatif entre les normes prescriptives et le comportement financier adopté par le consommateur. Les travaux de recherche retiennent souvent les normes descriptives pour prédire les comportements financiers du consommateur. Cependant, une méta-analyse réalisée sur 185 études atteste que les normes subjectives constituent un faible prédicteur des intentions comportementales comparé aux deux autres variables attitude et contrôle perçu. Il serait donc intéressant d’étudier les normes prescriptives à la place des normes subjectives. Les normes prescriptives renvoient aux perceptions du comment les gens (comme nous) se comportent généralement face à une situation donnée. Les individus se fient aux normes prescriptives pour guider leur comportement suivant une croyance collective prudente (Burger et alii, 2011).