• Aucun résultat trouvé

PREMIÈRE PARTIE MISE EN CONTEXTE

QUI SONT LES IMMIGRANTS ? ETUDE DÉMOGRAPHIQUE

2.2 Les travailleurs étrangers

La décennie 1990-2000 fut une période de grandes mutations pour l’économie irlandaise. Grâce à des accords entre les partenaires sociaux, le pays vécut une période de stabilité sociale avec une inflation très modeste. Les fonds structurels européens permirent le développement des infrastructures (routes, ports etc.). La politique fiscale en place, avec un taux d’impôt sur les sociétés de 10 % puis de 12,5 %, le plus faible d’Europe, attira en Irlande de nombreuses entreprises internationales souhaitant s’installer en Europe, notamment dans les secteurs informatique, pharmaceutique et financier. La croissance économique généra de nouveaux emplois chaque année. Ainsi, entre 1992 et 2008, 943 300 emplois furent crées (voir tableau 2.13).

Tableau 2.13 : Création d’emplois 1992-2008 271 Année Nombre d’emplois Création d’emplois 1992 1 165 200 1993 1 183 100 17 900 1994 1 220 600 37 500 1995 1 281 800 61 200 1996 1 328 500 46 700 1997 1 380 000 51 500 1998 1 483 000 103 000 1999 1 555 000 72 000 2000 1 650 600 95 600 2001 1 721 900 71 300 2002 1 760 600 38 700 2003 1 790 100 29 500 2004 1 834 600 44 500 2005 1 931 600 97 000 2006 2 021 100 89 500 2007 2 101 600 80 500 2008 2 108 500 6 900 TOTAL 943 300

Le taux de chômage, fort élevé dans les années 1980272, diminua progressivement pour passer en 2000 sous la barre des 5 %, taux qui se maintint jusqu’en 2007 et au-dessous duquel les économistes parlent de plein emploi273. En 1997 fut créé un comité indépendant ayant pour mission de conseiller le gouvernement sur les besoins en main d’œuvre de l’économie et sur d’autres questions du marché du travail ayant un impact sur la croissance de l’emploi en

271

Central Statistics Office, « Employment and Unemployment », Dublin, CSO 2009. Disponible sur : www.cso.ie/statistics/empandunempilo.htm (consulté le 15 mars 2009).

272

Le taux de chômage frôla les 20 % à plusieurs reprises pendant les années 1980.

273

Définition du journal économique Terra Economica du concept du plein emploi : « Lorsqu’il n’y a pas ou très

peu de chômage. Le plein emploi s’applique à une société où seuls les travailleurs en formation ou en transition se déclarent temporairement sans emploi. L’ensemble des actifs a trouvé un emploi, l’ANPE ne sert qu’aux chômeurs de faible durée. Le Bureau international du travail fixe à 5 % le taux de chômage pour appliquer le terme de plein emploi ». Disponible sur http://www.terra-economica.info/Plein-emploi.html (consulté le 10 juin 2006). Le taux de chômage pour l’Irlande en 2005 était de 4,2 %, le taux le plus bas de tous les pays membres de l’UE. Le taux moyen de l’UE était à cette époque de 9 %. Source : Marc Coleman. « No job displacement in economy – data ». Irish Times, 17 février 2006.

Irlande. Ce comité, Expert Group on Future Skills Needs274

, conseille en particulier le ministre de l’Entreprise, du commerce et de l’emploi, ainsi que le ministre de l’Éducation et des sciences. Les rapports annuels produits par ce comité aident le gouvernement à formuler sa politique de l’emploi, notamment en ce qui concerne la gestion des flux liés à l’immigration économique.

Malgré l’arrivée sur le marché du travail d’un nombre croissant de femmes275 et le retour au travail des chômeurs de longue durée, les demandes en main d’œuvre ne pouvaient pas être satisfaites en ayant seulement recours à la population résidant en Irlande. À la fin des années 1990, le gouvernement lança une campagne pour inciter les expatriés irlandais et les personnes d’origine irlandaise à venir travailler en Irlande276. Selon Hayward et Howard, la décision de cibler la diaspora irlandaise reflétait à la fois la conviction que les membres de la diaspora, même éloignée, s’adapteraient mieux à la vie en Irlande que ceux qui n’ont aucun lien avec le pays277, et le désir de « préserver certains idéaux culturels, tout en cultivant la croissance économique »278.

Beaucoup d’Irlandais vivant et travaillant à l’étranger décidèrent de rentrer afin de profiter de cette situation très favorable. Ils furent suivis par de nombreuses personnes, des ressortissants de l’Union européenne, mais aussi du monde entier, souhaitant travailler dans cette économie du ‘Tigre Celtique’. Le recrutement par les autorités irlandaises de personnes originaires de pays n’ayant aucun lien particulier avec l’Irlande prit de l’ampleur dès lors que des immigrants venant de pays socialement et culturellement proches commençaient à manquer.

274

Dans ce comité siègent des représentants des différents ministères concernés par l’emploi et la formation, de l’OCDE, de la fédération patronale, de l’association des PME, des syndicats, de l’enseignement supérieur et des organisations de formation professionnelle. Pour plus de détails, voir son site www.skillsireland.ie (consulté le 4 avril 2011).

275

Le pourcentage de femmes au travail en Irlande était de 29,7 % en 1981 et est monté à 52,8 % en 2006. Alison Healy, « Census shows radical change in way modern Ireland operates », Irish Times, 29 juin 2007.

276

Pour plus de détails sur cette campagne de recrutement, intitulée « Jobs Ireland », voir Katy Hayward & Kevin Howard, « Cherry-picking the diaspora », in Bryan Fanning (éd.), Immigration and Social Change in the Republic of Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2007, pp. 47-62.

277

Ibid., p. 53.

278

2.2.1 Les ressortissants de l’Espace économique européen (EEE)279

L’Irlande étant un pays membre de l’Union européenne, l’entrée, le séjour et l’accès à son marché de l’emploi sont ouverts sans restriction (et sans besoin d’autorisation de travail) à tous les ressortissants de l’UE-15, les quinze pays déjà membres de l’Union européenne avant 2004. Jusqu’en 2001, les travailleurs originaires de ces pays représentaient la majorité des immigrants étrangers, avant d’être dépassés en nombre par les ressortissants d’autres pays (voir tableau 2.14).

Tableau 2.14 Arrivées des ressortissants de l’Union européenne 1990-2004 280

1990-1992 1993-1995 1996-1998 1999-2001 2002-2004 2005-2008 Nombre d’immigrants de

l’UE-15 25 200 28 100 41 900 47 200 54 100 72 700 % du total d’immigrants

non-irlandais281 67,0 % 67,6 % 62,6 % 57,1 % 43,6 % 23,3 %

Le critère de nationalité ne figurant dans le recensement que depuis 2002, il n’est pas possible d’établir le nombre exact de ressortissants de ces pays résidant en Irlande en 1991 et en 1996, le début de la période correspondant à notre recherche. Mais les informations relatives au lieu de naissance des recensés donne une indication, quoique imprécise, de leur origine (voir Tableau 2.15). Le nombre élevé de personnes nées au Royaume-Uni inclut des personnes de nationalité irlandaise, les enfants d’émigrés irlandais revenus par la suite en Irlande.

279

L’Accord de l’Espace économique européen est un accord d’association signé en mai 1992 entre les États membres de la Communauté européenne et les États membres de l’Association européen de libre échange (AELE) et entré en vigueur le 1er janvier 1994. La Suisse, un des quatre membres actuels de l’AELE, ayant refusé par référendum de ratifier l’accord, il concerne l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. L’accord permet à ces pays de participer au marché interne sans être membre de l’UE en assurant la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux. La Suisse a depuis signé des accords bilatéraux avec l’UE en dehors du champ de l’EEE.

280

Source : Pour 1990-1999, chiffres extraits d’un tableau basé sur des informations du CSO dans Martin Ruhs,

Managing the Immigration and Employment of Non-EU Nationals in Ireland, Dublin : The Policy Institute TCD,

2005, p. 110 ; pour 1999-2003 : Central Statistics Office (CSO), Population and Migration Estimates, Dublin,

Stationery Office, 2004 ; pour 2003-2008 : Central Statistics Office (CSO), Population and Migration Estimates,

Dublin, Stationery Office, 2008.

281

Les Irlandais retournant en Irlande après une période de résidence à l’étranger sont comptabilisés dans les chiffres de l’immigration.

Tableau 2.15 : Nombre de personnes nées dans un pays de l’UE-15 (hors Irlande), 1991 et 1996 282 Lieu de naissance 1991 1996 UE-15 dont Royaume-Uni Allemagne France

Autre pays UE-15

> 190 899283 173 851 5 792 4 512 > 6 744284 209 880 190 648 6 343 3 593 23 358

À partir de 2002, on dispose de chiffres précis concernant le nombre de ressortissants de l’UE-15 en Irlande (voir Tableau 2.16) et on peut constater que leur présence est en progression. Cependant, si l’on exclut les ressortissants du Royaume-Uni285, on verra que cette présence reste relativement modeste par rapport à celle des ressortissants des nouveaux pays membres de l’UE après 2004.

Tableau 2.16 : Nombre de ressortissants de l’UE-15 (hors Irlande) 2002 et 2006 286

Nationalité 2002 2006 UE-15

dont Royaume-Uni Allemagne France

Autre pays UE-15

133 436 103 476 7 216 6 363 16 381 155 241 112 548 10 289 9 046 23 358

Les ressortissants de l'Islande, du Liechtenstein et de la Norvège, pays membres de l’Espace économique européen ont également libre accès au marché de l’emploi dans les

282

Sources : recensements de 1991 et 1996. Census 1991, Volume 8: Usual Residence and Migration: Birthplaces, Dublin, Stationery Office, juin 1996, Table 27A, p. 153. Disponible sur :

www.cso.ie/census/census_1991_results/Volume8/C1991%20V8_Entire_Vol.pdf (consulté le 18 juin 2009).

Census 1996, Volume 4: Usual Residence and Migration: Birthplaces, Dublin : Stationery Office, 1997, Table

27. Disponible sur http://beyond2020.cso.ie/Census/TableViewer/tableView.aspx?ReportId=103445 (consulté le 18 juin 2009).

283

Ce chiffre n’inclut pas les personnes nées en Autriche, en Finlande et en Suède. Étant donné que le nombre de personnes nées au Luxembourg est détaillé, alors qu’il ne s’élève qu’à 44, on peut supposer que le nombre de personnes nées dans ces trois pays est très peu important.

284

Idem.

285

Les Britanniques sont souvent considérés à part dans les études démographiques sur l’immigration en Irlande. Plusieurs raisons justifient ce choix : un certain nombre d’entre eux ont la double nationalité irlandaise-britannique ou sont descendants d’émigrés irlandais, et donc sont souvent assimilés à la catégorie des émigrés irlandais retournant au pays. De plus, en tant qu’anglophones et étant culturellement proches, ils ne suscitent pas le même intérêt des chercheurs travaillant sur l’immigration comme porteuse d’altérité. À ce sujet, voir Catherine Piola, « La population irlandaise à l’aube du XXIe siècle », in Études Irlandaises, No.32-2, Automne

2007, p. 16.

286

Sources : recensements de 2002 et 2006. Census 2002, Dublin, Stationery Office, 2003, Tableau 38, p. 144. Census 2006 : Principal Demographic Results, Dublin : Stationery Office, 2007, p. 73.

mêmes conditions que les ressortissants de l’Union européenne. Les Suisses peuvent également s’installer et travailler en Irlande sans visa, depuis l’entrée en vigueur en juin 2002 d’un accord sur la libre circulation des personnes entre la Communauté européenne d’une part et de la Confédération helvétique d’autre part287. Aucun chiffre ne permet d’évaluer combien de ressortissants de ces quatre pays étaient présents en Irlande avant le recensement de 2006 qui montre qu’ils représentent un nombre très restreint d’individus288.

Lors de l’élargissement de l’Union européenne à dix nouveaux pays en 2004289, un mécanisme fut adopté par l’UE-15 permettant à chaque État membre de limiter pendant deux ans et sans justification l’accès à son marché du travail pour les travailleurs en provenance des nouveaux pays adhérents290. Au bout de deux ans, en mai 2006, la situation devait être examinée de nouveau et les États étaient appelés à choisir de maintenir, ou non, ces restrictions pendant trois années supplémentaires. Ce régime transitoire prévu par les textes ne concernait que les citoyens à la recherche d’un emploi, puisque le droit à la libre circulation, à des fins d’études ou pour un séjour, n’était pas remis en cause. La plupart des pays, craignant des flux migratoires massifs, avaient annoncé leur intention de protéger leurs emplois en restreignant la libre circulation des travailleurs originaires des nouveaux pays membres. Certains pays avaient décidé d’accorder des visas de travail seulement si des postes ne pouvaient pas être pourvus par des ressortissants nationaux ou de l’UE-15291, alors que d’autres avaient imposé des quotas292. L’Irlande et le Royaume-Uni avaient choisi d’ouvrir leur marché du travail sans aucune période de transition après le 1er mai 2004, tout en limitant l’accès aux prestations sociales de ces nouveaux arrivants. Les deux pays se réservaient néanmoins le droit de revenir sur cette décision s’il s’avérait qu’un flux trop important de personnes s’installait sur leur territoire293. Seule la Suède avait ouvert ses portes sans restriction aucune, accordant aux nouveaux membres européens les mêmes droits qu’aux

287

Le texte intégral de l’accord est disponible sur : http://europa.eu.int/eur-lex/fr/archive/2002/l_11420020430fr.html (consulté le 7 octobre 2005).

288

Les chiffres précis ne sont pas donnés. Les Norvégiens et les Suisses sont tous deux entre 201 et 1000, les Islandais entre 51 à 200, et les ressortissants du Liechtenstein entre 1 et 10. Central Statistics Office, Census 2006: Non-Irish Nationals Living in Ireland, Dublin, Stationery Office, 2008, p. 8.

289

Il s’agit de la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, Chypre et Malte.

290

Chypre et Malte, en raison de leur petite taille, ne sont pas concernés par ces mesures. Leurs ressortissants eurent accès au marché de l’emploi dans toute l’UE dès le 1er mai 2004.

291

Ce fut le cas en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Finlande, en France, en Grèce et au Luxembourg.

292

L’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal.

293

La Loi relative aux permis de travail de 2003, Article 3.3, mit en place un mécanisme de sécurité qui permit la réintroduction, pendant une période transitoire de sept ans, des permis de travail pour les ressortissants des nouveaux pays membres « if, in the opinion of the Minister, the labour market is experiencing or likely to experience a disturbance ».

ressortissants de l’UE-15. En Irlande, cette politique d’ouverture du marché du travail s’appliquait à la fois aux personnes arrivant après le 1er mai 2004 et aux personnes déjà présentes sur le sol irlandais, qu’elles fussent en situation régulière ou irrégulière. Pour ces dernières, ainsi, le 1er mai 2004 représentait une amnistie294.

Étant donné qu’il n’existe aucun système formel d’enregistrement pour consigner l’arrivée et l’installation des ressortissants de l’Union européenne à 25, le seul moyen d’évaluer le nombre de personnes provenant des dix nouveaux pays membres entre le 1er mai 2004 et la publication en 2007 des résultats du recensement de 2006 était de compter le nombre de numéros PPS (équivalent d’un numéro de sécurité sociale)295 qui leur furent attribués. Le gouvernement demanda au ministère des Affaires sociales et familiales, chargé de l’attribution de ces numéros, de suivre de près la situation. Selon les chiffres rendus publics par le ministère en août 2005, plus de 100 000 travailleurs originaires de ces pays arrivèrent en Irlande dans l’année suivant l’élargissement du 1er mai 2004296. Ces chiffres ne comprenaient pas les ressortissants déjà présents sur le territoire avant le 1er mai 2004 et qui avaient donc déjà leurs numéros PPS (à l’exception de ceux qui se sont régularisés après avoir été en situation irrégulière). Bien avant l’élargissement, des travailleurs de ces dix pays étaient présents en grand nombre sous le régime des permis de travail (voir section suivante) : entre 2001 et le 1er mai 2004, 35 471 permis de travail leur avaient été accordés297.

294

Ruhs. op.cit., p. 11.

295

Personal Public Service Numbers (PPS Numbers). Il s’agit d’un numéro personnel de référence permettant toutes les transactions entre un individu et les ministères et autres services publics.

296

John Breslin, « New EU states boost workforce by 100,000 », Irish Examiner, 1er

août 2005. Disponible sur : http://archives.tcm.ie/irishexaminer/2005/08/01/story817664358.asp (consulté le 2 mars 2006).

297

Chiffres disponibles sur le site du ministère de l’Entreprise, du commerce et de l’emploi à www.entemp.ie/labour/workpermits/statistics.htm (consulté le 1er octobre 2005).

Tableau 2.17 Attribution de numéros PPS aux ressortissants de l’UE10 2004-2008 298

Pays 2004 2005 2006 Total 2004-2006 2007 2008 Total 2004-2008

Pologne 27 295 64 731 93 787 (185 813) 79 816 42 554 308 183 Lituanie 12 817 18 717 16 039 (47 573) 10 728 6 443 64 744 Lettonie 6 266 9 328 7 954 (23 548) 4 674 3 727 31 949 Slovaquie 5 187 9 258 10 687 (25 132) 8 375 4 994 38 501 Rép. tchèque 3 298 4 505 4 458 (12 261) 3 838 2 762 18 861 Hongrie 1 839 3 086 4 330 (9 255) 5 046 4 562 18 863 Estonie 1788 2 011 1 407 (5 206) 648 572 6 426 Malte 205 124 143 (472) 161 132 765 Slovénie 64 76 101 (241) 63 87 391 Chypre 27 23 33 (83) 43 19 145 TOTAL 58 786 111 859 138 939 309 584 113 392 65 852 488 828

Selon un rapport sur la libre circulation des travailleurs un an après l’élargissement de l’Union européenne, la plupart de ces travailleurs était des hommes jeunes (18-34 ans), arrivant sans conjoint ni enfants299. Le même rapport constatait que l’Irlande était, proportionnellement au nombre d’habitants dans le pays, la destination préférée des migrants des nouveaux pays membres. Le nombre de ressortissants de l’UE-10 s’installant au Royaume-Uni, estimé par le gouvernement britannique à 175 000, était certes élevé, mais ne représentait que 0,4 % de la population active, soit six fois moins qu’en Irlande300. Cependant, le nombre élevé de ressortissants de l’UE-10 ayant obtenu un numéro PPS en Irlande n’est pas nécessairement une indication exacte du nombre de ces personnes présentes sur le long terme. En croisant différentes données, notamment celles des revues trimestrielles du CSO (l’Office central des statistiques), puis celles du recensement de 2006, l’on peut constater que l’importance de l’immigration en provenance de ces pays fut exagérée. Certains immigrants obtinrent un numéro PPS, mais n’intégrèrent jamais le marché du travail, et d’autres ne restèrent que de manière temporaire301. Le recensement de 2006 montre qu’il y a un décalage

298

Department of Social and family Affairs, Personal Public Service Numbers – Allocation by Nationality – All Countries 2000-2008. Disponible sur : www.welfare.ie/EN/Topics/PPSN/Pages/ppsn_all_2008.aspx (consulté le

15 mars 2009).

299

Julianna Traser, « Report on the free movement of workers in EU-25 », Brussels, European Citizen Action Service, 2005, p. 29. Disponible sur le site www.ecas.org/file_uploads/782.pdf (consulté le 30 septembre 2005).

300

Ibid., p. 12. Un rapport de la Commission européenne en 2008 confirma ce phénomène. Les immigrants de l’UE-10 en âge de travailler constituaient 5 % de la population active en Irlande contre 1,2 % au Royaume-Uni. European Communities, Employment in Europe 2008, Luxembourg, Office for Official Publications of the

European Communities, 2008, p. 117.

301

très important entre le nombre de numéros PPS et les personnes recensées en 2006 (voir Tableau 2.18), qui ne peut pas s’expliquer par le seul fait que le recensement eut lieu en avril 2006 alors que les données sur l’attribution des numéros PPS correspondent à la période jusqu’à la fin de l’année 2006302.

Tableau 2.18 Comparaison entre le nombre de numéros PPS attribués aux ressortissants de l’UE10 entre 2004 et 2006 et le nombre de ressortissants présents lors du recensement en 2006 303

Pays Numéros PPS attribués

2004-2006 Recensés en 2006 Pologne 185 813 63 276 Lituanie 47 573 24 628 Lettonie 23 548 13 319 Slovaquie 25 132 8 111 Rép. tchèque 12 261 5 159 Hongrie 9 255 3 440 Estonie 5 206 2 272 Malte 472 139 Slovénie 241 130 Chypre 83 60 TOTAL 309 584 120 534

Malgré ce décalage, il est indéniable que le flux migratoire était considérable et que son importance surprit les autorités politiques. Cependant, cette arrivée massive de main d’œuvre ne satura pas le marché du travail. Un rapport du SIEPS, l’Institut suédois des études de la politique européenne, établit qu’en mai 2004, lors de l’élargissement européen, 10,6 % des entreprises irlandaises, tous secteurs confondus, déclaraient avoir des postes vacants. Un an plus tard, et malgré le nombre élevé d’immigrants, ce chiffre restait inchangé, et il monta même en février 2006 à 16,7 %304. Le gouvernement considéra ainsi en 2006 qu’il n’avait pas besoin d’invoquer la clause lui permettant de revenir sur sa décision d’ouvrir le marché du travail aux ressortissants de l’UE-10. Les besoins en main d’œuvre étaient tels à l’époque que l’agence irlandaise de la formation et de l’emploi, FÁS, organisa des foires de recrutement

302

Le nombre important de courts séjours par les migrants de l’UE-10 est un phénomène que l’on retrouve dans toute l’UE selon le rapport de la Commission européenne sur l’emploi, Employment in Europe 2008, Bruxelles,

2008, p. 121.

303

Sources : Ministère des Affaires sociales et familiales, Personal Public Service Numbers – Allocation by Nationality – All Countries 2000-2008 ; CSO, Census 2006: Principal Demographic Results, Dublin, Stationery

Office, 2007, p. 73.

304

Nicola Doyle, Gerard Hughes & Eskil Wadensjö, Freedom of Movement for Workers from Central and Eastern Europe: Experiences in Ireland and Sweden, Swedish Institute for European Policy Studies (SIEPS),

dans les capitales des pays fournissant la majorité des immigrants depuis 2004 : Pologne, République tchèque, Lituanie, Slovaquie et Lettonie305. Ces foires eurent lieu au moment où d’autres pays membres de l’UE-15, à savoir l’Espagne, la Finlande, la Grèce, le Portugal et l’Italie, allaient ouvrir leurs marchés du travail aux ressortissants de l’UE-10, venant concurrencer l’Irlande dans le recrutement de ces travailleurs des pays de l’Est.

En dépit de ces besoins en main d’œuvre, le gouvernement irlandais hésitait à ouvrir davantage le marché du travail. Plus de deux ans après l’élargissement de l’UE à dix nouveaux pays membres, il devait décider s’il allait accorder le même accès libre au marché du travail aux ressortissants de la Roumanie et la Bulgarie, avec une population totale d’environ 30 millions d’habitants, lors de leur adhésion à l’UE début 2007 ou bien poser un délai de deux à cinq ans comme le lui permettait le règlement européen306. Dans l’éventualité où la plupart des autres pays membres décidaient de leur donner accès au marché du travail, le flux de migration vers l’Irlande serait moins important que lors de l’élargissement aux 10 nouveaux pays en 2004307. Or il s’avéra que la plupart des autres pays de l’UE-15 décidèrent de ne pas leur ouvrir les portes dans l’immédiat et le gouvernement irlandais décida de faire