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La genèse des cartes multi-échelles a été conditionnée par l’évolution très rapide des technologies web et des systèmes de visualisation multi-échelle. Les producteurs cartographiques ont donc souvent produit leur pyramide à partir de cartes existantes, sans remise en question de leur contenu cartographique. Contrairement à la cartographie classique destinée à une impression papier à une échelle unique, la production de carte multi-échelle n’est donc pas régie pour le moment par des connaissances théoriques solides, éprouvées et validées.

Dans cette thèse, nous avons pour but d’améliorer la fluidité de navigation dans les cartes topographiques multi-échelles. Dans un premier temps, il nous faut donc identifier les facteurs qui sont susceptibles de perturber la navigation de l’utilisateur, ainsi que les bonnes pratiques qui semblent la faciliter. Nous cherchons ainsi à produire des connaissances théoriques sur ce qui fait une carte multi-échelle efficace. Pour cela, nous réalisons dans ce chapitre une étude comparative de cartes topographiques multi-échelles existantes.

Dans cette première partie nous présentons les études comparatives dont nous nous sommes inspirés, car elles visent également à produire des connaissances sur des pratiques existantes, en étudiant des interfaces ou représentations cartographiques (§B.1.1). Puis nous listons les cartes topographiques multi-échelles que nous avons étudiées (§B.1.2) et détaillons les méthodes d’analyse que nous avons utilisées (§B.1.3).

B.1.1. Exemples d’Études Comparatives en Cartographie

L’idée d’analyser l’existant pour produire des connaissances sur les pratiques n’est pas nouvelle en cartographie et a été appliquée aussi bien pour étudier les représentations cartographiques que les interfaces de visualisation, comme le montrent les exemples suivants.

Une étude compare ainsi 45 applications cartographiques utilisant l’API du Géoportail de l’IGN, pour analyser les pratiques existantes en termes de représentations mixtes entre carte et orthoimage [Hoarau 2012]. Pour cela, l’auteur définit un ensemble de critères d’analyse décrivant les interfaces de visualisation et les outils interactifs proposés. Elle a par exemple listé pour chaque application les types de représentation utilisés (carte, orthoimage ou mixte). L’étude de ces applications lui a permis de définir les tendances et difficultés existantes, donc d’identifier les pistes d’amélioration potentielle. Visant des objectifs similaires, nous devons donc définir des critères d’analyse, décrivant dans notre cas les différentes pyramides étudiées, aussi bien en termes de visualisation que de représentation du contenu cartographique.

Cette représentation du contenu cartographique est au cœur des travaux de [Kent et Vujakovic, 2009], qui étudient un panel de 20 cartes topographiques européennes à l’échelle du 1 : 50k au format papier, pour estimer la diversité stylistique existante. Pour cela, les auteurs définissent une typologie d’analyse décrivant la symbolisation, le type et la quantité d’information utilisés. Pour que cette comparaison soit pertinente, ils ne comparent que des cartes sur des zones au contexte géographique similaire (rural, urbain, littoral, montagnard, etc.). Cette étude montre une hétérogénéité de représentation de l’espace géographique à l’échelle du 1 : 50k entre les producteurs européens. Cette absence de consensus est également relevée dans [Hopfstock 2007], qui s’intéresse à la représentation du réseau routier dans les cartes européennes institutionnelles et commerciales, à l’échelle du 1 : 250k. L’auteur relève de nombreuses différences entre les cartes

Juin 2018 71 étudiées concernant la classification et les symbolisations utilisées, excepté pour les autoroutes dont la modélisation cartographique semble relativement commune. Logiquement nous ne nous attendons donc pas à trouver beaucoup de pratiques communes dans les pyramides existantes en termes de représentation. Néanmoins, ces deux travaux appuient la pertinence de comparer différentes pyramides pour produire des connaissances. En revanche, Ils insistent sur l’importance de réaliser cette comparaison à même échelle et pour un même contexte géographique, pour qu’elle soit pertinente. Pour mener cette étude, nous devrons donc définir au préalable l’échelle cartographique de chaque niveau, pour chaque pyramide étudiée, et réaliser notre étude en prenant en compte le contexte géographique de la zone étudiée.

Plus que d’étudier la diversité de représentations existant à une même échelle, nous souhaitons comparer l’évolution de cette représentation en fonction de l’échelle, entre les différentes pyramides. Plusieurs travaux étudient ainsi la diversité de représentations à différentes échelles, pour l’environnement côtier [Forrest et al., 1997], la végétation et l’occupation du sol [Collier et al., 1998], ainsi que pour le relief [Collier et al., 2003]. Pour ce faire, les auteurs analysent des cartes à différentes échelles allant du 1 : 10k au 1 : 1M, au format papier. Ces travaux confirment la variation des représentations à différentes échelles pour un même type d’objets géographiques. Dans notre étude, nous analyserons cette variation en comparant les niveaux d’une même pyramide à différentes échelles, pour un thème géographique à la fois. Nous chercherons ensuite à estimer la difficulté cognitive que cette variation implique pour la navigation de l’utilisateur.

B.1.2. Panel de Cartes Topographiques Multi-Échelles Étudiées

La liste suivante indique le producteur cartographique de chacune des seize cartes topographiques multi-échelles que nous avons choisi d’analyser, ainsi que l’adresse URL où nous l’avons étudiée :

 ACT Luxembourg, http://map.geoportail.lu/

BEV Autriche, http://www.austrianmap.at/amap Bing Maps, http://www.bing.com/maps

GDI-DE Allemagne, http://www.geoportal.de/EN/Geoportal/Maps/maps.htmlGoogle Maps, http://www.google.fr/maps

ICGC Catalogne, http://www.icc.cat/vissir3

IGN Espagne, http://www2.ign.es/iberpix/visoriberpix/visorign.html

IGN France - Scan Express, étudiée sur une interface temporaire interne à l’IGN, désormais

visible sur http://www.geoportail.gouv.fr/ (couche Carte IGN)

 IGN France - Scan, http://www.geoportail.gouv.fr/ (couche Cartes IGN Classiques)

 Lantmäteriet Suède, http://kso2.lantmateriet.se/

 NGI Belgique, http://www.ngi.be/topomapviewer

 NLS Finlande, http://kansalaisen.karttapaikka.fi/kartanhaku/osoitehaku.html

 OpenStreetMap, http://www.openstreetmap.org/

 OS Irlande, http://maps.osi.ie/publicviewer/

 Swisstopo Suisse, http://map.geo.admin.ch/

 USGS États-Unis, https://viewer.nationalmap.gov/basic/ (version modifiée maintenant disponible sur https://viewer.nationalmap.gov/advanced-viewer/)

Ce panel couvre principalement des pyramides produites par des agences cartographiques institutionnelles. Lors de notre étude réalisée en 2015, nous avons choisies parmi les membres de

72 Marion Dumont l’association EuroGeographics1, celles qui proposaient un géoportail facile d’accès. Nous avons également étudié la pyramide produite par l’USGS États-Unis, qui illustre de nombreux travaux en généralisation cartographique, notamment sur la représentation du relief et de l’hydrographie [Duchêne et al., 2014 pp. 355-362]. Nous aurions également souhaité inclure les produits de l’Ordnance Survey Grande-Bretagne et du Dutch Kadaster des Pays-Bas, qui utilisent des processus tout-automatiques, mais ces producteurs ne fournissaient pas d’interface de visualisation multi-échelle. En plus de ces pyramides institutionnelles, nous avons aussi étudié deux pyramides issues de producteurs privés, Google Maps et Bing Maps, ainsi que la pyramide OpenStreetMap produite par une communauté collaborative, toutes trois définies sur une emprise mondiale.

Dans la suite de cette thèse, nous nommerons ces pyramides par le nom de leur producteur, sauf dans le cas de l’IGN, dont nous distinguerons les pyramides Scan Express et Scan IGN. Par ailleurs, les interfaces ou le contenu des pyramides étudiées ont pu être modifiés depuis 2015. Notre étude n’intègre pas ces évolutions et ses données sont parfois obsolètes. Malgré ces modifications ponctuelles, la problématique de notre étude reste d’actualité et ses résultats nous semblent donc toujours pertinents.

B.1.3. Méthodes d’Analyse Utilisées

A travers cette étude comparative, nous souhaitons caractériser les tendances en termes de visualisation et de représentation cartographique dans les cartes topographiques multi-échelles existantes, pour identifier des leviers d’amélioration potentielle de la fluidité de navigation.

Dans la partie §B.2, nous constatons par une première analyse visuelle les facteurs qui nous semblent susceptibles de perturber la navigation de l’utilisateur, mais aussi les pratiques qui semblent la faciliter. Nous définissons ensuite à partir de ces premiers constats les critères d’analyse de notre étude comparative.

En nous inspirant des travaux présentés dans [Hoarau 2012], nous analysons dans la partie §B.3 l’interface des géoportails sur lesquels sont diffusées les pyramides de notre panel, en analysant le système de zoom et les échelles d’affichage utilisés. Puis, nous définissons l’échelle d’affichage de chaque niveau de zoom de chaque pyramide et vérifions l’application du standard WMTS.

Dans la partie §B.4, nous caractérisons plus en détail la relation existant entre cette échelle d’affichage et la simplification du contenu cartographique pour les thèmes du bâti et du routier. Pour cela, nous définissons des critères d’analyse décrivant la simplification du contenu cartographique en nous inspirant des travaux de [Kent et Vujakovic, 2009]. Nous observons ici les pratiques communes, mais aussi les stratégies originales pour définir ce qui permettrait de fluidifier les changements de représentation au fil des échelles et donc faciliter la navigation de l’utilisateur.

Enfin dans la partie §B.5, nous étudions l’évolution de la complexité visuelle au fil des échelles, précédemment identifié comme un facteur de difficulté potentielle pour l’utilisateur. Pour cela, nous estimons la complexité visuelle de chaque niveau de zoom de chaque pyramide, à l’aide de trois méthodes différentes [Rosenholtz et al., 2007 ; Bravo et Farid, 2008 ; Jégou et Deblonde, 2012].

Juin 2018 73 La littérature en cartographie montre qu’il est possible de produire des connaissances sur les pratiques existantes, en comparant des produits sur la base de critères d’analyse détaillés. Visant des objectifs similaires, nous menons dans ce chapitre une étude comparative de 16 cartes topographiques multi-échelles. Dans la partie suivante, nous réalisons une première analyse visuelle de ces pyramides, d’une part pour mieux définir les difficultés potentielles de la navigation multi-échelle et d’autre part pour identifier les critères de notre analyse comparative.