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C.1. Hypothèses d’Amélioration des Cartes Multi-Échelles Existantes

C.1.2. Nombre de Représentations Intermédiaires

Nous discutons ici l’hypothèse selon laquelle le nombre de représentations intermédiaires aurait une influence positive sur la fluidité de navigation, au sens où ajouter des représentations intermédiaires permettrait d’améliorer la fluidité de navigation.

Comme l’échelle d’affichage est une dimension continue, il est théoriquement possible d’ajouter un grand nombre de niveaux de zoom et donc de représentations intermédiaires entre deux niveaux

110 Marion Dumont existants d’une pyramide. Les travaux de [van Oosterom et al., 2014] présentés dans le paragraphe §A.2.2 montrent qu’il est possible de produire un ensemble de représentations cartographiques sur un intervalle d’échelles continu, contre un coût de production raisonnable. Cependant, comme nous l’avons déjà évoqué, ces travaux n’intègrent pas facilement des changements de niveaux d’abstraction comme le passage de la représentation du bâti individuel à l’aire urbaine par exemple. Cette méthode ne peut donc pas être appliquée à une pyramide existante qui utiliserait ce type de transitions de représentation. Produire des représentations intermédiaires à la fois cohérentes entre elles et avec les représentations existantes, valides sur leur intervalle d’échelles respectif et qui permettent de fluidifier des transitions de représentation complexes reste un processus mal maitrisé et potentiellement coûteux. Il est donc nécessaire de se poser la question au préalable, de l’intérêt d’ajouter un grand nombre de représentations intermédiaires.

Les travaux en généralisation continue adoptent souvent la théorie suivante : plus on ajoute d’étapes intermédiaires dans la simplification du contenu cartographique au fil des échelles, plus la navigation sera fluide. Les travaux de [van Oosterom et al., 2014 ; Šuba et al., 2016] appliquent ainsi cette théorie et créent une représentation intermédiaire pour chaque modification élémentaire du contenu cartographique, comme l’élimination d’un seul bâtiment de la carte. En étudiant des résultats issus de ces travaux1 nous faisons personnellement les constats suivants :

 L’application d’opérations de généralisation non-continues limite de fait cette théorie : ici on ne peut créer qu’un nombre fini de représentations, égal au nombre d’objets éliminés.

 La disparition successive d’objets élémentaires à différents endroits dans la carte attire le regard de l’utilisateur dans de multiples directions, lui faisant perdre d’éventuels points de repère et perturbant ainsi sa navigation.

La logique d’application des changements n’est pas toujours compréhensible. Il est ainsi

perturbant de voir disparaitre successivement et non pas simultanément des bâtiments dont on ne perçoit pas (à l’œil nu) la différence de taille. La somme de ces incompréhensions locales fait que l’on a finalement du mal à appréhender les transitions de représentation globales entre les différentes échelles.

Une expérience utilisant ces résultats2 [Šuba et al., 2016] montre que les utilisateurs réalisent une tâche cartographique plus rapidement avec un continuum basé sur ces travaux, mais font moins d’erreurs avec une carte multi-échelle classique. Nous pensons cependant que ces premiers résultats ne sont pas généralisables : la carte multi-échelle utilisée dans l’expérience n’est sans doute pas la plus fluide possible. Elle a été construite à partir de représentations extraites du continuum, sans véritable réflexion quant à la distribution des échelles d’affichage choisies ou aux transitions de représentation qui en résultent. Nous restons convaincus que le nombre de représentations intermédiaires doit être limité, pour que les différences entre deux représentations successives restent compréhensibles de l’utilisateur. Notons ici que définir ces différences compréhensibles de manière empirique serait très coûteux, car il faudrait tester de nombreuses conditions pour déterminer des seuils théoriques. Par ailleurs, ceux-ci ne seraient pas généralisables, car ils dépendraient des représentations utilisées mais aussi certainement de l’expérience de l’utilisateur. Nous nuançons donc simplement notre hypothèse initiale, en considérant qu’il est possible qu’elle ne soit valide que jusqu’à un certain nombre, au-delà duquel ajouter plus de représentations intermédiaires pourrait avoir une influence nulle voire négative sur la fluidité de navigation.

1https://kartographie.geo.tu-dresden.de/downloads/ica-gen/workshop2016/Radan_demo_task.avi

Juin 2018 111 Par ailleurs, si l’on se base sur les intervalles d’échelles recommandés par le standard WMTS et les transitions de représentation que nous avons observées dans les cartes multi-échelles existantes, nous pensons qu’il est souvent nécessaire d’ajouter plusieurs représentations intermédiaires pour rendre ces transitions compréhensibles. Si la navigation initiale est particulièrement difficile, il est possible que l’on mesure un comportement différent lors de l’ajout des premières représentations intermédiaires : une très grande amélioration si celles-ci changent profondément la nature de la navigation, ou bien au contraire pas d’amélioration du tout si la navigation reste trop difficile. Il existe donc peut-être un seuil minimal en dessous duquel le nombre de représentations intermédiaires n’a pas d’influence sur la fluidité de navigation. Nous formalisons donc finalement l’hypothèse A suivante, illustrée par la Figure 68 :

Hypothèse A. Il existe un couple de valeurs nbmin et nbmax entre lesquelles le nombre de représentations intermédiaires a une influence positive sur la fluidité de navigation, où nbmin correspond au nombre de représentations intermédiaires minimum nécessaire pour obtenir une amélioration de la fluidité de navigation et nbmax le nombre de représentations intermédiaires à ne pas dépasser au risque de voir cette influence positive s’inverser.

Figure 68. Évolution théorique attendue de la fluidité de navigation en fonction du nombre de représentations intermédiaires ajoutées, selon notre hypothèse. Précisons que cette figure n’a vocation qu’à illustrer notre hypothèse ici et n’a aucune valeur mathématique.

L’étude de cette variable en particulier pose plusieurs problèmes. Dans un premier temps, bien que le nombre de représentations intermédiaires soit par définition une valeur finie, il nous semble qu’il vaudrait mieux parler de quantité de représentations intermédiaires lorsque l’on considère son influence sur la fluidité de navigation. Sur cet intervalle [nbmin ; nbmax] notamment, il est en effet peu probable que nous puissions mesurer une amélioration significative à une représentation intermédiaire près. Il nous faudrait plutôt comparer l’évolution de la fluidité avec des quantités de représentations intermédiaires sensiblement différentes. Il faudrait donc produire de nombreuses représentations intermédiaires pour déterminer un couple de valeurs [nbmin ; nbmax], ce qui est coûteux.

D’ailleurs, ce couple de valeurs varie vraisemblablement en fonction de la situation initiale, c’est-à-dire de l’intervalle d’échelles et de la transition de représentation à simplifier. Il est même probable qu’au sein d’une même carte, la quantité de représentations intermédiaires optimale varie pour les

112 Marion Dumont différents types d’objets géographiques. Dans ce cas, nous considérons que la quantité à utiliser pour l’ensemble de la carte doit être le maximum des quantités estimées nécessaires pour chaque type d’objets, quitte à garder la représentation de certains objets invariante d’une échelle à l’autre. On retrouve ici le principe du ScaleMaster [Brewer et Buttenfield, 2007; Touya et Girres, 2013] dans l’idée de décorréler le processus de généralisation multi-échelle de chaque type d’objets géographiques. Ainsi en pratique, même si nous parvenions à calculer ces valeurs extrêmes pour notre cas d’application, elles ne seraient applicables à aucun autre.

Enfin, pour mesurer l’influence de cette variable uniquement, il faudrait qu’elle soit la seule à varier entre les différentes conditions du test. Or si l’on ajoute des représentations intermédiaires, on modifie par définition la répartition des intervalles d’échelles d’affichage et la transition de représentation. Il nous semble donc peu pertinent d’étudier l’influence de cette variable sur la fluidité de navigation, sans avoir de connaissances solides sur le comportement des deux autres. Nous choisissons donc d’écarter pour le moment l’étude de cette variable.

C.1.3. Répartition des Intervalles d’Affichage des Représentations Intermédiaires