• Aucun résultat trouvé

II Matériaux composites thermoplastiques

2 Les fibres de renfort

2.1 Fibres de carbone .1 Classification

2.1.2 Fabrication des fibres de carbone ex-PAN

2.1.2.4 Traitements de surface

Les fibres de carbone obtenues à ce stade sont généralement modifiées pour être utilisées dans les matériaux composites car elles ne sont pas capables de développer suffisamment d’interactions physico-chimiques avec les matrices polymère pour que l’adhésion entre les deux soit suffisante. Il convient donc d’utiliser différents traitements de surface qui peuvent à eux seul améliorer grandement les propriétés mécaniques des composites.

a Par oxydation

Les traitements d’oxydation sont réalisés par les industriels car ils permettent de rendre les fibres de carbone initialement inertes, plus sensibles en créant à leur surface des fonctions capables d’interagir avec les matrices polymère [55]. Les propriétés mécaniques des matériaux composites obtenus peuvent ainsi être améliorées de manière significative. Drzal et al [56] ont démontré l’importance de ces traitements en comparant les valeurs d’adhérence d’une fibre de carbone non traitée à sa référence oxydée avec une matrice époxy. Pour la référence AU qui correspond à une fibre de carbone haute résistance non oxydée, la valeur de contrainte de cisaillement interfaciale (IFSS) est doublée après oxydation (référence AS). Par ailleurs, ces procédés n’influencent pas seulement la chimie de surface mais ont également un impact direct sur la morphologie superficielle des fibres. En effet, la diminution du taux d’oxygène présent en surface des fibres par des cycles thermiques ne diminue que très peu les valeurs de contraintes interfaciales (cf. figure 1.22). Selon Drzal, la couche

superficielle des fibres qui après fabrication contient de nombreux défauts serait éliminée par ces traitements.

Figure 1.22 Évolution l’IFSS en fonction du traitement de surface des fibres - AU : fibre de carbone HR non traitée, AS : fibre de carbone HR oxydée, HMU : fibre de carbone HM non traitée, HMS : fibre de carbone

oxydée [56]

Il existe un grand nombre de mécanismes chimiques permettant d’oxyder la surface de fibres de carbone. Ces traitements peuvent être répartis en trois type : i) oxydation sèche, ii) oxydation humide et iii) traitement plasma.

a.i Oxydation sèche

L’oxydation sèche est réalisée en présence d’oxygène. Les gaz utilisés peuvent donc être de l’air, de l’ozone ou encore du dioxyde de carbone à des températures faibles ou élevées. Cependant, l’utilisation de hautes températures engendre des défauts de surface importants et diminue les propriétés mécaniques des fibres [57]. Par ailleurs, la présence d’oxydes métalliques peut accélérer la dégradation des fibres [58]. Il ne s’agit pas du traitement le plus utilisé. Les fonctions chimiques obtenues à la surface des fibres sont présentées sur la figure 1.23.

Carboxyl Phenolic Hydroxyl Quinone-type

Carboxyl

Normal Lactone Fluorescene type Lactone Carboxylic Acid Anhydride Figure 1.23 Fonctions chimiques obtenues après traitement d’oxydation d’après [59]

a.ii Oxydation humide

L’oxydation humide nécessite l’utilisation d’agents liquides oxydants. L’acide nitrique, le permanganate de potassium, le peroxyde d’hydrogène, le bicarbonate d’ammonium et le persulfate d’ammonium ont été utilisés pour l’oxydation des fibres de carbone [57]. Les fonctions de surfaces obtenues avec cette méthode sont semblables à celles de l’oxydation sèche.

Néanmoins, l’influence de ce type d’oxydation n’est pas que chimique, elle est aussi morphologique. Les agents d’oxydation en fonction de leur concentration, du temps et de la température de traitement peuvent, comme dans le cas de l’oxydation sèche, modifier la surface des fibres. Zhang a montré dans ses travaux, l’influence du temps de traitement par acide nitrique sur la topographie [60]. Il obtient une rugosité plus importante sur les échantillons traités. Cela peut engendrer des pertes de masses avec l’apparition de fragments oxydés qui se détachent de la structure en solution [61].

Un procédé plus rapide et efficace consiste à appliquer un courant électrique entre les fibres et une électrode plongée dans un bain électrochimique (cf. figure 1.24). La réaction d’oxydation va s’effectuer directement à la surface des fibres. La figure 1.25 met en évidence qu’il est possible de faire varier la quantité de fonctions de surface obtenues en modifiant l’intensité du courant, le temps de traitement et l’électrolyte utilisé [62], [63]. Ces traitements sont donc très intéressants pour modifier les fibres de carbone cependant ils peuvent aussi créer des porosités au sein de la fibre dégradant ainsi ses propriétés mécaniques.

Figure 1.24 Procédé continu d’oxydation anodique des fibres de carbone [47]

Figure 1.25 Analyses XPS de fibres de carbone oxydées en fonction du traitement appliqué [63]

a.iii Traitement plasma

L’oxydation des fibres de carbone par traitement plasma est un sujet d’intérêt pour de nombreux chercheurs car ce procédé est efficace pour des temps de traitement relativement courts (15 – 30 s) [64]. Il implique l’exposition des fibres à des plasmas de différente nature : l’azote, l’argon, l’air, l’ammoniaque ou encore l’oxygène peuvent être utilisés [65] [66]. En optimisant les conditions de traitement, il est ainsi possible de générer des fonctions de surface de type -COOH, -C=O ou encore -NH2 -NH qui conduisent d’une part à l’amélioration de la mouillabilité mais également à la réactivité de la fibre vis-à-vis des matrices employées. Ce traitement peut s’accompagner de modifications des propriétés mécaniques des fibres. Certains auteurs observent une diminution de la contrainte à rupture des fibres [67] [68]

lorsque d’autres n’observent pas de modifications [69] [70]. Ces résultats sont intimement liés aux paramètres et aux types de plasmas évalués.

L’introduction de monomères dans les plasmas peut également apporter davantage de réactivité de surface aux fibres mais également jouer un rôle sur leurs propriétés mécaniques. Dilsiz et al [71] ont montré qu’il était possible d’améliorer les propriétés mécaniques des fibres de carbone en utilisant les traitements plasma. Ils ont activé différentes surfaces de fibres de carbone en introduisant des composés organiques réactifs : allycyanide ou xylène, et ont montré l’influence du film obtenu en surface sur les propriétés mécaniques. Les auteurs obtiennent une augmentation de 13 % sur la contrainte à rupture après un traitement plasma 100 W xylène / air / argon pour les fibres de carbone (Herculès). Ce traitement engendre par la suite une augmentation de 27 % des propriétés mécaniques en flexion du composite mais également de 7 % sur la contrainte de cisaillement interlaminaire (ILSS). Plus récemment, Moosburger et al [72] ont obtenu des résultats similaires en ajoutant un précurseur silane dans leur plasma atmosphérique sous air. Les auteurs ont observé une augmentation de 26 % sur la contrainte à rupture de leurs fibres de carbone. De nombreux exemples de ce type de traitements sont cités dans ses travaux.

b Ensimage des fibres

Les ensimages utilisés pour la fabrication de matériaux composites remplissent plusieurs rôles : ils permettent tout d’abord de protéger la fibre lors des procédés de mise en forme et peuvent faciliter la manipulation des mèches en assurant une bonne cohésion entre les filaments. En modifiant la tension de surface des fibres, ils peuvent aussi améliorer leur mouillabilité, ce qui facilite l’imprégnation par la matrice. Enfin, la chimie utilisée est adaptée pour être capable de réagir avec les matrices utilisées et ainsi améliorer les propriétés de l’interphase. Généralement, les ensimages des fibres de carbone passent au travers d’un bac d’imprégnation dans lequel est disposée la solution d’ensimage. Les fibres sont ensuite séchées puis bobinées comme présenté sur la figure 1.26. Les fibres de carbone étant relativement inertes même après les différents traitements d’oxydation, la couche d’ensimage déposée à la surface est majoritairement physisorbée. Cependant, certains auteurs ont montré que des liaisons covalentes pouvaient s’établir en faible quantité [59], [73]. Les ensimages les plus répandus sont constitués de pré-polymères de type diglycidyléther de Bisphénol A (DGEBA) pour les composites à matrice époxy-amine.

De nombreuses études ont renforcé l’intérêt de ces ensimages pour le renforcement des interphases obtenues avec des composites thermodurcissables. Kafi et al [74] ont observé une augmentation de la contrainte de cisaillement interlaminaire (ILSS) en appliquant un ensimage époxy à la surface de fibres de carbone oxydées. Ma et al [75] ont également rapporté une augmentation de l’ILSS de 73 à 104 MPa avec l’introduction d’un ensimage

époxy. Les études réalisées à l’échelle micro rejoignent les observations précédentes : Denq

et al [76] constatent une augmentation de l’IFSS de 60 MPa à environ 80 MPa sur leurs fibres de carbone après ensimage époxy tout comme Mäder et al (52 MPa à 72 MPa) [77] et Jacobasch et al (58 à 71 MPa) [78]. Néanmoins, l’utilisation d’un ensimage peut parfois avoir des conséquences non désirées. Une quantité trop importante en surface peut entrainer une sous polymérisation au niveau de l’interphase puisque les résines déposées ne contiennent habituellement pas de durcisseur. Il en résulte alors un gradient de propriétés à l’interphase [56] avec une mobilité des chaînes augmentée [79]. D’autre part, certains systèmes peuvent se révéler très complexes avec des phénomènes de diffusion de l’ensimage dans la matrice [80].

Figure 1.26 Ensimage, séchage et bobinage des fibres de carbone [47]

Les ensimages ont historiquement été développés pour les composites thermodurcissables et il existe à l’heure actuelle peu de solutions industrielles capables de répondre au cahier des charges des thermoplastiques hautes performances tels que le PPS et le PEEK. En utilisant les ensimages initialement dédiés aux thermodurcissables, les utilisateurs s’exposent à l’obtention de mauvaises propriétés d’interphase. Boudet et al [81] ont étudié l’influence de la dégradation d’un ensimage époxy à la surface de fibres de carbone sur les valeurs d’IFSS obtenues avec du PEEK. Les meilleurs résultats étaient obtenus avec des fibres non ensimées.

Plusieurs études ont rapporté de nouvelles possibilités d’ensimages : Liu et al [82] ont réalisé une émulsion de poly(phthalazinone éthercétone) (PPEK) pour ensimer leurs fibres de carbone. Les mesures XPS des fibres ont confirmé la présence du polymère en surface tout comme les mesures d’énergie de surface. Les auteurs ont observé une amélioration notable de l’IFSS (40 à 50 MPa). Les travaux de thèse de Giraud [83] portaient sur l’élaboration d’ensimages thermostables pour composites PEEK / CF. L’auteure présente deux émulsions d’ensimage de polyétherimide (PEI) et de polyéthercétonecétone (PEKK) développée dans sa thèse. Les composites ensimés à l’aide de ces solutions permettent d’atteindre des propriétés

mécaniques supérieures. Les parties réelles du module de cisaillement pour les composites réalisés avec ces deux ensimages (FCpei et FCpekk) et sans ensimage (FCne) sont représentées sur la figure 1.27. Le modules caoutchoutiques des composites avec ensimage sont stables et bien supérieurs à la référence non ensimée. Yuan et al [84] ont évalué l’utilisation d’une émulsion d’ensimage polyethersulfone (PES) pour la réalisation de composites PES / CF. Les auteurs rapportent une augmentation de 26% de la contrainte de cisaillement interlaminaire. Du côté industriel, Michelman® a récemment initié des études sur l’adhésion obtenue entre des fibres de carbone ensimées par leur formulation PEI (Hydrosize HP1632) et une matrice PEKK. Ils obtiennent une augmentation de 20 % de l’IFSS par rapport à la référence non ensimée [85].

Figure 1.27 Module conservatif G’ des composites PEEK / CF réalisés avec différents ensimages - FCne : sans, FCpei : emulsion Pei, FCpekk : emulsion Pekk

c Influence de la rugosité

L’observation de la topographie des fibres de carbone ex-PAN permet de révéler leur état de surface particulier. Ces fibres présentent des stries longitudinales liées au procédé de filage du polyacrylonitrile. Cette rugosité de surface peut être un avantage pour promouvoir l’ancrage mécanique de la matrice et ainsi améliorer l’adhérence.

Brueck et al [86] ont utilisé la microscopie à force atomique (AFM) pour quantifier la rugosité de trois fibres de carbone ex-PAN. Ils ont analysé les surfaces de fibres ensimées HTA40E13 et T1000GB et d’une fibre non ensimée Grafil 34-700. Cette méthode d’analyse est sujette à de nombreux développements et notamment sur le traitement des données. En effet, il est possible de déterminer différentes échelles de rugosité selon l’échelle d’observation. Leurs travaux ont porté sur l’intérêt de traiter les données à l’aide de la densité d’énergie spectrale pour avoir accès à l’ensemble des échelles de rugosité à partir d’une série de mesures. Dans

leurs travaux, les auteurs ont mis en évidence les topographies de ces fibres qui sont assez différentes en termes de rugosité de surface :

Fibre Fournisseur Rq micro (µm) Rq nano (nm)

HTA40 E13 Toho Tenax 22.1 ± 6.5 0.8 ± 0.3

T1000 GB Toray 16.2 ± 7.8 0.8 ± 0.4

Grafil 34-700 Mitsubishi Rayon 31.1 ± 7.5 1.7 ± 0.5

Figure 1.28 Analyses AFM de fibres de carbone HTA, T1000 et Grafil 34-700 [86]

Bien que ces fibres soient produites à l’aide du même précurseur, elles peuvent avoir des états de surface bien différents. Pour bien maitriser les propriétés des interfaces obtenues, il convient de caractériser finement ces morphologies qui peuvent promouvoir à la fois de l’ancrage mécanique mais également favoriser la création de liaisons chimiques par augmentation de la surface de contact avec la résine.

La fabrication des fibres de carbone à partir du PAN est un processus complexe comprenant plusieurs étapes pouvant donner lieu à un spectre très large de propriétés. Les fibres obtenues peuvent différer en terme de résistance mécanique (contrainte à la rupture, module d’Young) et de propriétés de surface (topographie, rugosité, énergie de surface). Les faibles interactions chimiques développées par ces fibres rendent difficile leur utilisation sans modifications de surface. De ce fait, il a été montré dans cette partie qu’une multitude de traitements de surface (oxydation sèche / humide / plasma, ensimages) visant à améliorer leur compatibilité avec les matrices polymère ont été mis en œuvre par les industriels pour améliorer leur adhésion avec les polymères. De nombreuses études réalisées avec des matrices thermodurcissables ont prouvé l’efficacité des traitements d’oxydation et de l’utilisation d’ensimages (époxy, vinylester, etc). Dans le cas des thermoplastiques renforcés par des fibres de carbone, quelques études ont rapporté des améliorations des propriétés mécaniques liées au développement d’ensimages spécifiques aux thermoplastiques. Aucun développement spécifique n’a cependant été réalisé pour le PPS à notre connaissance. Finalement, de très nombreux traitements existent et peuvent être utilisés mais il faut rester attentif à leurs impacts sur les propriétés mécaniques des fibres finales.