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Le second axe de réflexion porte sur le travail marchand effectué par le manager de centre-ville. En effet, le manager de centre-ville participe à l’animation des marchés immobiliers, fonciers et de consommation. Son rôle consiste essentiellement à valoriser le commerce de centre-ville en améliorant les performances des commerçants, en veillant aux équilibres et à l’attractivité du mix commercial et en maîtrisant les facteurs de commercialité du territoire (accessibilité, qualités des espaces publics, etc.). Par conséquent, l’activité du manager semble correspondre (au moins à titre partiel) à la définition des « professionnels du marché » dont la tâche consiste à « travailler le marché, à le construire, à l’animer, à l’organiser, à le gérer et à le maîtriser » (Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000 : 359). Son existence résulte de la mise à l’agenda d’un problème urbain et économique, la dévitalisation des centres-villes, dont les causes sont communément attribuées au fonctionnement contestable des marchés et aux dynamiques de la distribution. Les débordements16 des activités commerciales sur le tissu social, économique et urbain ont poussé

16 Le débordement est une notion utilisée par Michel Callon pour désigner les externalités de l’échange marchand, autrement dit, les entités humaines et non-humaines laissées hors du cadre des échanges marchands (ex : l’écologie, la pollution, la pauvreté, etc.). Pour plus de précisions, cf. M. Callon, « La sociologie peut-elle enrichir l’analyse économique des externalités ? Essai sur la notion de cadrage-débordement », dans Foray, D. et Mairesse. J (dir.), Innovations et performances, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999, pp. 399-431.

l’État et les collectivités locales à mettre en place des instruments de régulation politique et à s’impliquer dans un travail politique de concernement (Mallard, 2015) et d’agencing des marchés (Cochoy, Trompette et Araujo, 2016) dont la thèse tente de dépeindre les contours. Avant de poursuivre, il convient de faire un point sur les notions de concernement et de market agencing afin de les resituer dans un courant de recherche de la sociologie économique.

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A DYNAMIQUE DES AGENCEMENTS MARCHANDS CONCERNES

Inspiré de la sociologie de la traduction (Akrich et al, 2006), une part des travaux de sociologie économique se donne pour objectif d’étudier les marchés comme des dispositifs permettant le déroulement des transactions économiques et comme des arènes où sont débattues les conditions des échanges. Le concept d’agencement marchand proposé par Michel Callon propose ainsi une vision élargie du marché en comparaison de l’économie classique (Callon et al, 2013) : au lieu de considérer uniquement le marché comme l’espace de rencontre entre une offre et une demande, la sociologie des agencements marchands analyse l’ensemble des pratiques, des dispositifs et des acteurs humains et non-humains concourant au déroulement des transactions entre des offreurs et des demandeurs. Ainsi, le cercle des protagonistes pris en compte dans l’analyse englobe tous les acteurs susceptibles de participer à la gouvernance des marchés, y compris les acteurs « non marchands » : les offreurs et les demandeurs, mais aussi les gestionnaires de places marchandes, les professionnels du marché, les prescripteurs, les intermédiaires, les associations et organisations non-gouvernementales, les mouvements de consommateurs et de citoyens, les lanceurs d’alerte, les malades, les pouvoirs publics, les scientifiques, les ingénieurs, les économistes, etc.

Les agencements marchands, définis comme « l’ensemble de pratiques et d’actions ayant pour but d’organiser matériellement la confrontation entre agences17 et biens » (Callon, 2017 : 234), constituent des « dispositifs collectifs qui permettent d’atteindre des compromis, non seulement sur la nature des biens à produire et à distribuer, mais aussi sur la valeur à leur attribuer » (Callon et Muniesa, 2013 : 195). Cette valeur n’est pas seulement financière (prix) mais prend également en considération, un ensemble de préoccupations sur les qualités des biens, dont le prix peut être ou non, le reflet. Cet espace de qualcul18 est organisé par une multitude de professionnels, ce qui

17 Le terme d’agences désigne des acteurs individuels ou collectifs, humains et/ou non-humains, engagés dans des transactions bilatérales et dotés de puissances de qualcul variables (Callon et al, 2013).

18 Le qualcul peut se définir comme « cognition distribuée qui subordonne la différenciation raisonnée des produits à l’appréciation de leur(s) qualité(s) » (Cochoy, 2002). Michel Callon l’utilise pour désigner les « opérations

ne l’empêche pas d’être soumis à la critique sociale. Les choix effectués (cadrages) quant à ce qui peut être marchandisé (Steiner et Trespeuch, 2014) ou sur ce qui est qualculé et échangé peuvent être l’objet de revendications, notamment lorsque des entités n’ont pas été prises en compte dans cet espace de qualcul (on pense par exemple aux impacts sur la santé et sur l’environnement) (cf.

Geiger et al, 2015). Ces débordements (les effets et les entités non-pris en compte dans l’échange marchand) ont pour effet de « réchauffer » le marché, c’est-à-dire de rouvrir la discussion sur les modalités de qualcul et sur l’organisation des transactions marchandes (Geiger et al, 2015). Pour désigner ce processus, Michel Callon utilise volontiers le terme de concernement des marchés (cf. Callon, 2017 et avant Mallard, 2016), inspiré de la notion de Concerned Markets, utilisée pour les marchés où le social, le politique et l’économique sont imbriqués (Geiger et al, 2015).

De nos jours, les marchés font l’objet de nombreuses controverses qui viennent transformer le fonctionnement du marché. Ces controverses constituent autant d’opportunités de ré-agencer le marché pour faire tenir ensemble l’ensemble des préoccupations politiques et marchandes, par exemple en restructurant les espaces de qualcul. Ainsi, les agencements marchands forment des espaces intrinsèquement politiques qui ne sont pas hermétiques à la circulation de valeurs et de préoccupations a priori non-marchandes (la justice, l’éthique, la morale, etc.). La mise à l’agenda de préoccupations sociales, morales et politiques permet au contraire de transformer les marchés (Geiger et al, 2015), même si ces dernières peuvent aussi contrarier la marchandisation (Steiner et Trespeuch, 2014). Pour la sociologie des agencements marchands, les marchés sont des outils de gouvernement des intérêts et des préoccupations, des espaces où se discutent les objectifs à donner aux marchés et où se construisent les combinaisons, les conciliations et les compromis entre les divers intérêts de la société (Callon, 2017).

matérielles et cognitives, quantitatives et qualitatives, par lesquelles les agents dûment équipés pour mener ces opérations évaluent les biens » (Callon, 2017 : 175). Par exemple, un consommateur équipé de son smartphone forme une agence plus apte à prendre en considération la dimension éthique de ses produits, si le smartphone est doté de l’application mobile adaptée (ou d’une connaissance sur les produits !). Le producteur peut aussi favoriser l’émergence d’un consommateur plus citoyen en apposant un label ou une mention particulière sur son produit. De tels dispositifs concourent à favoriser (ou non) la prise en compte de préoccupations non-marchandes dans l’espace de calcul des consommateurs. Les opérations de qualification des biens par les agences et la production des biens sont de fait initimement liées : « l’évaluation, du fait même de ses modalités pratiques, transforme et requalifie les biens, participant pleinement au processus de production » (Callon, 2017 : 175).

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E ROLE DES ACTEURS POLITIQUES SUR LES MARCHES

L’État peut jouer un rôle central dans l’agencement des marchés dans la mesure où il arbitre entre des intérêts difficilement conciliables. Il définit et hiérarchise les valeurs et préoccupations à prendre en compte sur les marchés. La sociologie des agencements marchands a accordé une grande place aux acteurs marchands dans ses analyses, contrairement aux acteurs non-marchands

— notamment les acteurs politiques — dont le rôle est plus rarement placé au centre des recherches (Pellandini, 2016). Cette affirmation est plus vraie encore pour les acteurs politiques locaux que nous proposons d’étudier. Nous retrouvons une lacune similaire du côté de l’économie politique institutionnaliste. Les politiques publiques y sont appréhendées comme des institutions pouvant à la fois restreindre et permettre l’activité économique (Jullien et Smith, 2012). Les travaux menés portent essentiellement sur les relations entre l’État et les firmes industrielles, dans des secteurs variés tels que l’industrie pharmaceutique (Smith, 2017), le vin (Jullien et Smith, 2012) ou encore l’automobile (Meckling et Nahm, 2018). Si cette discipline s’est attachée à comprendre le rôle de l’État dans la production des institutions économiques, elle a plus timidement abordé la question de l’échelle locale — une lacune qui ne manquera pas d’être soulignée par certains économistes et politistes (Jullien et Smith, 2012).

Que ce soit la sociologie économique ou l’économie politique institutionnaliste, ces courants de recherche rompent avec le postulat d’une séparation entre le politique et l’économie. Chacune à leur manière, ils abordent la thématique du gouvernement des marchés. D’un côté, la sociologie économique étudie la manière dont les marchés se reconfigurent sous l’effet de la mise à l’agenda de préoccupations morales et politiques. Michel Callon parle de « concernement du marché » pour évoquer ces processus de reformulation des cadres marchands (Callon, 2017). De l’autre côté, l’économie politique analyse la co-production des institutions économiques par des acteurs privés et publics. Andy Smith utilise la notion de « travail politique » (Smith, 2019) pour désigner les luttes visant à changer ou à maintenir les institutions économiques, en y intégrant de nouvelles valeurs ou en défendant les valeurs en place (Smith, 2016, 2019). Le gouvernement des industries passe ainsi par des « séquences successives d’institutionnalisation, de désinstitutionnalisation et de ré-institutionnalisation » que le chercheur peut retracer pour comprendre l’évolution croisée du fonctionnement des firmes et de l’État (Jullien et Smith, 2011 : 369).

Ces travaux invitent à repenser le rôle des acteurs politiques dans la gouvernance des marchés.

Ceux-ci ne se limitent pas à contraindre l’activité économique, ils participent à la production et

à la révision des institutions structurant l’action économique (Hay et Smith, 2018), à favoriser la prise en compte de certaines préoccupations et valeurs au détriment d’autres, à arbitrer entre les différents cadrages existants. Mais ils peuvent aussi produire leurs propres cadrages et concourir au processus de concernement des marchés (Mallard, 2015). De cette façon, ils peuvent infléchir sur le fonctionnement des marchés, favoriser la prise en charge marchande de problèmes publics et mobiliser les dynamiques marchandes comme des leviers pour atteindre leurs propres objectifs (Dubuisson-Quellier, 2016). Dès lors, il convient de s’interroger sur les conditions et les outils permettant à l’État et aux acteurs politiques de façonner les agencements marchands à des fins politiques.

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ES MARCHES DANS L

ACTION PUBLIQUE

La thématique des liens entre action publique et marchés semble connaître un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années, en témoigne la publication récente de deux dossiers spéciaux sur le thème du gouvernement par les marchés (Ansaloni et al, 2017 ; Ansaloni et Smith, 2017). Ces deux dossiers incarnent plutôt bien les récentes orientations de la recherche sur les liens entre marchés et acteurs politiques, divisée entre l’économie politique institutionnaliste d’une part ; et de l’autre part, la sociologie économique ; auxquelles on peut ajouter la science politique. Loin de constituer des champs de la recherche clos et hermétiques, les chercheurs de ces disciplines renouvellent les collaborations autour de la thématique du gouvernement des marchés/par les marchés (François, 2011 ; Jullien et Smith, 2012).

Ces travaux ont recensé plusieurs formes d’instrumentation politique du marché, dont nous allons à présent esquisser quelques contours. En premier lieu, plusieurs chercheurs ont montré la capacité de l’État à initier la mise en place de marchés pour répondre à des problèmes sociaux.

Le cas le plus célèbre est sûrement celui du marché des droits d’émission de carbone (MacKenzie, 2009 ; Aykut, 2016). À partir du cas des pesticides, Matthieu Ansaloni a montré que le Ministère de l’Agriculture a instauré un marché de la formation pour sensibiliser les utilisateurs à réduire leur usage des pesticides et atteindre ses objectifs de diminution de la pollution des sols (Ansaloni, 2017). L’administration étatique a fait le choix de déléguer à des prestataires en concurrence, le soin d’assurer ces formations. Ces prestataires devaient en théorie être contrôlés par les agents de l’État mais leur faible capacité d’action n’a pas permis d’atteindre les résultats escomptés, si bien que la qualité des formations a été vivement critiquée par les acteurs du secteur. Ce cas de figure

renvoie à une forme de gouvernement spécifique : la mise en concurrence d’acteurs économiques pour l’exécution de tâches déléguées par l’administration publique. Ce qui est en jeu dans ces situations, c’est la capacité des agents de l’État à contrôler le comportement des acteurs privés dans la réalisation de ces tâches que l’État ne peut, souvent par manque de moyens, accomplir lui-même. Le numéro dirigé par Andy Smith et Matthieu Ansaloni dans la revue Gouvernement et Action Publique réunit essentiellement des recherches appréhendant le recours au marché comme moyen d’externaliser et de privatiser la prise en charge de problèmes publics (Ansaloni et Smith, 2017). Néanmoins, le management de centre-ville tel que nous l’étudions relève du ré-agencement de marchés existants plutôt que de la création de nouveaux marchés.

Du côté de la sociologie économique, Sophie Dubuisson-Quellier a dédié une partie de ses recherches à analyser le rôle de l’État dans le gouvernement des acteurs économiques (Dubuisson-Quellier, 2016). Elle défend l’idée que l’État ne s’est pas retiré de la régulation économique mais que ses modalités d’interventions se sont transformées avec le temps. La responsabilisation des individus n’est pas une preuve du reçul de l’État mais une forme d’intervention à part entière de ce dernier. Partant de là, Sophie Dubuisson-Quellier a décidé d’analyser plus finement les ressorts de l’instrumentation spécifique (Lascoumes et Le Galès, 2004) permettant ce gouvernement des conduites économiques. Selon la chercheuse, le gouvernement des conduites repose sur quatre opérations liées ; 1) l’établissement d’un lien entre un problème social et des conduites individuelles ; 2) la création chez les individus d’une réflexivité sur les conséquences collectives de leurs choix individuels ; 3) le ré-agencement de l’espace de choix des individus et la re-définition de leurs rationalités ; et enfin 4) l’organisation de sanctions destinées à orienter les conduites des acteurs économiques. L’économisation des conduites devient un ressort essentiel de ce gouvernement des conduites économiques (cf. figure 1). La mise en place de nudges (Thaler et Sustein, 2008) peut ainsi favoriser des choix vertueux en exploitant les biais de la rationalité des consommateurs. L’économie comportementale vient soutenir ce mouvement en promettant de révolutionner l’action publique, de la rendre plus efficace, moins coûteuse et plus respectueuse des libertés individuelles (Bergeron et al, 2018).

Figure 1. Le gouvernement des conduites dans la régulation marchande (Dubuisson-Quellier, 2016)

Sophie Dubuisson-Quellier étudie les articulations entre ce gouvernement des conduites et les formes plus « classiques » de l’intervention étatique sur les marchés. Souvent, les interventions publiques visent à faire bouger les acteurs économiques et à les impliquer dans la prise en charge de problèmes collectifs. Elles reposent sur la mise en œuvre d’instruments « classiques » tels la contractualisation (Gaudin, 1999) et les outils fiscaux et règlementaires, mais elle joue aussi sur les phénomènes d’imitation entre les acteurs économiques (White, 1981) et sur leurs dynamiques de distinction (Karpik, 2007) pour arriver à ses fins. Ainsi, on peut dire que l’État produit aussi un « travail marchand » puisqu’il participe à transformer à la fois les contours de l’offre et ceux de la demande pour faire advenir des comportements économiques vertueux :

« Le gouvernement des conduites correspond à un gouvernement des marchés par leurs conduites économiques » au sens où il cherche à modifier les conduites des acteurs économiques, ceux de l’offre et ceux de la demande, en proposant de leur donner une orientation qui vise des objectifs de bien commun. (…) Faire advenir des opportunités marchandes, modifier les structures de la concurrence, jouer sur des effets de levier dans les secteurs sont autant de moyens d’articuler sanctions économiques et symboliques, afin de signifier la nécessaire réorientation des pratiques économiques » (Dubuisson-Quellier, 2016 : 44).

Dans le gouvernement des conduites, l’enrôlement des acteurs économiques ne peut réussir que si les conduites des consommateurs ont été travaillées en amont par l’action publique. C’est face à la figure du consommateur responsable aux conduites rationnalisées que les entreprises peuvent transformer leur engagement vertueux en avantage concurrentiel.

En définitive, l’ouvrage de Sophie Dubuisson-Quellier offre un aperçu stimulant des formes d’instrumentation politique des dynamiques marchandes. Ses analyses concernent des marchés où la rationalité des consommateurs est invoquée et mobilisée comme vecteur de gouvernement des firmes. Or, dans le cas du management de centre-ville, le consommateur est relativement absent des interventions des professionnels. Sa responsabilisation n’est pas mobilisée comme un ressort de l’action publique, ni comme un levier pour enrôler les firmes. Nous dirions que c’est même plutôt l’inverse : l’espace de choix n’est pas « moralisé » en mobilisant la rationalité et la responsabilité des chalands, il est seulement réagencé de façon à favoriser, à orienter, à limiter des pratiques de consommation sans que la rationalité des consommateurs ne soit invoquée comme levier. Le concernement du marché passe ici principalement par le ré-agencement de l’offre commerciale locale, par l’éviction des offreurs indésirables et par la redirection des flux de consommateurs dans la ville. L’enrôlement des firmes s’appuie ici sur d’autres leviers que la responsabilisation des individus, bien que des opérations de requalification de la demande soient aussi utilisées pour refaçonner l’offre locale. Ce constat nous pousse à continuer à explorer les formes d’instrumentation publique du marché, à partir de situations relevant d’autres formes de régulation marchande.

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E TRAVAIL D

AGENCING DES MANAGERS DE CENTRE

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VILLE

Par conséquent, nous avons pris le parti d’analyser le travail des managers de centre-ville afin de comprendre comment ces professionnels contribuent à agencer les marchés dans le cadre de l’action publique. Les acteurs politiques produisent en effet leur propre travail politique de market agencing19 dont les spécificités méritent d’être mieux connues. Notre hypothèse est la suivante : les managers de centre-ville opèrent à la fois un travail marchand et politique. En effet, d’un côté, les managers réalisent des tâches qui consistent à gérer, à organiser, à animer le marché (Cochoy

19 Le concept de market agencing propose de porter une attention à la fois aux processus destinés à produire des dispositifs et des agencements spécifiques et à ceux consistant à transformer des entités humaines et non-humaines en acteurs sur le marché (Cochoy, Trompette et Araujo, 2018).

et Dubuisson-Quellier, 2000) mais nous pensons que leurs pratiques possèdent nécessairement leurs spécificités dans la mesure où le caractère public des institutions qui les emploient tend à orienter les finalités de leur travail, mais aussi les moyens, outils et ressources à disposition pour agir sur le fonctionnement du marché. De multiples travaux ont dépeint le rôle de professionnels marchands dans l’agencement des marchés (cf. Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000), mais peu de travaux étudient le concernement des marchés comme l’une des facettes de leur métier, voire comme condition de leur existence.

Les transformations des agencements marchands sont principalement abordées comme des processus impliquant une multitude d’acteurs, marchands et non-marchands. Nous avons fait le choix d’opter pour une focale différente et d’analyser le travail de professionnels dont le rôle est de peser sur le fonctionnement du marché afin d’y incorporer de nouvelles valeurs. La notion de travail politique redéfinie par Andy Smith dans un article récent (2019) nous paraît intéressante pour appréhender les efforts déployés par des acteurs dans le but de promouvoir certaines valeurs sur le marché. Elle est aussi propice à saisir l’entremêlement des actions de problématisation et d’instrumentation de l’action publique à l’origine des changements institutionnels. L’activité des managers de centre-ville semble correspondre, au moins partiellement, à la définition du travail politique. La co-articulation20 des sphères économique, urbaine et politique est une dimension essentielle de l’activité professionnelle des managers de centre-ville. Ainsi, nous avons cherché à analyser comment travail politique et travail marchand se mêlent et s’articulent dans leur activité.

L’organisation de l’offre commerciale en ville est principalement le produit de l’action libre et intéressée des acteurs privés tels que les propriétaires-bailleurs et les commerçants, mais aussi des intermédiaires comme les agents immobiliers. Le commerce forme l’un des secteurs où la liberté d’entreprise constitue une liberté quasi-sacrée, limitant de fait l’intervention de l’État dans les affaires économiques. La mise à l’agenda des problèmes urbains, économiques et sociaux liés à la modernisation du commerce a néanmoins poussé l’État à déployer des instruments capables de

L’organisation de l’offre commerciale en ville est principalement le produit de l’action libre et intéressée des acteurs privés tels que les propriétaires-bailleurs et les commerçants, mais aussi des intermédiaires comme les agents immobiliers. Le commerce forme l’un des secteurs où la liberté d’entreprise constitue une liberté quasi-sacrée, limitant de fait l’intervention de l’État dans les affaires économiques. La mise à l’agenda des problèmes urbains, économiques et sociaux liés à la modernisation du commerce a néanmoins poussé l’État à déployer des instruments capables de

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