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SECTION 1 : EDUCATION FINANCIERE ET FORMATION DU COMPORTEMENT

II. Les recherches dans la perspective de la socialisation financière du

2. Les travaux fondés sur la théorie du rôle

La théorie du rôle (Turner, 1990) soutient qu'une grande partie des gestes observés dans le comportement social est celle des rôles joués par les personnes à la façon d'acteurs (Michener, DeLamater et Myers, 2004). Les gens vivent comme membres de groupes et d’organismes. Dans les groupes, ils occupent des positions distinctes et chaque position exige un rôle (un ensemble de gestes et des fonctions exécutés par la personne dans un groupe). Le rôle d'une personne est défini par les attentes des autres membres de groupe. Les groupes formulent leurs attentes sous forme de normes indiquant comment se comporter, quelles récompenses en cas de réussite, quelles punitions en cas d'échec. Les personnes jouent leur rôle selon les normes dominantes. En d'autres termes, les gens sont principalement des conformistes ; ils essayent de répondre aux espérances formulées par les autres. Les membres d’un groupe

vérifient comment chaque personne a exécuté son rôle et sa conformité aux normes. La personne recevra une récompense (acceptation, approbation, argent, etc.) ou une punition (critique, isolement, etc.). L'anticipation et la peur des sanctions assurent l'exécution des rôles comme prévu, le comportement d'une personne dépend des attentes que les autres membres du groupe formulent. La théorie du rôle pense que le rôle d'une personne détermine son comportement, ses croyances, ses attitudes, et son image de soi. La personne adapte progressivement son comportement et même ses croyances les plus profondes afin d'éviter les sanctions sociales.

Très peu d’études se sont intéressées à l’application de la théorie du rôle au comportement financier. Elles étudient l’apprentissage des enfants à partir du rôle financier des parents et de la transmission de ces rôles à l’âge adulte (Beutler et Dickson, 2008). Les familles opèrent comme l'un des agents les plus marquants de socialisation économique de la société : elles procurent les réseaux d'information, des modèles de rôle et des environnements propices au développement humain, aux subventions et aux bourses (Rettig, 1983). Certains auteurs examinent le rôle des familles pour apporter de l’aide financière aux enfants et le rôle en matière de transfert de comportements financiers. Miller et Yung (1990) ont identifié deux types d'aides financières accordées par les parents : l’aide méritée (comme récompense) et l'autre de plein droit. L’aide méritée est de l’argent de la famille géré par un parent et versé à l’enfant de façon régulière à condition que le comportement des enfants corresponde à la réalisation des travaux demandés et à d’autres comportements attendus. En revanche, l’aide de plein droit est caractérisée par un versement régulier afin de diriger et d’assister l’enfant. Conceptuellement, les deux aides (méritée vs de plein droit) sont très différentes. L’aide méritée renvoie dans une certaine mesure à une entente entre employé-employeur. En effet, un salaire est dû en échange de services rendus alors que le non-respect des engagements entraîne généralement la diminution ou le non paiement (Feather, 1991; Furnham et Thomas, 1984). Contrairement à l’aide méritée, l’aide de plein droit ne considère pas un paiement contre un service rendu mais plutôt comme une obligation familiale dans le cadre du partage des ressources communes pour subvenir aux besoins (Feather, 1991; Miller et Yung, 1990). Cette aide est assimilée aux prestations d’aide sociale accordées par l’état aux personnes incapables de se prendre en charge. Miller et Yung (1990) approuvent l’aide de plein droit par rapport à l’aide méritée pour plusieurs raisons. Ils considèrent que les enfants peuvent se sentir plus responsable vis-à-vis de l'argent qu'ils reçoivent, de faire un effort de l'utiliser à bon escient, de devenir relativement plus socialisé économiquement et d’être plus confiants

que lorsqu’ils ont à travailler pour obtenir de l’argent. De plus, l’aide méritée a un caractère hiérarchique employeur-salarié (Abramovitch, Freedman et Pliner, 1991 ; Feather, 1991 ; Miller et Yung, 1990 ; Pliner, Freedman, Abramovitch, et Drake, 1996). Le type d’aide reçue est donc important dans la socialisation financière des enfants. Cependant, Pliner et alii (1996) démontrent que la directivité et l’engagement des parents ont une plus grande influence dans la socialisation des enfants plutôt que le type d’aide reçue.

D’autre part, selon une étude réalisée par Clarke et alii (2005), le transfert du rôle financier se produit le plus souvent par les parents que par des sources extérieures. Les tâches financières nécessaires à un adolescent sont plus fréquemment apprises à la maison plutôt que les tâches financières nécessaires à un jeune adulte. Généralement, les pères modélisent les tâches financières plus que les mères. En revanche, lorsque les mères modélisent les tâches financières et que les enfants mettent en œuvre ces tâches apprises, ils se sentent plus performants et plus préparés financièrement à l’âge adulte. Cette performance est encore plus forte lorsqu’ils grandissent avec l’idée que les tâches financières sont considérées comme la responsabilité de toute la famille. Ainsi, le rôle joué par les parents dans l’apprentissage, dans la socialisation financière de leurs enfants et dans la transmission de leur rôle une fois ces derniers devenus adultes est important dans l’analyse des comportements financiers.

Une étude réalisée par Solheim, Zuiker et Levchenko (2011) confirme que le modèle parental peut influencer positivement ou négativement le comportement financier des enfants. Elle met en avant ce que les enfants peuvent apprendre de leur famille sur leur rôle dans la gestion d’argent. A partir d’une théorie enracinée (grounded theory), les auteurs identifient trois modèles du rôle financier des parents : (1) modèle de prise de décisions et de gestion partagées, (2) modèle de répartition claire des responsabilités financières et (3) un modèle avec des approches divergentes. Généralement, les enfants du modèle de la prise de décision conjointe y trouvent de nombreux avantages. Ces auteurs recommandent ce type de modèle comme bonne pratique car il permet de créer un environnement d'égalité et d'ouverture. Pour les enfants du modèle de la répartition des responsabilités financières, ils y voient des avantages lorsque les parents sont en accord et des inconvénients lorsque les parents sont en perpétuel conflit et que, par conséquent, les enfants se trouvent en confusion. Quant aux enfants du modèle des approches divergentes, ils y trouvent des forces aussi bien que des faiblesses. En effet, chacun des parents pris individuellement, père et mère, les poussent à être plus responsable vis-à-vis des tâches financières et particulièrement envers l’argent ou, au

contraire, les mettent à l’écart et ne les laissent pas assumer certaines responsabilités financières.

Ainsi, les parents par leur rôle et notamment par les modes de communication, les gestes et les fonctions financières réalisées au sein de la famille peuvent avoir une influence positive ou négative sur le comportement financier de leurs enfants et sur le transfert intergénérationnel de leur rôle une fois l’enfant devenu adulte.