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D.4. Production de Transitions Alternatives pour le Thème du Bâti

D.4.4. Transition Construite par Agrégation Progressive

Dans l’étude des pyramides existantes, nous avions déjà identifié que les sauts de niveaux d’abstraction étaient un facteur majeur d’une potentielle désorientation de l’utilisateur. Nous pensons ici qu’utiliser des opérations d’agrégation permettrait de rendre cette transition de représentation plus progressive. En utilisant un niveau d’abstraction plus proche de la représentation existante la moins détaillée (au 1 : 100k), nous espérons que la variation de complexité visuelle sera également plus régulière au fil des échelles. Dans notre cas d’étude, nous chercherons ainsi à agréger progressivement les objets bâtis en ilots urbains, tels que découpés par le réseau routier généralisé. Plusieurs producteurs cartographiques utilisent aujourd’hui cet opérateur pour créer une abstraction intermédiaire entre le bâti individuel et l’aire urbaine, comme le Kadaster (Pays-Bas) [Bruns et al., 2011], qui propose de couvrir ou griser les ilots urbains, ou l’OSGB (Grande-Bretagne) [Regnauld et Revell, 2007 ; Revell et al., 2011] qui propose d’agréger les groupes de bâtis pour ne couvrir que la surface bâtie de l’ilot. Souhaitant utiliser les géométries des ilots ici, pour créer une transition plus fluide vers l’aire urbaine, nous choisissons ici d’appliquer les méthodes de [Bruns et al., 2011].

Nous cherchons donc ici à générer une transition par agrégation progressive entre nos données initiales au 1 : 25k et les aires urbaines existantes au 1 : 100k, en suivant les contraintes suivantes : plus les ilots urbains sont petits, denses et/ou proches du centre-ville, plus ils doivent être grisés rapidement. Cette partie présente des résultats publiés dans [Touya et Dumont, 2017].

Précisons ici que ces aires urbaines ne correspondent pas forcément à ce que l’on considère comme l’espace urbain, mais plutôt à des étendues contigües de zones bâties. On pourra donc y rencontrer des ilots péri-urbains ou ruraux. Pour créer une agrégation progressive, nous proposons donc d’agréger les ilots en fonction du type d’espace géographique auquel ils appartiennent. Nous agrégerons ainsi plus rapidement les ilots en espace urbain, puis en espace péri-urbain, puis en espace rural. Pour construire ces espaces, nous pourrions utiliser la méthode de [Boffet 2001], à partir d’une dilatation des géométries des objets bâtis. Les travaux de [Touya 2011, pp. 219-221] proposent de construire les espaces péri-urbains en utilisant un rayon de dilatation plus important que pour l’urbain. Néanmoins, cette méthode repose avant tout sur la continuité des zones bâties, sans considérer les petites zones bâties isolées. Ses résultats ne reflètent donc pas les différences de densité ou de distribution spatiale entre les ilots. Ainsi en zone péri-urbaine, un ilot unique peut être plus dense que son voisinage et nous souhaitons qu’il soit grisé plus rapidement. Nous cherchons donc ici une autre méthode pour définir l’espace géographique auquel appartient chaque ilot.

Juin 2018 159 Pour construire les ilots de chaque représentation intermédiaire, nous utilisons les espaces urbains obtenus par la méthode de [Boffet, 2001], que l’on découpe avec les réseaux routier, ferré et hydrographique généralisés. Puis, pour caractériser l’espace géographique auquel ils appartiennent, nous utilisons deux méthodes différentes. Dans un premier temps, nous appliquons un premier algorithme permettant de détecter les ilots formant le centre-ville. Sur notre zone d’étude, ces ilots sont caractérisés par leur petite taille, leur forte densité et la taille importante des objets bâtis présents. A partir de ces constats, nous avons utilisé une sélection multicritères ELECTRE TRI, basée sur les critères suivants par ordre d’importance:

la densité bâtie de l’ilot urbain, c’est-à-dire la somme des tailles de ses bâtiments divisée par

sa taille totale ;

 la distribution de l’aire de ses bâtiments, comparée à celle de toute l’aire urbaine, pour identifier les bâtiments importants ;

 l’aire de l’ilot urbain, comparée à celle de tous les ilots de l’aire urbaine, pour détecter les ilots relativement petits ;

 la densité bâtie de ses voisins, pour détecter plus facilement les ilots à l’intérieur du centre-ville qui ne correspondraient pas tout à fait aux caractéristiques précédentes ;

 la distance au centroïde de l’aire urbaine, pour détecter plus facilement les ilots proches du centre-ville.

Pour chacun de ces critères, l’algorithme calcule des relations d’ordre entre les ilots, en les classant du plus au moins dense par exemple. Il agrège ensuite ces relations d’ordre, pour identifier les ilots les mieux classés par l’ensemble des critères, donc plus susceptibles d’appartenir au centre-ville. Ici, des seuils véto permettent de court-circuiter cette agrégation, si un ilot est extrêmement plus dense que le reste des ilots de la zone par exemple. Cet algorithme nous a donné des résultats que nous jugeons plutôt bons, illustrés par la Figure 114 sur les communes de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure. La configuration spécifique de ces villes portuaires aurait pu poser problème, le centroïde de l’aire urbaine étant particulièrement éloigné du centre-ville, mais les densités très importantes ont suffi à détecter le centre-ville. Néanmoins, la pondération de cette méthode reste perfectible, car elle détecte à tort certains ilots n’appartenant pas au centre-ville, notamment lorsque les bâtiments sont très importants (ilot en bas de la Figure 114).

Figure 114. Détection des ilots du centre-ville en marron foncé dans les communes portuaires de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure, par notre méthode de sélection multicritères.

160 Marion Dumont Dans un second temps, pour caractériser le reste des ilots urbains, nous utilisons une méthode de classification des bâtiments, proposée par [Steiniger et al., 2008] et basée sur des critères sémantiques (attribut nature) et géométriques. Nous avons ainsi pris en compte les caractéristiques individuelles comme la forme (nombre de sommets, équarrité, élongation, compacité) et l’aire de la géométrie, mais aussi des caractéristiques relatives au voisinage, comme la densité avoisinante, en partant du postulat que ces caractéristiques changent en fonction de la nature du tissu urbain. Cette méthode est basée sur une classification SVM (Support Vector Machine), qui classent les bâtiments en 5 classes proposées par [Steiniger et al., 2008] : centre-ville, urbain, péri-urbain, industriel et rural. Puis la classe d’un ilot est déterminée comme la classe majoritaire parmi ses bâtiments, ou comme hétérogène si aucune majorité ne ressort. La Figure 115 présente les résultats de cette classification.

Figure 115. Résultats de la classification des ilots urbains à partir de la classification automatique des objets bâtis. Ici, ce sont les géométries agrégées des bâtis qui sont représentées et non pas les ilots. En observant ces résultats nous constatons que si le centre-ville et les ilots industriels semblent bien détectés, le processus semble avoir eu plus de mal à discriminer les espaces urbains et péri-urbains. De plus, une grande partie des ilots ne présentent aucune classe majoritaire et sont classés hétérogènes. Il est donc difficile à partir de ces résultats de déterminer une évolution du grisage entre les représentations intermédiaires, qui serait progressive au fil des échelles.

Pour obtenir un résultat plus satisfaisant, nous avons donc choisi de sélectionner manuellement les ilots à griser de chaque représentation, en nous basant sur ces résultats automatiques et sur l’observation des données initiales. De cette façon, nous avons pu contrôler la logique et la progressivité de la force d’agrégation au fil des échelles. En plus de la densité bâtie, il nous a semblé important de respecter une certaine contiguïté entre les ilots grisés à différentes échelles, à partir

Centre-ville

Urbain

Péri-Urbain

Rural

Industriel

Hétérogène

Juin 2018 161 du centre-ville. Le résultat de cette agrégation progressive sur un extrait de notre zone d’étude est présenté dans la Figure 116.

Figure 116. Résultats de notre processus de sélection manuelle, à partir des résultats automatiques, des ilots urbains à griser au fil des échelles.

Si l’on compare les résultats de la classification automatique à ceux de notre sélection manuelle, nous avons globalement :

griser des ilots du centre-ville dans la représentation de niveau 1,

griser des ilots péri-urbains et industriels dans la représentation de niveau 2,  griser des ilots plutôt hétérogènes dans la représentation de niveau 3,

 laisser les ilots ruraux apparaitre dans la représentation existante au 1 : 100k.

Visuellement, la taille de la surface grisée semble évoluer progressivement entre le 1 : 25k et le 1 : 100k, mais pas forcément de manière régulière. L’agrégation semble plus rapide entre les représentations niv1 et niv2 qu’entre les autres représentations. Néanmoins, cette évolution nous semble cohérente avec la distribution de la densité bâtie sur notre zone d’étude.

Les résultats de la Figure 116 soulèvent deux nouvelles problématiques concernant la production de cette pyramide par agrégation progressive. La première concerne la couleur choisie pour représenter les ilots grisés. Si elle est trop claire comparée à la symbolisation des objets bâtis, elle peut effacer les différences de densité dans la carte. Au contraire si elle est trop foncée, elle peut accentuer ces différences de densité et ne plus refléter la vraie nature de l’espace géographique. Dans notre cas en particulier, cette couleur peut ainsi impliquer des problèmes de lisibilité. La couleur utilisée actuellement dans la légende standard de Scan Express est assez clair, ce qui implique un faible contraste avec les routes locales comme le montre la Figure 117. Utiliser une couleur plus foncée comme dans la Figure 116 permettrait d’améliorer leur lisibilité, mais rendrait les repères visuels conservés peu lisibles. Dans notre cas, nous choisirons donc la couleur de nos ilots urbains en fonction des résultats de la pyramide construite par préservation des repères visuels, pour assurer leur lisibilité. La même symbolisation sera ensuite utilisée pour les ilots de toutes nos pyramides.

162 Marion Dumont Figure 117. Symbolisation des ilots urbains dans la légende Scan Express standard.

La seconde problématique de représentation concerne la généralisation du bâti dans les ilots non grisés. En effet, si les bâtiments en zone urbaine sont rapidement couverts par les ilots grisés, certains bâtiments plus isolés restent affichés à petite échelle. Il est donc nécessaire de simplifier leur géométrie pour assurer leur lisibilité. A l’instar de l’ICGC Catalogne dont les travaux sont illustrés par la Figure 118, nous choisissons ici de typifier ces bâtiments. En pratique pour construire chaque représentation intermédiaire, nous utilisons donc la représentation produite pour la pyramide typification, en ajoutant par-dessus les ilots grisés correspondants. Un extrait de la pyramide ainsi construite par agrégation progressive est présenté en Annexe G.4.

Figure 118. Exemple d’utilisation d’un processus d’agrégation en ilots urbains dans la pyramide de l’ICGC Catalogne, où le reste des bâtiments sont typifiés.

Comme mentionné précédemment, cela nous permettra de comparer les résultats de notre test utilisateurs entre la pyramide obtenue par typification et la pyramide obtenue par agrégation progressive, pour évaluer notre hypothèse C2.