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A.3. Visualisation de Cartes Multi-Échelles

A.3.1. Méthodes de Visualisation de Représentations Cartographiques Hétérogènes

cartographiques hétérogènes, « non destinées à être utilisées conjointement » [Hoarau 2015, p12], par exemple deux cartes à échelles différentes, ou bien une carte topographique et une image aérienne, dans une même interface de visualisation. Ces méthodes proposent des pistes intéressantes pour l’amélioration de la fluidité de navigation dans une carte multi-échelle. Nous distinguons deux types de méthodes différents : afficher les deux représentations l’une après l’autre, ou simultanément.

La première approche consiste à visualiser ces deux représentations hétérogènes en les affichant l’une après l’autre : la représentation actuelle disparait et la nouvelle représentation demandée s’affiche. C’est cette méthode qui est utilisée dans Google Maps par exemple, lorsque l’on choisit d’afficher la couche cartographique « Plan » puis la couche d’imagerie « Satellite ». Suivre visuellement un objet de l’une à l’autre peut être difficile à appréhender après cette transition

Juin 2018 53 statique [Guilmaine 2011, p6], puisque le changement est brusque et que les différences entre les deux représentations peuvent être très importantes.

Pour faciliter la compréhension du passage d’une représentation à l’autre, la littérature en visualisation propose cette fois d’utiliser une transition animée. Cela permet à l’être humain d’appréhender les liens existants entre l’état initial et l’état final, qui sont parfois au-delà de ses compétences cognitives [Card 2008] et de mieux comprendre le processus qui permet de passer de l’un à l’autre [Clavien et Bétrancourt, 2003]. Les travaux dans ce domaine ont montré que les animations sont généralement préférées des utilisateurs et plus efficaces pour la réalisation de tâches de navigation et de comparaison de données [Robertson et al., 2002 ; Heer et Robertson, 2007 ; Shanmugasundaram et al., 2007], mais seulement si elles sont fluides et interactives [Gonzalez 1996]. Dans le cas contraire, si elles sont trop rapides ou présentent des incohérences logiques, elles peuvent nuire à la compréhension de l’utilisateur ou être moins efficaces [Tversky et al., 2002 ; Robertson et al., 2008]. On retrouve ici l’idée évoquée dans la partie précédente que des transformations continues peuvent induire des représentations non valides, qui doivent être évitées. Dans leurs travaux autour de la transition entre différents graphiques statistiques, [Heer et Robertson, 2007] préconisent ainsi le respect de la congruence, c’est-à-dire de la validité de la représentation tout au long de l’animation. A l’image de la Figure 19, ils conseillent dans ce cas de décomposer la transition globale en transitions plus élémentaires pour faciliter sa compréhension.

Figure 19. Pour passer d’un histogramme empilé à un histogramme classique et éviter des représentations non valides (transition en haut de l’image), [Heer et Robertson, 2007] proposent de décomposer la transition en deux étapes (en bas de l’image) : décalage des barres en abscisses puis descente verticale. Source de l’image : [Heer et Robertson, 2007].

Des travaux du domaine de la cartographie proposent des méthodes pour créer une série de contenus intermédiaires valides, voire de continuums de représentations valides, pour proposer ce type d’animation, par exemple entre une représentation abstraite et une représentation réaliste [Hoarau 2015] comme illustrés par la Figure 20 ; entre deux styles topographiques [Ory et Touya, 2017], entre deux échelles d’affichages par adaptation de la projection cartographique [Jenny 2012] ou bien entre deux niveaux de détail pour les modèles 3D urbains [Semmo et al., 2012].

La seconde approche consiste à covisualiser ces deux représentations, c’est-à-dire à les visualiser simultanément [Hoarau 2015, p35]. Il est par exemple possible d’afficher les deux contenus par superposition en jouant sur leur symbolisation et leur transparence, comme illustré par la Figure 21. Cette solution est toutefois assez limitée et le résultat de cette superposition n’est pas toujours lisible. Pour aller plus loin, des travaux proposent de modifier la symbolisation des données en adaptant les couleurs, les textures ou la forme et la taille des symboles pour assurer la lisibilité du résultat de la visualisation simultanée. Dans les travaux illustrés par la Figure 20, la couleur du

54 Marion Dumont contour des routes est ainsi adaptée localement, en fonction du contexte géographique sous-jacent dans l’orthophotographie, afin d’assurer un contraste suffisant pour que le réseau routier soit lisible [Hoarau 2015, p111-121].

Figure 20. Continuum entre une représentation abstraite (carte à l’extrémité gauche en haut) et une représentation réaliste (image aérienne à l’extrémité gauche en bas) proposé par [Hoarau 2015].

Figure 21. Exemple de visualisation simultanée d’une carte (à gauche) et d’une image aérienne (à droite). Pour les représenter ensemble (au milieu), nous avons augmenté la transparence de la carte topographique.

Il est également possible d’afficher les deux représentations simultanément, mais dans deux parties différentes de l’interface. Un état de l’art des outils appliquant ce concept est disponible dans [Hoarau 2015, p35-42]. On peut notamment citer les barres de défilement, qui permettent de « glisser » d’une représentation à l’autre, ou la synchronisation de vues adjacentes, qui permet de voir les deux contenus l’un à côté de l’autre avec une navigation synchronisée. Ces concepts ont récemment été intégrés dans l’application « Remonter le temps »1 de l’IGN, pour permettre la comparaison de données actuelles et historiques.

Juin 2018 55 Une autre solution proposée consiste à utiliser une « loupe », outil de visualisation avec lequel on peut parcourir la représentation affichée et dans lequel est représenté un contenu différent. La Figure 22 présente un exemple de cet outil (à gauche), entre une carte topographique et une image aérienne. Ce type d’outil peut également être utilisé pour la visualisation de données à différents niveaux de détail, comme la Sigma Lens [Pietriga et al., 2008] qui réalise un grossissement de la zone observée, en appliquant une distorsion spatiale sur ses bords ; la Jelly Lens [Pindat et al., 2012] dont la forme s’adapte à l’objet observé ou la Route Lens qui permet quant à elle de suivre un itinéraire en étant attirée par lui et en grossissant son voisinage [Alvina et al., 2014], comme illustrée par la Figure 22 (à droite).

Bien que cette seconde approche soit généralement appréciée des utilisateurs et plus efficace pour la réalisation de tâches de comparaison [Lobo et al., 2015], elle est encore très peu utilisée pour la visualisation de données multi-échelles. On retrouve plus couramment des opérations de zoom par transitions statiques c’est-à-dire par remplacement brutal d’une échelle par une autre, ou bien par transitions animées pour certaines applications, ce qui permet des opérations de zoom plus fluides. Au sein du projet MapMuxing, dans lequel s’inscrit cette thèse, des chercheurs en géovisualisation et en interfaces homme-machine collaborent pour améliorer ces outils, en remplaçant par exemple la distorsion spatiale sur les bords par un continuum de représentations valides, comme précédemment évoqué. Dans notre thèse, nous choisissons cependant de ne pas aborder ces pistes d’amélioration et nous concentrerons uniquement sur le contenu cartographique des cartes multi-échelles, en utilisant des interfaces standard de visualisation, comme présentées dans le paragraphe suivant. Nous pensons donc que cette thèse ne s’inscrit pas à proprement parler dans le domaine de recherche en interface utilisateur (UI) bien que l’on puisse considérer que la carte reste un élément de l’interface, car nous ne considérerons pas les questions relatives à l’interface de visualisation et au mode d’interaction utilisé pour naviguer dans une carte multi-échelle.

Figure 22. La loupe Sigma Lens (à gauche) comme outil de visualisation de deux représentations hétérogènes [Pietriga et al., 2008], comme une carte et une image aérienne ; ou bien comme outil de suivi d’un itinéraire ici illustrée par Route Lens (à droite) [Alvina et al., 2014].