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Chapitre 1. La figure de la « femme moderne »

1.1 Se transformer : la New Woman

« [The] New Woman… [is] no longer the Angel, but the Devil in the House4 », lit-on

dans le Westminster Review en 1865. Dans cette revue britannique, à qui est souvent attribuée par la critique l’origine de l’expression New Woman, c’est sous le signe de la comparaison5

qu’est placée l’émergence d’un nouveau féminin. Il semble presque naturel qu’il en soit ainsi, dans la mesure où ce principe d’opposition articule l’expression dans son sens littéral : l’épithète « nouvelle » présuppose l’existence d’une « ancienne » femme, d’un « avant » et d’un « après », comme en témoignent, a posteriori, les propos de Virginia Woolf. Deux figures que tout distingue, comme l’ange s’oppose au démon, coexistent dorénavant ; si le passage de l’une à l’autre inquiète, il n’a pas encore été officialisé. Pour cela, il faut attendre l’année 1894 : la New Woman, qui n’était jusqu’alors qu’une rumeur, qu’un nom prononcé du bout des lèvres, qu’un surnom méprisant utilisé par les opposants à l’émancipation féminine, acquiert son statut de figure incontournable de la fin du siècle. À nouveau, c’est la presse qui donne forme à cette figure lorsque les écrivaines anglaises Sarah Grand et Ouida s’affrontent à son sujet dans les pages du North American Review6. Alors que la première célèbre la New

Woman pour sa force et son intelligence7, la seconde voit en elle une menace à l’ordre établi et

déplore la vanité, le dangereux savoir et le ridicule qui l’animent8. Cette différence radicale

entre les deux visions s’explique par le caractère modulable de ce type social. Ses contemporains le façonnent en fonction des principes idéologiques qu’ils cherchent à

4 Cité dans Ann Heilmann, op. cit., p. 22. 5 Voir Ann Heilmann, op. cit., p. 24. 6 Voir ibid., p. 23.

7 Voir Sarah Grand, « The New Aspect of the Woman Question », North American Review, vol. 158, nº 448,

mars 1894, p. 272.

8 Voir Ouida, « The New Woman », North American Review, vol. 158, nº 450, 1er mai 1894, p. 615. En ligne :

transmettre par son intermédiaire9. Peu à peu, la « femme nouvelle » se concrétise à travers les

débats qui font rage à son égard, son identité étant nourrie par les arguments de ses adversaires comme de ses défenseurs. Ces idéaux varient nécessairement en fonction des pays où émerge la New Woman, celle-ci n’étant pas l’exclusivité de la Grande-Bretagne ; ses « disciples » se propagent dans le reste de l’Europe et aux États-Unis, ce qui témoigne de sa capacité à traverser les frontières. En France, elle fait son entrée dans l’imaginaire par l’intermédiaire du théâtre, notamment grâce à la pièce du dramaturge norvégien Henrik Ibsen intitulée Une Maison de poupées (1879), présentée en traduction à Paris dès 189410, et de la presse, grâce à

La Fronde11. Dans ce quotidien fondé par la féministe Marguerite Durand, les collaboratrices

s’emploient à projeter une image positive de la « femme nouvelle » – il en va ainsi de la francisation du terme – et à la détacher des stéréotypes qui entachent sa réputation auprès du public.

De manière générale, c’est dans la dernière décennie du XIXe siècle que la New Woman

se manifeste concrètement en Occident. Cette apparition, qui coïncide avec celle de la fugitive, n’est pas le fruit du hasard ni le simple produit de la fiction ; elle découle des progrès sociaux qui frappent alors la société. Même les changements qui semblent éloignés des préoccupations propres à la sphère du féminin, comme ceux constituant la modernisation, ne sont pas sans impact sur celle-ci. Or, comment expliquer que la vie des femmes, qui se déroule souvent à l’écart, en retrait du monde, ait été touchée par de tels mouvements historiques ? Frappée d’interdits et d’obligations, étroitement contrôlée par un ensemble de codes et de normes en tous genres, l’existence féminine connaît un tournant à l’époque moderne. Cette vie réglée au quart de tour, ajustée comme un corset, gagne en souplesse et en opportunités au prix d’efforts soutenus et de longues batailles, elle s’ouvre sur des horizons nouveaux. On respire mieux, malgré les résistances qui subsistent.

À cet égard, il faut souligner le rôle majeur joué par les différents mouvements féministes occidentaux qui, tout au long du XIXe siècle, favorisent, malgré les différentes

9 Voir Ann Heilmann, op. cit., p. 2.

10 Voir Mary Louise Roberts, Disruptive Acts. The New Woman in Fin-de-Siècle France, Chicago et Londres,

The University of Chicago Press, 2002, p. 22.

positions théoriques qu’ils adoptent12, une prise de conscience collective face aux injustices

qui frappent les femmes et limitent leur position sociale. Leurs revendications touchent divers sujets et se divisent entre critiques (de la dépendance conjugale, des inégalités salariales, du corset, de la double morale sexuelle) et demandes d’accès (à l’autodétermination du corps, au divorce, à l’indépendance financière, au plaisir en dehors du mariage)13. La question du

suffrage, quant à elle, constitue la pierre angulaire de la cause ; à travers elle, c’est l’obtention d’un statut de citoyenne à part entière qui est visée, les femmes n’étant alors considérées aux yeux de l’État que comme des mineures. L’émancipation féminine, si elle est bien entendu tributaire de l’obtention de libertés civiques et politiques, est également rendue possible par un meilleur accès à l’éducation : « Dans la plupart des pays européens, la revendication pédagogique précède toutes les autres revendications féministes. De nombreuses discussions et actions pour une meilleure éducation des filles et des femmes indiquent que le savoir est indispensable à la vie14 ». À travers l’accès à la connaissance et à l’éducation supérieure, c’est

tout un monde qui s’ouvre : de meilleures opportunités d’emploi, l’acquisition d’aptitudes professionnelles, un plus grand degré de liberté personnelle. Les premières « femmes savantes » à entrer à l’Université seront ainsi fréquemment qualifiées de New Women, en raison du degré d’indépendance que leur procure leur diplôme15. La capacité de s’instruire,

voilà ce qui manquait tant à la sœur de Shakespeare, telle qu’imaginée par Virginia Woolf dans Une chambre à soi (1929) : « Elle avait, autant que son frère, le goût de l’aventure, était, comme lui, pleine d’imagination et brûlait du désir de voir le monde tel qu’il était. Mais on ne l’envoya pas étudier en classe. Elle n’eut pas l’occasion d’étudier la grammaire et la logique, moins encore celle de lire Horace ou Virgile16 ». Éducation et émancipation vont ainsi de pair

pour l’écrivaine.

12 Voir Anne-Marie Käppeli, « Scènes féministes », dans Geneviève Fraisse et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident. Le XIXe siècle, Paris, Plon, 1991, tome 4, p. 496-497.

13 Voir ibid., p. 507-514. 14 Ibid., p. 508.

15 Jean V. Matthews, The Rise of the New Woman. The Women’s Movement in America, 1875-1930, Chicago,

Ivan R. Dee, coll. « The American Ways », 2003, p. 4.

16 Virginia Woolf, Une chambre à soi, traduit de l’anglais par Clara Malraux, Paris, Denoël, « Bibliothèque

De telles avancées sur le plan social participent d’un climat où les tensions sont palpables, puisqu’il est marqué entre autres par une crise des rôles sexués et par une perte des repères identitaires traditionnels. La « femme nouvelle », en refusant l’avenir domestique qui lui semble « naturellement » destiné, participe de cette atmosphère au sein de laquelle domine, particulièrement en France, l’idée d’une dégénérescence de la nation17. En raison des liens

forts qui l’unissent aux bouleversements en cours, elle est souvent perçue, dans le discours critique, comme étant la métaphore d’une période en transition18, le symbole des modifications

qui s’opèrent dans la manière de concevoir le genre et la sexualité dans les dernières décennies du XIXe siècle19. Elle condense les craintes et les aspirations d’une époque, ce qui fait d’elle

une figure révélatrice d’un certain état de société. Et de là provient tout l’intérêt de l’étudier. Considérant les circonstances historiques esquissées précédemment, la New Woman apparaît comme un danger, une menace au statu quo20. En regard de cette affirmation, il serait

facile de voir en elle une créature malfaisante, une véritable gorgone ; et pourtant, il s’agit

simplement d’une femme qui sort des sentiers battus, comme le souligne Mary Louise Roberts en traçant le portrait de cette figure. Bien que cette critique se penche plus spécifiquement sur le cas français, sa définition possède l’avantage de spécifier les caractéristiques fréquemment attribuées à la « femme nouvelle », tout en étant assez générale pour être aisément appliquée aux variantes américaines et européennes de cette figure :

Beginning in the 1890s and early 1900s, a group of primarily urban, middle-class French women became the object of intensive public scrutiny. Some remained single ; some entered nontraditionnal marriages ; some were prominent feminist activits ; some took up the professions of medicine and law, journalism and teaching. Despite their differences, all of these women challenged the regulatory norms of gender by living unconventional lives and by doing work outside the home that was coded masculine in French culture21.

Insistons sur les critères définitoires retenus par Roberts. Le phénomène de la New Woman se présente d’abord comme étant relativement limité, puisqu’il ne pénètre pas toutes les couches

17 Voir Mary Louise Roberts, Disruptive Acts, op. cit., p. 4. 18 Voir Ann Heilmann, op. cit., p. 22.

19 Voir ibid., p. 19.

20 Voir Sally Ledger, The New Woman. Fiction and Feminism at the Fin de Siècle, Manchester et New York,

Manchester University Press, 1997, p. 11.

de la société. Les femmes qui adoptent cette posture sont majoritairement issues des milieux urbains22 et bourgeois, ce qui suppose, d’une part, qu’elles ont facilement accès aux

commodités de la vie moderne (celles-ci étant plus accessibles en ville qu’à la campagne) et, d’autre part, qu’elles bénéficient d’une certaine aisance sur le plan économique. La ville offre en effet aux femmes de nouveaux espaces où elles peuvent circuler sans soulever les soupçons, tels que les grands magasins23, qui demeurent cependant des lieux semi-publics.

Le mode de vie qu’elles adoptent est rendu possible par les avantages que leur procure leur statut social. Cependant, il ne faudrait pas croire que leur existence est totalement libre de contraintes. À titre d’exemple, c’est à leur égard que les normes et les codes rattachés à la théorie des sphères séparées, dont il sera question dans la troisième partie du présent chapitre, sont les plus pressants, ce qui limite grandement leur capacité de mouvement dans l’espace public. En investissant des milieux qui ne lui sont pas réservés, comme celui du travail et de la politique, la New Woman attire nécessairement le regard critique de la foule. Elle possède donc une certaine notoriété, bonne ou mauvaise, ce qui signifie que sa présence dans la sphère publique, qui est un domaine masculin comme le rappelle Roberts, passe difficilement inaperçue. Il s’agit là de l’un des aspects essentiels de la réflexion sur la fugitive : puisqu’elle fait usage d’un moyen de transport moderne, elle doit nécessairement se rendre visible en dehors de l’univers du foyer, elle doit sortir de chez elle et investir des espaces qui lui sont étrangers. Enfin, on comprend à la lecture de la définition qu’il n’existe pas une, mais bien des « femmes nouvelles ». Elles ne font pas partie d’un groupe organisé, comme c’est souvent le cas pour les féministes24, et manifestent leur non-conformisme chacune à leur manière.

Dissemblables, elles le sont également en fonction de leur degré d’émancipation ; alors que certaines demeurent en partie attachées à la tradition et à la norme, d’autres entrent

22 Voir Sally Ledger, op. cit., p. 150. 23 Voir ibid., p. 155.

24 Il faut ainsi se garder de faire une équivalence directe entre New Woman et féministe. Contrairement aux

féministes, dont les actions étaient dotées d’une portée collective en raison de leurs implications sur la scène sociale, la New Woman exprimait plutôt son désir d’émancipation sur un mode individuel. Or, bien que les « femmes nouvelles » ne formaient pas un groupe militant et ne formulaient pas des revendications de manière explicite, elles ont contribué à transformer les mentalités à l’endroit des femmes en posant des actions allant à l’encontre de l’image traditionnelle de la féminité. Voir Mary Louise Roberts, Disruptive Acts, op. cit., p. 247.

complètement en rupture avec celles-ci. Il apparaît donc essentiel de ne pas négliger les nuances qui les distinguent.

Aux yeux de ses contemporains, la New Woman apparaît comme la dernière incarnation de la « femme émancipée ». Si elle marque ainsi les esprits comme type social, elle s’impose également dans l’imaginaire en tant qu’icône culturelle et produit de la fiction25. Dans la

presse, là où se sont affrontées les écrivaines Ouida et Sarah Grand en 1894, elle mène en quelque sorte une existence parallèle, en raison des multiples articles et des caricatures qui lui sont consacrés. C’est d’ailleurs sous les traits de la velocewoman, arborant la culotte et fumant parfois la cigarette, qu’elle est le plus souvent mise en scène sous la plume acérée de ses critiques. Selon Christine Bard, « [l]e rejet du vêtement traditionnel est la manière la plus fréquente de camper le personnage26 » de la « femme nouvelle », et c’est précisément grâce au

cyclisme que le costume féminin se réinvente à la Belle Époque. Cette nouvelle pratique de loisir a été l’un des incitatifs ayant poussé les femmes à délaisser le corset et à adopter le pantalon pour des raisons pratiques évidentes27. En réduisant la distance entre l’apparence

masculine et féminine, une telle réforme a rapidement suscité la controverse. Les craintes éveillées par le style de la New Woman en dissimulaient cependant d’autres, celles soulevées par la bicyclette elle-même. En concédant liberté et mobilité à ses propriétaires, ce véhicule se présente pour plusieurs comme un outil d’émancipation. Il s’associe alors naturellement dans les esprits à la « femme nouvelle »28, qui est porteuse d’un message libérateur. À la manière

d’un emblème29, le vélo accompagne quasi systématiquement la New Woman dans ses

apparitions textuelles et visuelles, que celles-ci soient connotées de manière positive ou négative, ce qui témoigne du pouvoir évocateur et de la dimension symbolique de ce mode de transport.

25 Voir Ann Heilmann, op. cit., p. 2.

26 Christine Bard, Une histoire politique du pantalon, Paris, Seuil, coll. « Histoire », 2010, p. 236-237. 27 Voir ibid., p. 218.

28 Voir Sarah Wintle, op. cit., p. 66. 29 Voir Ann Heilmann, op. cit., p. 37.

Outre la presse, ce sont aussi les magazines féminins qui popularisent une nouvelle forme de féminité auprès du grand public30. Pour ce faire, ils adoptent une stratégie plutôt

surprenante : en se dissociant de termes lourdement connotés, comme celui de New Woman ou de féministe31, ils façonnent l’image d’une figure que l’on pourrait qualifier de « modérée »,

mais qui n’en demeure pas moins une « femme nouvelle », bien qu’elle n’en porte pas le nom. En effet, il n’est pas nécessaire d’endosser cette étiquette pour être considérée comme telle. Dans les œuvres étudiées, il est rare que les personnages féminins soient explicitement qualifiés ainsi. Comme le rappelle Mary Louise Roberts, « the new women did not form a coherent, self-conscious group […]32 ». En ce sens, l’association entre un personnage littéraire

et la figure de la « femme nouvelle » est un travail qui se fait souvent a posteriori, lors de la lecture de l’œuvre. Les périodiques féminins, en prenant ainsi leur distance avec les représentations qui portent préjudice à la réputation de la New Woman, sont parvenus de manière détournée à adoucir son image. Le modèle féminin proposé par les magazines, abondamment commenté par Rachel Mesch dans Having It All in the Belle Epoque, réconcilie habilement un schéma familial traditionnel, en assumant par exemple le rôle de mère et d’épouse, avec une certaine indépendance d’esprit33, ce qui permet à la femme de s’emparer

de quelques droits et pouvoirs. En maintenant ce précieux équilibre entre tradition et modernité, des magazines comme Femina et La Vie heureuse ont grandement contribué à normaliser des comportements qui auraient choqué la génération précédente, tels que pratiquer un sport, avoir une carrière ou conduire une automobile34. À nouveau, la question du transport

ressurgit, signe des liens étroits qu’elle entretient avec le phénomène de la « femme moderne ». Cette relation privilégiée qui les unit se manifeste également dans la publicité, là où s’est également façonnée une image légitime et positive de la New Woman35. Dans les

affiches de la Belle Époque, qui constituent une fenêtre sur les changements en cours, les

30 Voir Rachel Mesch, « Introduction. Femina, La Vie heureuse and the Invention of the Femme Moderne », dans Having It All in the Belle Epoque. How French Women’s Magazines Invented the Modern Woman, Stanford,

Stanford University Press, 2013, p. 4.

31 Voir ibid., p. 28.

32 Mary Louise Roberts, Disruptive Acts, op. cit., p. 247. 33 Voir Rachel Mesch, op. cit., p. 4.

34 Voir ibid., p. 9 et 17.

femmes exhibent leur « modernité » sans complexe, en profitant des nouveaux plaisirs que leur offre leur époque, comme celui de voyager, de s’adonner à une activité sportive ou récréative ou d’investir l’espace public en faisant usage d’une bicyclette ou d’une automobile36. De ces représentations naît une image fantasmée de la New Woman, qui fait

concurrence aux images façonnées par la presse, les magazines et la littérature37. L’espace

médiatique constitue en ce sens, pour les femmes de l’époque, un univers vibrant au sein duquel certaines fantaisies émancipatoires semblent dorénavant accessibles et désirables38.

L’identité de la « femme nouvelle » apparaît, en regard de l’influence exercée sur elle par divers médias, comme étant en partie une invention de la culture populaire. La New Woman de papier et sa sœur de chair et d’os n’évoluent cependant pas en vase clos et leur relation ne fonctionne pas qu’à sens unique. S’il va sans dire que l’apparition d’un modèle féminin alternatif, dans la société de la fin du XIXe siècle, influence la fiction, il faut aussi

considérer que les diverses manifestations textuelles et iconographiques de la New Woman ont contribué au changement des mentalités et à la dispersion de nouvelles idées39 dans

l’imaginaire collectif. Un effet de réciprocité unit les sphères sociale et culturelle, ce qui nous rappelle l’importance de considérer les œuvres du corpus, d’une part, à l’horizon du discours social et, d’autre part, de voir comment les idées avancées dans la littérature pénètrent à leur tour les esprits. Un tel constat explique la place accordée, dans l’étude des œuvres, à divers types de productions culturelles ainsi qu’au phénomène de la culture de masse.

Créature bicéphale, la New Woman ? Sans aucun doute, sa vraie tête ne s’entendant pas toujours avec celle imaginée par la fiction. Et il en va de même avec la fugitive, dont l’image est abondamment nourrie par l’univers journalistique, publicitaire et littéraire. Pour le critique désireux de la capturer, de posséder d’elle un portrait qui ne soit pas trouble, comme sur ces photographies gâchées par un flou de bougé, il faut donc adopter un double regard : texte et

36 Voir Ruth E. Iskin, op. cit., p. 103.

37 En Angleterre, au tournant du XXe siècle, c’est n’est pas uniquement l’image de la « femme nouvelle » qui est

transmise par la littérature. Le courant anglais de la New Woman fiction, porté par des auteures qui se définissent elles-mêmes comme des New Women, lui donne également une voix : « New Woman fiction [is] a gynocentric

feminist discourse on women, gender relations, and the reshaping of literature and (popular) culture for specifically political purposes. » Ann Heilmann, op. cit., p. 4.

38 Voir Rachel Mesch, op. cit., p. 9.