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Cette section se compose de deux parties. La première partie présente le modèle de changement de comportement applicable aux personnes appartenant à un même groupe de changement. Le modèle intègre les variables dynamiques et individuelles pouvant agir sur les variables dépendantes en l’occurrence, les stratégies de changement d’approche et d’évitement utilisées par le consommateur en vue d’établir son équilibre financier. La deuxième partie définit les groupes de changement fondés sur les intensités des dimensions de changement du modèle transthéorique (précontemplation, contemplation, action et maintien).

I. Présentation synthétique du modèle d’approche-évitement

Le modèle proposé a pour objectif d’étudier, pour un groupe de changement donné, les déterminants de l’adoption des stratégies de changement de comportement pour conserver, retrouver ou maintenir un équilibre financier individuel ou familial. Ces stratégies de changement de comportement sont de type approche (épargne) et de type évitement (contrôle des dépenses). Leurs déterminants peuvent être dynamiques (ex : l’évaluation des avantages de bien gérer son argent ou encore les dimensions de changement caractéristiques du groupe), ou individuels (ex : l’attitude de la personne à l’égard de l’argent). Le sentiment d’efficacité personnelle ou perception que la personne a en sa capacité à mettre en œuvre les changements désirés (Bandura, 1997) est retenu comme variable de contrôle car les recherches antérieures montrent que son niveau augmente avec la progression vers le changement.

Le modèle de changement de comportement financier du consommateur met en avant l’effet de la balance décisionnelle (les avantages et les inconvénients de bien gérer son argent) sur l’intention d’adopter les stratégies de changement d’approche-évitement. Ce modèle s’intéresse également aux effets des dimensions de changement caractéristiques du groupe sur l’évaluation de la balance décisionnelle et l’intention d’adopter les stratégies de changement d’approche-évitement. Le rôle médiateur de la balance décisionnelle dans la relation dimensions de changement et stratégies de changement d’approche-évitement est donc analysé. Les variables individuelles intégrées dans le modèle de changement sont examinées

différemment. Certaines de ces variables ont un effet direct sur les stratégies d’approche- évitement. L’attitude de la personne à l’égard de l’argent ainsi que son niveau d’anxiété (trait) peuvent ainsi avoir une influence directe sur l’intention d’adopter les stratégies d’approche- évitement. Les liens du modèle de changement de comportement financier sont aussi analysés selon la différence de l’orientation motivationnelle paratélique des personnes, c’est-à-dire une orientation générale sur le plaisir immédiat, le présent et l’action spontanée (Kerr, Murgatroyd et Apter, 1993).

II. Groupes de changement

La revue de littérature montre que les personnes passent par plusieurs étapes pour réussir à modifier leurs comportements financiers. Ces étapes appelées phases de changement sont définies comme « un laps de temps de l’ensemble des activités requises pour accéder à la phase suivante » (Prochaska et DiClemente, 1992). Les phases de changement représentent, selon ces auteurs, une dimension temporelle permettant de comprendre précisément quand un changement d’attitude, d’intention ou de comportement se produit. Les phases de changement renvoient donc aux aspects temporels et motivationnels du changement. Ces phases représentent la composante la plus connue mais aussi la plus critiquée du modèle transthéorique.

Dans le modèle transthéorique, le changement de comportement s’effectue au cours d’une démarche constituée de différentes phases ordonnées de façon chronologique : la précontemplation, la contemplation, la préparation, l’action, le maintien et la terminaison. Nous rappelons ces aspects. En précontemplation, la personne est plus ou moins consciente de la présence d’un problème, résiste au changement de diverses façons, évite de parler du problème, de s’informer et minimise la situation. En contemplation, elle commence à penser à résoudre son problème et ce désir de changer se manifeste en même temps que plusieurs facteurs de résistance. En phase de préparation, la personne se prépare à agir très prochainement, pense au futur et aux meilleures actions à mener pour résoudre le problème. En action, elle s’engage dans le changement de comportement, rencontre des difficultés et des retours aux comportements antérieurs peuvent avoir lieu. En phase de maintien, elle maintient son nouveau comportement mais certains éléments peuvent nuire à cette stabilité (tentations, dépressions, oubli des conséquences négatives du comportement). En phase de terminaison, la personne a vraiment changé de comportement. Les recherches adoptant ce modèle pour la

compréhension du changement de comportement financier du consommateur caractérisent les phases de changement en utilisant des points de référence temporels assez arbitraires (Shockey et Seiling, 2004 ; Xiao et alii, 2004). Par exemple, une personne est placée en phase d’action si elle s’est engagée dans le comportement positif depuis un certain temps. Spécifiquement, les individus sont affectés aux phases de la manière suivante : en précontemplation, ceux qui n’ont pas l’intention de changer dans les six prochains mois ; en contemplation, ceux qui ont l’intention de changer dans les six prochains mois ; en préparation, ceux qui ont l’intention de changer dans les 30 prochains jours ; en action, ceux ayant déjà changé de comportement il y a moins de six mois ; en maintien, ceux ayant changé de comportement il y a plus de six mois. Ce faisant, ces recherches reprennent la technique de situation dans les phases utilisées initialement par les recherches sur le traitement des comportements d’addiction.

L’étude qualitative exploratoire montre que les personnes se situent à différentes étapes de changement mais que certaines personnes se trouvent dans une phase bien définie alors que d’autres se sentent partagées entre deux ou plusieurs phases de changement. En d’autres termes, une personne peut présenter simultanément des caractéristiques propres à plus d’une phase de changement. Plutôt que de procéder par affectation arbitraire, l’information est plus riche en considérant les intensités des dimensions associées aux phases de changement. Cela conduit à situer une personne dans la trajectoire de changement en retenant l’intensité de chacune des dimensions (précontemplation, contemplation, action, maintien), c’est-à-dire son profil plutôt que de l’affecter à l’une ou l’autre des phases comme dans le modèle transthéorique initial. Les mesures de ces intensités permettent de regrouper les personnes en situations proches sur la trajectoire ou spirale de changement. Des groupes de changement peuvent donc être formés sur la base des intensités des dimensions de changement du modèle transthéorique (précontemplation, contemplation, action et maintien). Un groupe de changement est alors composé de consommateurs qui partagent les mêmes intensités de dimension de changement. Ces groupes de consommateurs sont nommés selon les dimensions qui les caractérisent, c’est-à-dire sur lesquelles les scores sont les plus élevés.

Cette approche par groupe de changement a été confirmée dans plusieurs contextes (Brodeur, 2006 ; Levesque, Gelles et Velicer, 2000 ; Eckhardt, Babcock et Homack, 2004). Ces auteurs préconisent la construction d’une typologie des répondants fondée sur les intensités des différentes dimensions de changement. La bijection entre l’ensemble des groupes obtenus et

l’ensemble des phases ne s’établit généralement pas complètement mais ces groupes correspondent néanmoins à des positions partagées par leurs membres dans la dynamique du changement de comportement. Cette façon de faire n’a pas encore été utilisée dans le domaine financier. Pourtant l’étude qualitative exploratoire réalisée précédemment montre l’intérêt d’identifier des groupes de changement plutôt que de raisonner en fonction des phases de changement.